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Le visage de l'eau au Liban. Espoir de paix

Entretien avec Jaber Bassan, 69 ans, conseiller au Ministère des Ressources Hydrauliques et Electriques.

Résumé de la première partie de l'entretien :

Guerre Civile de 1975 à 1990

Précipitations annuelles :
840mm en 80 jours repartis en 8 mois entre septembre et mai.
200mm pour le Nord et 1500mm en haut du mont Liban (vallée de la Bekaa).

Constat assez d'eau mais :
1. Mauvaise distribution dans le temps
2. Mauvaise distribution dans le pays

En simplifiant, voici le mécanisme qui fait du Liban un pays bien arrosé mais pas partout :
- Les vents dominants arrivent de la Méditerranée par l'Ouest du Liban chargés d'eau.
- Lorsque qu'ils se heurtent à la chaîne du mont Liban (jusqu'à 3000m d'altitude), ils doivent se décharger de leur humidité pour pouvoir monter (donc pluie avant et sur la chaîne de montagne).
- En redescendant dans la plaine de la Bekaa (1000m d'altitude) ils se recharge en humidité (donc ils prennent de l'eau autour d'eux).
- Il y a une deuxième zone de remontée avec la chaîne de montagne de l'anti-Liban parallèle à la première (2000m d'altitude) et donc une deuxième zone de précipitations.
C'est pour cette raison que la Syrie est désertique à l'Est du Liban

Hydrographie :
17 fleuves et rivières permanents.

Une trentaine de barrages totalisant 251millions de m3 dont 220 pour le seul barrage de Qaraoun sur le Litani.

2000 sources saisonnières d'eau potable terrestres et 60 sources sous-marines.

L'approvisionnement en eau :
En 1970 3000 forages individuels et collectifs sont en activités en 1997 le recensement au niveau des immeubles montrait que 45000 immeubles sont dotés de puits auxquels il faut ajouter les forages non liés aux immeubles (irrigation, village, etc...). Dans leur écrasante majorité ces forages sont illégaux.
12 stations de traitements de l'eau sont opérationnelles
23% des immeubles ne sont connectés à aucun réseau en 1997.
11% des circonscriptions foncières ne sont reliées à aucun réseau.
Taux de fuite du réseau 50% Prix du m3 varie de 0,11 centimes d'euro à 0,40 (Beyrouth) suivant les offices de l'eau. En France on paye 2,2 Euro par m3. Dans la facture libanaise le coût de l'épuration n'est pas compris et pourtant ce prix ne couvre pas totalement le prix réel de l'eau (adduction, traitement, barrage, etc...)

Traitement des eaux usées :
50% de la population est raccordée à des réseaux d'égout (80% en zone urbaine, 25% en zone rurale) rejetés vers la mer et les cours d'eau.
Il existe uniquement 2 stations de pré-épuration.
Mais 6 sont en cours de réalisation et 5 en cours d'appel d'offre. 13 stations secondaires ont été réalisées par ONG collectivités locales. 87 points de rejet en mer (29 industriels, 58 domestiques).

L'eau au compteur… et s'il n'y en avait pas ?

Le fonctionnement dans les villes est simple, il y a une jauge à chaque maison. Cette jauge est constituée d'un orifice de diamètre fixe. La pression étant toujours la même (en théorie) le volume délivré en une journée se compte en m³ selon la jauge que l'on a (1m³ en général pour les particuliers). Ce système de jauge est très pratique pour les offices de l'eau, car il permet de délivrer la même quantité tout au long de la journée. Il n'y a donc pas de période de pointe. Par contre pour les usagers le système est très contraignant. La pression étant faible, tous les immeubles de plus de 3 étages doivent avoir une pompe. De plus le faible débit ne permet pas de prendre une douche, il faut donc équiper tous les immeubles (et même les maisons) de réservoirs mis en général sur le toit. Ces réservoirs permettent de garder une pression et un débit constant (par gravité) suffisant quand on le désire. En réalité le réseau de la ville de Beyrouth subit régulièrement des coupures d'eau. Il faut donc avoir un réservoir assez grand pour les jours où il n'y a pas d'eau. Voir exemple de la gestion de l'eau dans un hôtel (ci-dessous)

Suite de l'entretien

HYdrotour : Vous nous avez parlé tout à l'heure du fleuve El Kebir qui délimite la frontière entre le Nord du Liban et la Syrie. Selon vous c'est un exemple de coopération entre deux états sur un problème sensible de partage des eaux ?
Jaber Bassam : Oui ! Nous avons commencé en 1998 au moment où je prenais ma retraite et que je quittais le poste de Directeur Général. Je suis ensuite intervenu dans ce dossier comme expert institutionnel. Au début de 2002 le projet final était prêt et, dès le 20 avril de la même année, un accord était passé entre le ministre syrien de l'irrigation et le ministre libanais des ressources hydrauliques et électriques. Seulement deux mois après, l'accord était ratifié par le parlement libanais et par l'assemblée du peuple syrien.

"Un barrage va être construit par les deux pays…"

HY : Pouvez-vous nous résumer la teneur de cet accord?
JB : D'abord il faudrait préciser que cet accord a été construit sur le modèle de la convention des Nations Unies sur les lois d'utilisation des fleuves non navigables internationaux.
Nous avons commencé par définir son débit annuel sur base de données que nous avions dans les deux pays : 150 millions de m³ par an.
60% ont été alloués à la Syrie et 40% au Liban que ce soit en période sèche ou humide. Chaque pays a le droit d'utiliser son quota à l'endroit et au moment qu'il choisit. Un barrage de 70 millions de m³ va être construit par les deux pays, qui en payeront chacun la moitié. La bonne distribution de l'eau, la gestion du bassin, ainsi que la construction du barrage seront gérées par une commission mixte.

HY : Comment avez vous déterminé le quota d'utilisation ?
JB : Nous nous sommes basés sur les recommandations de l'ONU (art. 6 de la convention) qui définissent les facteurs suivants :
- Hydrogéographie, hydrogéologie,...
- Besoins sociaux et économiques et besoins de la population.
- Utilisation existante et potentielle.
- Conservation et protection
- Présence d'alternatives

"La Syrie a admit que ces deux barrages pouvaient avoir un impact négatif en aval"

HY : Quels ont été les grands apports de cet accord?
JB : La construction du barrage, sans aucun doute ! En effet, la Syrie dispose déjà sur son territoire en amont de deux barrages de 35 millions de m³ chacun, et elle n'a pas vraiment besoin d'un troisième barrage. Cependant pour prendre en considération l'article 7 de la convention internationale, qui mentionne qu'il ne doit pas y avoir de nuisance de la part de l'un ou l'autre pays, la Syrie a admit que ces deux barrages pouvaient avoir un impact négatif en aval, et a donc accepté la construction de celui-ci...

HY : Et pour conclure?
JB : L'accord sur le Nahr El Kebir est un excellent exemple de coopération entre deux pays basée sur les conventions de l'ONU. Il montre que des intérêts divergents pour l'utilisation de ressources en eau partagée, peuvent être harmonisés et que la paix sur terre serait atteinte si de bonnes intentions guidaient le monde.

HY : Merci Jaber Bassam, merci pour cette conclusion. Nous espérons qu'un jour elle puisse s'adapter avec votre voisin du Sud : Israël.

La gestion de l'eau dans un hôtel :

Résumé de l'entretien avec Melhem Malkoun Directeur général du Casa d'Or, Beyrouth, quartier Hamra.

L'hôtel Casa d'Or a une capacité de 120 clients.
Un client consomme en moyenne 1/2m3 par jour. Ceci tient compte de la laverie, des cuisines, de l'entretien et de la consommation des chambres. Pour cela l'hôtel a 100m³ de citernes dans les sous-sols (eaux sales et propres) et 40m³ sur les toits (eaux propres à la consommation, qui descend dans les chambres par gravité). Normalement l'eau de la ville (jaugée à 60m3) devrait permettre à l'hôtel d'être autonome. Mais en réalité (et surtout en été), les coupures d'eau sont fréquentes et peuvent durée une journée entière. La direction de l'hôtel a donc mis en place un approvisionnement par camion citerne.
Afin de s'assurer de la sécurité alimentaire de ses clients, le Casa d'Or a fait installer une vraie station de traitement de l'eau dans ses sous-sols.
Le circuit est donc le suivant :
1. L'eau passe dans un osmoseur inversé qui la débarrasse de la majorité des microorganismes. Afin de limité les pertes qui s'élevait à 50% (l'eau qui restait du mauvais côté de la membrane et n'était alors pas récupérable), Melhem Malkoun a mis en place un système de recyclage de cette eau et a réduit les pertes à 25%.
2. L'eau passe dans un système de filtres aux charbons actifs qui fixent une autre fraction de bactéries et produit chimique.
3. Puis une chloration.
4. Enfin, pour retirer le goût de chlore, ils effectuent une déchloration.
Par sécurité, une analyse de la qualité de l'eau est faite chaque mois.

L'hôtel dispose aussi d'un puits qui est rarement utilisé, car l'eau y est de plus en plus saumâtre. Ceci résulte de la surexploitation de la nappe phréatique qui, se vidant de son eau douce, est polluée par les infiltrations d'eau de la mer toute proche. Ce phénomène irréversible à court terme est de plus en plus fréquent sur la côte du Liban.
Voici un exemple intéressant de ce que doit faire un hôtel "riche" pour fournir à sa clientèle l'eau nécessaire à ses deux ou trois douches quotidiennes. Pour cet hôtel le prix de l'eau recouvre tout son sens.


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Photos

 

 

L'eau dans un hôtel de luxe
voir ci-dessous à la fin du carnet


Une citerne d'eau avant traitement


Une réserve d'eau après traitement dans les sous-sols de l'hôtel


Les pompes de l'hôtel qui envoient l'eau propre dans les citernes sur le toit

 


L'osmoseur, on l'imaginait plus gros!!

 

 

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