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Journal de bord

Deux semaines avec mes Hydrotrotters de frères

 

Et c'est partiiii !

1er mai 2004 après quelques ennuis dans le parking aéroportuaire de Bruxelles me voilà dans l'avion pour l'aventure, et pour rejoindre mes frères qui sont en route depuis 10 mois.
10 mois ! C’est bien long ! Plus qu'une gestation…
Ce n'est pas sans un petit pincement au coeur que je laisse ma femme et notre fille de 7 mois à terre ferme, enfin elles sont dans de bonnes mains. Une petite appréhension me tarabuste, les questions se bousculent dans ma tête à en faire mal. C'est la première fois que je vais en Asie et la vision qu'on a en Europe du Myanmar n'est pas des plus flatteuse pour un si beau pays et des gens qui se sont montrés si accueillant. Que vais-je trouver là-bas ?
- des mangeurs de chiens aux allures cannibales ?
- pleins de fruits, légumes, glaçons et verres d'eau gorgés par une foultitude de microorganismes qui se seraient donnés le mot pour me rendre malade ?
- de grandes blanchisseries à la Lucky Luke où l'argent ressortirait propre avant même d'y être entré sale ?
- des militaires fantasques et mal lunés qui n'auraient pour seule mission que d'espionner toutes nos activités afin de nous envoyer croupir dans un bagne insalubre pire que Cayenne ?
- des rubis sang de pigeon qui se ramassent à même le sol ? Vous avez dit pigeon?
L’amabilité des employés consulaire du Myanmar en Suisse me rassure quand même un peu sur ce peuple et ce pays que nous allons découvrir, et armé de patience, pour me rasséréner, je compulse vaguement le guide du Rotor (qui comme chacun le sait ne dit que des vérités vraies et incontestables). Le voyage suit son cours tranquillement. Essayant de m'évader de la carlingue réfrigérée qui empeste la transpiration de buveurs de bières munichoise, je repense à cette soirée d'avril 2002 ou Geoffroy le plus sérieusement du monde avait convoqué ses deux frères à Luxembourg afin dit-il de partager avec eux une bonne idée. Je nous revois assis dans l'herbe à écouter ce petit frère déjà si grand et venu tout exprès d'Innsbruck (où il était en échange interuniversitaire ERASMUS) nous raconter comment il comptait s'occuper au sortir de ses études.
Un voyage autour du monde avec ses frères. Quelle bonne idée ! Avant de dire Banco il fallut tout de même se creuser les méninges pour trouver un projet qui tienne la route fasse aux futurs sponsors éventuels. C'est vrai, pourquoi voyager comme des valises et collectionner les coups de tampons sur un passeport comme un taste-vin collectionnerait les capsules de bières exotiques alors qu'il y a tant de belle chose à faire, tant à partager ?
Il ne faut pas longtemps en cette année internationale de l'eau pour trouver le thème de croisière terrestre. Une formidable machine vient de naître Hydrotour. Formidable machine car le départ le 3 juillet 2003 représente plus d'un an de travail acharné pour ces deux aventuriers. Il faut donner substance au projet : créer une association, faire un Logo, prendre des contacts pour intéresser des écoles, démarcher des parrains, des sponsors, créer un site Internet, faire une plaquette… une vraie entreprise ! J'ignore le nombre de coups de téléphone, de démarches, de soirées, de nuits blanches et week-ends qu'ils y sont passés, mais le résultat permet d'aisément l’imaginer.

Pourquoi, donc, ce germain, qui sent si fort le munster des pieds, se croit-il obligé de crier pendant toute la nuit ?
« Mesdames et messieurs veuillez attacher vos ceinture, remonter vos tablettes». Quoi déjà ? Nous descendons enfin sur Bangkok du ciel rien ne distingue cette ville de Francfort quittée quelques heures auparavant: paysages verdoyants, ciel gris, champs cultivés avec de ci de là des zones habitées. La climatisation de l'avion maintient l'illusion jusqu'au bout. C'est en sortant de la carlingue pour monter dans le bus que la différence devient flagrante j'ai l'impression de rentrer dans un hammam, l'air chaud remonte par les pipes de mon pantalon le prenant pour une mongolfière. Je cherche la glace à briser, le bain frais. Mais non ! Du chaud, rien que du chaud, encore du chaud, toujours du chaud ! Ce rapide coup d'œil passé par le hublot quelques minutes auparavant m'aurait-il à ce point trompé ? J'aime cette chaleur, n'a-t-elle pas quelque chose d'enivrant ? Et ce parfum de milles fleurs qui imprègne l'air n'en est-il pas le joyeux complice ?
Tout ça est bien joli, mais ça donne soif. Déjà en temps normal je bois des litres par jour. Ici la quête de l'eau n'est pas une sinécure, pas question de boire au robinet (cf. légions sont les microorganismes qui n'attendent que ma faiblesse pour attaquer lâchement mon pauvre foie). Les moindres 33 cl de vulgaire flotte encapsulée coûtent entre 2 et 3 dollars. Évidemment en zone de transit tout le monde en profite mais quand même il y a de l'abus. Une fois l'eau trouvée je la déguste comme s'il s'agissait d'un grand cru du meilleur millésime.

Arrivée au-dessus de Yangoon de nuit.
C'est drôle à part quelques voitures qui roulent sans phare la ville semble inanimée. « Are you french ? » me demande-t-on à la douane « euh yes » "bienvenue au Myanmar monsieur ici nous aimons beaucoup les français". Hé bien voilà, le ton est donné, ici au moins on est aimable et ça me met un peu de baume au coeur quand j’apprends quelques minutes plus tard que mon sac à dos est bloqué en douane pour la nuit. Bon ben c'est pas grave yapluka dégoter une auberge pas trop sale aux environs ! Comme c'était le dernier avion, l'aérogare s'est vidée. Reste là un chauffeur de taxi qui me propose de m'emmener dans l'hôtel le plus proche réservé aux étrangers, le tout pour 10 dollars américains rien que ça. Bon aller après négociation il accepte pour 3 dollars de me driver dans le palace promis. Je pensais avoir négocié comme un chef, je n'ai encore rien vu ! Demain les hydrottroteurs arrivent par l'avion de Calcutta on verra !
L'hôtel : un palace superbe avec des détails qui sentent bon le tiers monde à commencer par moi qui fait la lessive dans ma baignoire (vous savez mon sac coincé en douane). Bon aller, j'essaye de dormir un peu. Convaincu que je vais me choper la malaria, je m'oins de répulsif pour moustique et ce sera la dernière fois, même lorsque plus tard nous irons dormir à même le sol dans un monastère bouddhiste. Quelle cochonnerie, ça brûle la peau ! Je comprends qu'il faut se rendre impropre à la consommation des moustiques, mais quand même il y a des limites. Le lendemain je m'en retourne à l'aéroport à pied cette fois. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai la vague impression que le chauffeur de taxi m'a un peu baladé hier soir car je vais aussi vite à pied qu'en voiture. Après de longues négociations pour récupérer mon sac en douane, je m'en vais attendre les frères dans l'aérogare. Apres trois longues heures d'attente entrecoupées de ça de-là par des chauffeurs de taxis très empressés de me proposer un hôtel moins cher que gratuit, un tour style safari, mais en encore plus beau, je vois au loin un espèce de mahométan de plus de 6 pieds de hauts à la barbe généreuse accompagné d'un freluquet aux allures de gaucho argentin faire des signes. Les voilà enfin quelle joie de les revoir !

Il pleut à verse, les grenouilles et crapauds montrent leur joie en un concert assourdissant de croassements. Nous voilà arrivés, suite à deux jours de route, au lac Inle. Après quelques jours passés à Yangoon sous une chaleur étouffante à nous reposer, parcourir la ville et rencontrer les associations locales de l'eau, nous avons décidé de visiter le pays. Destination le Lac Inle une des nombreuses splendeurs du Myanmar située au Nord Est de Yangoon. Ici pas moyen de louer un vélo, une mobylette ou même une voiture sans chauffeur et le train ou l'avion coûtant cher, nous prenons une voiture avec chauffeur louée à la journée. En guise de chauffeur nous avons un ancien commandant de l'armée qui s'avère très efficace pour passer sans encombres les très nombreux barrages émaillant la route poussiéreuse et surchargée.
En chemin nous croisons de curieux équipages et convois en tous genres tels que des chars à buffles transportant de la canne à sucre et dirigés par des enfants, des camions remplis de tout un tas de denrées et matières pondéreuses, de drôles de guimbardes bourrées de voyageurs accrochés tant bien que mal au toit brûlant. En guise de voiture nous avons une Nissan grand luxe (ce fut sans doute le cas dans une autre vie) défoncée de partout, sans clim, prenant l'eau de toutes parts et perdant ses pièces, tel le petit poucet, au gré de la route (embrayage, amortisseurs, pot d'échappement, klaxon .). Ce qui surprend le plus sur la route c'est la façon de conduire des autochtones ainsi que le nombre de chantiers de réfections de la piste goudronnée.
Le Klaxon est un élément déterminant et vital pour dégager le passage, doubler, s'arrêter. Quant aux chantiers, ils sont équipés de moyens rudimentaires (pas de signalisation, ni d'outils ou de machines autres que les mains ou le dos) et la main d'oeuvre qui y travaille sans relâche sous un soleil de plomb est composée essentiellement d'enfants, de jeunes adolescents et de femmes. Lors des nombreuses haltes que nous effectuons (photos pour Hydrotour et turista obligent) nous rencontrons partout les mêmes sourires et le même accueil bienveillant qui caractérisent les birmans (il convient cependant de ne pas s'y tromper car ce peuple pluriethnique est fier et courageux et l'on sent assez proche l'époque où ils coupaient encore des têtes).
La visite du lac Inle se fait à bord d'une pirogue à fond plat automotrice. Peu profond, ce lac tout en longueur est surplombé de montagnes qui lui donnent un cachet fou et surtout, qui maintiennent un air relativement frais. Il est couvert de maisons sur pilotis et nous rencontrons un nombre impressionnant de barques en tout genre servant à la pêche, au transport de bétail, de sable. En circulant à bonne allure entre les champs inondés et maisons sur pilotis nous avons l'impression de nous retrouver dans l'intimité des riverains (qui pèchent, se baignent et font la vaisselle dans le lac) sans pour autant pouvoir communiquer avec eux ce qui donne le sentiment désagréable de nous retrouver dans une sorte de réserve naturelle humaine où l'on nous montre seulement ce qu'on veut bien nous montrer.
Désireux de quitter les voies navigables pour touristes Loïc et Geoffroy essayent, monnayant forte rémunération (jusque cent fois le salaire journalier moyen), de négocier avec le pilote de la pirogue une remontée vers le Nord du lac, rien n'y fera. Les excuses invoquées sont nombreuses : terrorisme, trafic de drogue, eaux dangereuses. Est-ce là toute la vérité ? Est-ce que le système ne favorise pas aussi une poignée de nantis qui se partagent les bénéfices du tourisme ? Ce sentiment de confinement va s'accroître jusqu'à la fin de notre séjour. Ainsi, nous nous apercevons que lors de nos arrêts nous ne pouvons aller boire ou manger là où nous le désirons qu'après de longues palabres avec notre chauffeur et sous la surveillance permanente de ce dernier. Même dans la capitale lorsque nous voulons acheter des souvenirs, nous faire couper les cheveux ou tout simplement visiter un temple, nous sommes systématiquement alpagués par une sorte d'îlotier qui se charge de négocier les prix (sans avoir rien demandé pourtant) et qui se prend une substantielle commission au passage sur notre dos. Mafia locale ou îlotage politique ? Nous ne savons pas vraiment sans doute un peu des deux. Lorsque nous parvenons au terme de notre parcours sur le lac nous sommes éblouis par la beauté du paysage et la lumière du soleil couchant qui donnent un sentiment de paix et de calme.
Nous terminons la journée autour d'une bonne bière de banane, en fumant les cigares locaux fait à base de feuilles de cannes à sucre (peut être s'agit il de feuilles de bananier). Le chemin du retour est épique, une pénurie de pétrole dans les stations services officielles (le pays est pourtant un gros producteur de pétrole mais celui-ci est destiné aux USA qui passent outre l'embargo qu'ils ont eux même imposés à la communauté internationale…) nous oblige à nous arrêter régulièrement auprès des revendeurs établis le long de la route. Ceux-ci en profitent pour vendre le galon de super au prix du champagne « made in France ». Ces nombreuses escales nous mettant très en retard sur l'horaire fixé nous sommes forcés à nous arrêter vers 1h00 du matin dans un monastère bouddhiste réservé aux femmes afin d'y passer le reste de la nuit à même le sol dans une cahute de pèlerins. Au réveil vers 5h30 et après une douche prise dans l'abreuvoir de la cour, j'ai le plaisir de rencontrer le prieur de l'endroit qui fièrement me fait visiter les bâtiments avec force de commentaires sur les travaux de rénovation en cours.
Le séjour s'achève comme il a commencé, dans la capitale. Nous y visitons les dernières associations et nous faisons nos derniers achats avant le retour. Pour moi c'est l'Europe, pour mes frères c'est l’Ile de La Réunion où ils retrouveront les enfants lauréats du concours qu'ils ont co-organisé avec les ADP. Un dernier jus d'orange pris sans hâte dans l'aéroport nous permet de faire nos adieux. Pleins de souvenirs se bousculent dans ma tête, au moment de monter dans l'avion je jette un dernier regard à mes frères que je reverrai en septembre et sur ce pays si attachant. « Ca passe vite 12 jours » !!

Journal du 1 au 13 mai 2004 écrit par Roland de La Tullaye

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