accueil
cliquez pour lire la Newsletter



Nous aider

Carnet des initiatives

Le visage de l'eau dans un quartier illicite de Beyrouth


Beyrouth quartier de Ber Hassen le 5 août 2003

Entretien avec Hassan habitant le quartier depuis toujours.

HYdrotour: Bonjour Hassan, merci de bien vouloir répondre à nos questions, depuis quelques jours nous sommes voisins. Nous allons vous interroger sur l'eau dans le quartier. Pour rappel Ber Hassen est un quartier qui a été construit au début de la guerre civile au Liban dans les années 1970 sur les terrains qui appartenaient à des riches ayant fui le Liban ou Beyrouth.
HAssen: Oui, c'est cela, il faut aussi ajouter pour votre thème que Ber en arabe veut dire "le puits". Notre famille a été l'une des premières à venir habiter ici, et toutes les maisons que vous voyez ont été construites sous les bombes par des gens sans aucunes expériences dans le bâtiment.

HY: Combien êtes vous dans votre famille?
HA: Nous sommes 7 : les parents, 4 garçons et une fille.

HY: Venons en au sujet qui nous concerne : l'eau. Quelle est votre source d'approvisionnement?
HA: Nous avons deux réseaux, l'un concerne l'eau non-potable issue d'un puits que nous partageons entre 6 maisons voisines, l'autre, l'eau potable, que nous allons chercher tous les jours au magasin dans des bidons de 20 litres.

"Nous traversions les quartiers … en baissant la tête pour éviter les balles.."

HY: Commençons donc par l'eau non-potable, quand avez-vous construit ce puits et comment fonctionne-t-il?
HA: Nous avons construit ce système à la fin de la guerre lorsque nous avons commencé à pouvoir mettre de l'argent de côté.
Je me souviens étant jeune, avec mon père, nous traversions tous les quartiers de Beyrouth en voiture, puis, une partie à pied en baissant la tête pour éviter les balles perdues et les éclats d'obus. Comme tout le monde, nous devions nous rendre à ce point pour aller chercher de l'eau dite potable. C'était vraiment la grande préoccupation de la journée, de par la contrainte géographique, mais aussi de par le danger que représentait une telle expédition. D'ailleurs certains jours nous ne pouvions tout simplement pas y aller. Aujourd'hui nous avons une pompe qui prend de l'eau à quelques mètres de profondeur. Cette eau n'est pas potable, mais nous nous en servons pour tous les usages domestiques (douches, vaisselles, nettoyage de la maison). C'est un très gros avantage.

HY: Qui gère cette pompe ? Fonctionne-t-elle à plein temps?
HA: Chacun des 6 propriétaires (dans certaine zone cela peut être plus ou moins de 6) à payé pour le creusement du puit et l'achat de la pompe, aujourd'hui nous payons tous 2 dollars par mois pour l'électricité. S'il y a un problème nous devons repayer pour réparer. Une personne des 6 maisons est chargée de récolter l'argent et d'allumer la pompe une fois par jour, et nous la payons un peu pour cela.
La pompe ne fonctionne donc pas à plein temps seulement entre 10h00 à 12h00. Nous avons tous des citernes sur nos toits et nous les remplissons pendant ces deux heures. Grâce à cela nous avons une réserve d'eau pour toute la journée

HY: Tout à l'heure, en nous promenant, nous avons vu une citerne qui débordait, que se passe-t-il dans ce cas?
HA: Lorsque la cuve est pleine l'eau déborde, certains habitants ne font pas attention à couper leur robinet. Mais en règle générale, même si nous ne payons pas l'eau, nous essayons quand même de faire attention.

HY: Surveillez-vous le niveau de la nappe? Que se passera-t-il lorsque celle-ci est trop basse?
HA: La situation dans un quartier illicite ne se compare pas a celle d'un quartier normal, ici vous n'avez pas de distribution du courrier, l'électricité arrive mais il y a encore beaucoup de branchement illégaux et donc de coupure de courant (NDLR en journée, en été, il y a entre 2 à 4h d'électricité par jour). Il n'y a pas d'infrastructure capable de vérifier le niveau ou la potabilité de l'eau de la nappe et encore moins de faire de la communication pour l'économie d'eau. Le jour ou la nappe sera trop basse, soit nous creuserons plus bas, soit nous devrons attendre qu'elle se recharge, donc attendre la période des pluies.

HY: Et l'eau potable?
HA: Nous la payons 0.75 dollars les 20 litres et nous en consommons 40 litres par jour pour toute la maison (en été, cela peut être 60L). En général ce sont les garçons qui sont de corvée d'eau et nous allons la chercher dans les petites échoppes que vous avez vues à 200m d'ici.

"Si l'eau a une mauvaise odeur, nous la jetons et nous achetons des bouteilles d'eau minérale"

HY: Connaissez-vous la provenance de cette eau et l'hygiène qui y est apportée
HA: Oui, cette eau vient de puits qui sont potables et nous connaissons les vendeurs. Si l'eau a une mauvaise, odeur nous la jetons et nous achetons des bouteilles d'eau minérale. Pour ce qui est de nos bidons, nous les lavons 3 fois par semaine avec de l'eau de Javel.
Note d'Hydrotour : il n'existe aucune certification de l'eau qualifiées de potable arrivant dans ces quartiers. Elle est amenée par des camions dans des cuves en plastiques et transvasée de ces cuves dans d'autres cuves en plastique (de 2 à 3 m3) qui sont souvent en dehors des magasins en plein soleil. Personne ne sait réellement d'ou vient cette eau et le seul moyen de la tester est l'odeur (absolument inefficace). Certaines ONG dont la PARD (voir autre visage de l'eau) ont analysé l'eau de ces magasins et elle contient un taux de microorganisme la rendant presque toujours non-potable. L'organisme des gens s'est habitué à combattre ces microorganismes, mais beaucoup d'enfants et de personnes âgées souffrent de diarrhées chroniques.

"Nous devons sans arrêt faire attention à ce que nous buvons"

HY: Seriez-vous prêt à payer plus pour avoir une eau potable au robinet?
HA: Oui bien sur, vous savez l'eau est vraiment un préoccupation importante, nous devons sans arrêt faire attention a ce que nous buvons et où nous le buvons.

HY: Merci Hassen. Avez-vous un message à laisser aux enfants qui nous suivent?
HA: Oui, d'abord je veux vous féliciter pour ce que vous faites, les enfants ont de la chance de pouvoir vous suivre. Dites leur que l'eau est quelque chose de précieux et qu'il faut se rendre compte de sa valeur avant de devoir aller la chercher au risque de sa vie sous les bombes. Bonne continuation et vive l'eau car l'eau c'est la vie.

< précédent     suivant >     retour <<


Photos

 

 

 

 

 

Haut de page

© Hydrotour 2003

Réalisation Laure-Anne de Moncuit & Webdesigner.ro

Menu: