accueil
cliquez pour lire la Newsletter



Nous aider

Carnet des initiatives

Vivre avec l'eau d'origine météorologique

Les tanks

Définition
Un tank est un grand réservoir d'eau creusé par l'homme.
Il se remplisse de deux manières :
- soit directement, le tank se remplit petit à petit tout au long de la saison des pluies;
- soit indirectement, il capte les eaux de ruissellement (les eaux de surface), il faut alors que le tank soit creusé en dessous du niveau du sol.

On distingue :
- Les ponds qui sont de petits réservoirs d'eau de moins de 1000m², généralement contigus à un temple;
- Les ooranis qui sont spécifiquement utilisés pour l'eau potable. Ils sont alors clôturés pour que le bétail ne puisse pas y pénétrer. Nous avions déjà rencontré ce type de réservoir au Soudan, les fameux haffirs. Ils sont de petites tailles et font généralement moins d'un demi-hectare. Les habitants y puisent l'eau soit directement dans le bassin, soit dans un puits qui se trouve à proximité;
- Les tanks de percolation qui permettent de recharger directement la nappe phréatique. En Inde les pluies sont très fortes et de très courtes durées le sol n'a donc pas la capacité d'absorber toute l'eau qui ruisselle donc rapidement vers la mer. Tous les tanks permettent effectivement à l'eau de pénétrer lentement dans la nappe, mais certains sont spécifiquement prévus à cet effet;
- Tous les autres tanks qui n'ont pas de noms particuliers et peuvent parfois faire plusieurs hectares.

Histoire et chiffres :
C'est l'une des plus importantes et des plus vieilles sources d'irrigation en Inde. Un tiers du riz pousse dans des zones d'irrigations par tank.

Ils sont creusés à côté des champs pour plusieurs raisons :
- La première est bien évidemment d'ordre pratique car il permettent au(x) propriétaires du champ d'avoir de l'eau pour irriguer les cultures (pour rappel il faut 5000L d'eau pour 1kg de riz). Ils sont le fruit d'une élaboration complexe qui tient compte du micro-bassin dans lequel ils se trouvent. Plusieurs dizaines peuvent être connectés les uns aux autres par un réseau de canaux, la destruction d'un tank ou d'un canal entraînant des problèmes sur les tanks en aval. Parfois ils sont directement reliés par des canaux à la rivière la plus proche dont ils récupèrent l'eau dès qu'elle est en crue.
- La deuxième est religieuse. Les terres étaient distribuées aux mérites par le prince ou le roi de la région. A côté de la terre reçue, le ou les récipiendaires devaient creuser un tank. En remerciement ils construisaient un temple, qui provoquerait, on l'espérait, une protection du dieu (cela représenterait 40% des tanks).

Il existe deux théories quant à la construction des tanks :
- la première s'appelle Kudimaramath, le tank était construit et maintenu par le village (hommes et femmes) mais avec leur consentement;
- la deuxième serait plus dure, on devait faire pression sur les habitants pour qu'ils construisent et entretiennent le réservoir.

Dans le sud de l'Inde, dans les états de l'Andhra Pradesh, du Tamil Nadu et du Karnataka, on en dénombre 127.000 (certaines estimations évaluent 140.000). L'état du Tamil Nadu qui a une moyenne de précipitation annuelle de 850mm (inférieure au reste du pays qui a une moyenne de 1200mm) et une surface irriguée supérieure (51% contre 30% sur toute l'Inde) compte 39.000 tanks.

Utilisation
Comme on l'a déjà mentionné, il y a l'eau de boisson. Mais c'est généralement une eau chargée en boue. Pour la faire décanter il existe plusieurs méthodes dont certaines ancestrales :
- On la mélange avec de l'eau saumâtre (venant du sol de certaines régions), la réaction est assez rapide, mais le mélange devient salé et a donc mauvais goût;
- on utilise une pierre contenant de la chaux, qui permet de précipiter les boues et de purifier l'eau;
- on la met dans un récipient dans le fond duquel on frotte une semence de la taille d'un pois chiche (thathancottai) qui provoque une précipitation des éléments en suspensions assez rapide et présente l'avantage de ne pas avoir de goût.
Afin d'améliorer la qualité de l'eau les ONG commencent à adjoindre un puits qui est directement rechargé par l'eau du tank qui s'infiltre jusqu'au puits. Cela permet une purification de l'eau filtrée par le sol et elle n'est alors plus chargée en boue.

On les utilise aussi pour des besoins domestiques tel que les lessives, l'hygiène des maisons et des personnes.

Et enfin pour les besoin de l'agriculture :
- pour l'irrigation des cultures;
- pour abreuver le bétail et tous les élevages (canards, gallinacés…);
- pour la pisciculture;
- la fabrication de briques;
- pour recharger la nappe phréatique.

Problèmes
En 1967 survient en Inde une grande sécheresse et donc une grande famine. Les Etats-Unis acceptent d'aider l'Inde et de leur fournir du blé à condition que Nehru mettent fin à sa politique socialiste de redistribution des terres. L'Inde accepte et c'est le début de la révolution verte. Les semences utilisées viennent des USA et sont plus productives (sauf les semences de riz qui venaient d'Inde), les cultures sont dorénavant fertilisées avec des produits chimiques venant des USA, et les cultures sont irriguées avec de l'eau venant…. du sous-sol mais grâce à des pompes venant des USA… Aujourd'hui, selon Monsieur Shanmugham de la DHAN Fundation, beaucoup des intrants viendraient directement d'Inde.
Suit la fameuse décade de l'eau promulguée par l'ONU. Devant le succès apparent de la révolution verte (l'Inde ne connaît plus de famine et exporte des matières premières alimentaires) les autorités indiennes poursuivent leur politique de "l'eau pour tous", toujours basée sur l'eau du sol. On vend des centaines de milliers de pompe qui puisent l'eau directement dans la nappe pour irriguer de plus en plus de terre. Pour subventionner l'agriculture, on offre l'électricité gratuitement aux agriculteurs pour leur permettre de "produire pour la nation".

Le résultat pour les tanks est catastrophique. En quarante ans, le pourcentage d'utilisation des tanks a diminué de 40%. Les tanks sont jugés non fiables et c'est vrai : 40% des surfaces irriguées par tank sont affectées par les sécheresses.
En effet, contrairement à la pompe, le tank nécessite une gestion et un entretien qui représente un travail physique (transport de terre…). De plus, ils exigent une économie de l'eau et un calcul minutieux de la quantité disponible pour qu'il en reste toute l'année. A cause de l'augmentation des surfaces irriguées et des modifications climatiques les méthodes de calculs appliquées depuis des siècles ne sont plus valables. En cas de manque d'eau ou de sécheresse, les agriculteurs sont complètements démunis. Ils n'ont pas d'eau du tout ou pas assez pour permettre aux cultures d'arriver à maturité. Cela crée des conflits entre les différents utilisateurs (culture, pisciculture, sylviculture…). Au moment des récoltes, cela implique une perte partielle des récoltes ou pire pas de récoltes du tout.
La solution de l'irrigation par l'eau du sol est donc salvatrice pour beaucoup mais est une solution à court terme.
Car le niveau de la nappe baisse depuis quelques années de manière dangereuse dans beaucoup d'Etats (et sans doute tous les Etats, mais nous ne les avons pas tous vu). Autre problème, dans certain cas survient une salinisation de la nappe qui rend l'eau impropre à la consommation humaine.
Aux alentours de Pondichéry nous avons rencontré Water Tom et Gilles de l'ONG Harvest : "en quatre générations, nous avons eu quatre systèmes de pompage différents qui reflètent bien cette descente du niveau de l'eau.
- A l'origine il y avait un système qui permettait de remonter l'eau à la main à l'aide d'un seau;
- ensuite il y a eu l'apparition de la pompes diesel;
- puis la pompe électrique;
- et enfin la pompe électrique submersible qui permet d'aller chercher l'eau à plus de 100 mètres.
Tout ceci s'est fait en 60 ans avec en parallèle, une augmentation de la surface irriguée. Du coup, dans notre région, les Indiens consomment plus de quatre fois la recharge (= c'est l'eau apportée par les pluies qui descend dans la nappe au lieu d'aller dans la mer via les fleuves) et le niveau de la nappe a baissé de 17 mètres à certains endroits."

Inutilisés, les tanks se remplissent de sédiments, de mauvaises herbes, etc…ce qui diminue leur capacité de stockage. Parfois même ils sont utilisés comme surfaces cultivables car très fertiles grâce aux limons. Dans ce cas, dès la fin de la saison des pluies, les agriculteurs vident le tank et le cultivent. "C'est dramatique parce que l'eau est directement envoyée dans la rivière la plus proche et elle ne peut donc par pénétrer doucement dans le sol et ainsi recharger la nappe."


Remise en service :
Nous avons visité beaucoup d'ONG (Sud de l'Inde), mais partout nous rencontrons les mêmes constats et souvent les mêmes mesures sont adoptées.
Il s'agit d'abord de sensibiliser et d'éduquer la population à l'importance de l'eau de pluie. Une fois ce travail préliminaire obligatoire effectué, il y a création des collectifs pour la réhabilitation et la gestion des tanks. De cette manière, la solution vient des villageois eux-mêmes et les tanks ne sont pas abandonnés. Enfin lorsque toute la structure est prête, les ONG recreusent ces tanks avec une participation active de la population qui les maintient en état. La DHAN Fundation nous avoue qu'ils sont souvent apporteurs de savoir faire, ils ne prennent jamais la place de la population. Ils les forment et les aident financièrement. C'est la population qui fait tous le reste.

Bénéfices de la restauration des tanks:
Devant la pression des ONG et des organisations écologiques, le gouvernement tend à abandonner les grands projets d'irrigation (barrages et autres déviations de fleuves) et relance l'irrigation par tank.
Les avantages sont nombreux et l'on peut citer notamment :
- une distribution plus homogène des bénéfices et des emplois qu'ils génèrent;
- les investissements sont moins importants et ont moins d'effets sur l'environnement;
- ils ne demandent que l'implication des collectivités locales dans les travaux de construction, de maintenances et d'amélioration.

Les bénéfices sont multiples pour les agriculteurs et les villageois.
Partout où les tanks ont été rénovés, il y a eu une remontée du niveau de la nappe, une augmentation des surfaces irriguées, une apparition de pisciculture et une augmentation des cheptels (tous animaux confondus).
Des effets positifs non-escomptés sont même apparus, comme par exemple l'augmentation du temps disponible pour l'éducation des enfants. Par exemple certains tanks sont sur-creusés (par rapport au niveau des sorties d'eau vers les canaux d'irrigations) ce qui permet de garder de l'eau une fois qu'il n'en reste plus pour l'irrigation. L'eau ainsi disponible sert pour le linge et pour abreuver le bétail. Les femmes disent que ça leur permet de ne pas faire plusieurs km pour ces tâches et qu'elles ont ainsi plus de temps pour s'occuper de leur famille.

Conclusion :
La problématique de l'eau dans les villages indiens ne doit pas être réglée à coup de grands projets qui permettraient d'apporter de l'eau dans chaque village et dans chaque maison. Les coûts financiers et environnementaux seraient trop importants à long terme. Aujourd'hui, sauf exceptions, tout est en place pour que les villages ne souffrent plus de manque d'eau. Il y a une saison des pluies qui fournit de l'eau en abondance, mais sur une courte période. Il y des tanks qui permettent de garder cette eau météorologique pour la saison sèche. Et il y a de l'eau dans le sol, des puits et des pompes pour palier aux manques d'eau.
Alors que manque-t-il ?
Une rénovation des tanks, cela comprend une protection des zones de collectes et de réserves, une amélioration des canaux et des berges.
Une sensibilisation à la collecte et au traitement des déchets tant liquides que solides.
Une sensibilisation et une éducation de la population à un usage rationnel de l'eau en utilisant le potentiel d'irrigations par tank au maximum et une utilisation raisonnée de la nappe phréatique (en ne pompant pas plus que la recharge).
L'établissement d'un collectif responsable de la gestion du tank mais aussi de l'eau du sol.
Une éducation à une agriculture raisonnée en favorisant par exemple le dry-farming dans les régions où la quantité d'eau disponible n'est pas suffisante.
Une éducation prônant le respect des petits agriculteurs et même des sans-terres en gros cela signifie l'abolition du système des castes.
Le mot éducation revient souvent et pourtant l'Inde est un pays qui nous a surpris, l'Indien en général est éduqué, il a été à l'école, sait lire et écrire et parle souvent anglais.

L'avantage d'une situation catastrophique réside dans le fait qu'il n'y a pas d'échappatoire. Si l'Inde ne prend pas de mesure aujourd'hui, demain (dans 5 ans) il n'y aura plus d'eau dans le sol ou elle sera complètement saumâtre. Nous avons vu beaucoup de champ recouvert d'une croûte blanche (cristaux de sel) parce que la seule source d'irrigation est l'eau de la nappe qui est totalement saumâtre. Même si certaines plantes tolèrent un sol chargé en sel, leur tolérance n'est pas infinie et ces sols seront bientôt impropres à toutes cultures. Heureusement les ONG tant étrangères qu'indiennes (il y a énormément d'ONG indiennes) et le gouvernement ont compris l'enjeu, et les mesures commencent à se faire sentir. Il faut juste leur souhaiter beaucoup de patience et de persévérance.

< précédent     suivant >     retour <<


Photos


Un villageois s'apprêtant à prendre son bain dans ce tank élaboré (les berges sont en pierres) situé face à un temple indou.


L'eau du tank est envoyée dans les champs grâce à plusieurs vannes de ce type. Un réseau de canal distribue ensuite l'eau à chaque parcelle.


Ce tank sert aujourd'hui de terrain de cricket aux enfants du village.


Un oorani, crée par la Dhan Fundation. On peut apercevoir la clôture qui le protège du bétail. Le puits au premier plan est alimenté par l'eau de l'ooranis qui s'infiltre jusqu'à lui.


Les tanks ne sont pas toujours carrés, celui-ci est recreusé par le gouvernement. Le gros problème lorsque ce n'est pas fait par une ONG, c'est que trop d'intermédiaire ce mettent de l'argent dans les poches.


Un tank n'ayant plus assez d'eau pour l'irrigation mais encore pour des necessités domestiques et pour le bétail.


Deux paysans en train de faire les petites digues des canaux qui véhiculent l'eau qu'ils pompent dans le sol.


Ce tank sert aussi bien pour laver le linge que pour laver et abreuver les animaux.


Une jeune indienne est en train de frotter la semence du thathancottai dans ce récipient rempli d'une eau chargée en boue. Quelques minutes après la boue sédimente dans le fond.


Ici on peut voir que la boue a sédimenté. Cela s'est produit en cinq minutes après adjonction d'eau salée venant de la nappe phréatique.


Water Tom, fondateur de l'ONG Harvest dont nous avons visité plusieurs projets.


Le comité responsable de la gestion du tank réhabilité par l'ONG Harvest.


Les grands travaux ont toujours eu beaucoup de succès en Inde. Ce canal avait été creusé par les Anglais.

Haut de page

© Hydrotour 2003

Réalisation Laure-Anne de Moncuit & Webdesigner.ro

Menu: