Lundi 29/09/03 - "S'il est trop, lourd
il va couler !"
Nous avons passé l'après-midi
au port.
Départ annoncé du bateau 16h.
Nous arrivons devant la douane à
13h00 "en retard" selon le garde.
En une heure nous sommes prêts, tamponnés,
validés, officiellement sortis d'Egypte.
Dans le port c'est le cahot. Depuis 8h00
du matin une noria de camions chargés
à bloc se déverse dans le
bateau. Toutes ces montagnes à quatre
roues menacent de créer une avalanche
au moindre soubresaut. Et ce qui devait
arriver arriva. Dans un tournant, une montagne
se réveille et vomit une avalanche
de chaises, de plateaux et de caisses en
tout genre.
Le bateau est un ferry auquel est adjoint
une barge. L'un est clairement fait pour
transporter uniquement des passagers, l'autre
pour transporter uniquement des voitures.
L'un comme l'autre vont se transformer en
cargo.
Une à une les caisses y sont chargées
à dos d'hommes.
Hommes ou fourmis d'ailleurs ? Je ne sais
pas ! Il faut parfois cinq personnes pour
soulever un sac en toile et le mettre sur
le dos d'un seul homme.
Vers 21h00, la barge est pleine, on nous
désigne des places entre des montagnes
de caisses et de sacs empilées. Une
pour Adrienne, et trois pour des Land-Rover.
Il fait nuit, le quai est en pente (c'est
en fait une rampe de mise à l'eau)
et ils veulent que nous montions sur la
barge sans rampe !
Commence alors tout un manège pour
rapprocher la barge du bord et pour diminuer
la marche entre le ponton et le sol. Nous
réalisons que si cela ne pose aucun
problème pour les Land-Rover, cela
va en poser pour l'Acadyane.
Le premier Land monte à bord à
l'aise. Faute de place, ils sont obligés
de faire un demi-tour avec la barge pour
positionner le 2ème emplacement au
même niveau que le quai. Pendant la
manuvre, un petit choc provoque une
autre avalanche de caisses atterrissant
directement à l'eau. Ils s'aperçoivent
trop tard qu'il vaut mieux fixer le chargement
avant de faire d'autres manuvres.
Profitant de ce répit, quelques malheureux
plongent à l'eau pour essayer de
récupérer leurs caisses qui
coulent. Afin de les aider nous les éclairons
avec les phares d'Adrienne.
2ème et 3ème Land à
bord sans aucuns problèmes. Quand
Arrive le tour d'Adrienne, la barge est
trop haute, ils décident de faire
un nouveau demi-tour. Mais cela n'arrange
rien. Commence alors une intense réflexion.
On essaye avec des sacs d'engrais en guise
de pont, mais les sacs se déchirent
sous nos pneus.
Sans doute pour nous rassurer, celui qui
fait mine d'être responsable nous
sort très sérieusement : "ne
vous inquiétez pas, je connais mon
métier, cela fait 20 ans que je le
fais".
"Hum, hum, mon bon monsieur après
toutes ces catastrophes je me ferais tout
petit".
Soudain un gars plus futé se souvient
qu'à quelques mètres de nous,
dans l'eau, se trouve une rampe en acier
prévue à cet effet. C'était
sa botte magique.
"T'aurais pas pu le dire plutôt,
cela aurait éviter les 2 demi-tours
et une avalanche ? Il est où le gars
qui connaît son métier ?? Deux
baffes oui !!"
Ouf ! A 22h00 on est à bord. Le
chargement du navire se termine lui aussi,
il y en a partout.
Qui dirige les manuvres ? Qui est
payé pour faire quoi ? A qui appartiennent
ces caisses et ces sacs contenant des fruits,
des jus, des objets d'ameublement et de
décoration, des tapis, des tissus
enfin de tout ? Et Qui sait à qui
appartient quoi ?
On ne saura jamais ! Je crois que mon pote
Fabrice spécialiste en logistique
aurait beaucoup de choses à apprendre
ici.
Départ.
Tout va bien, il est 23h, nous n'avons que
7h de retard
Le bateau est un vrai capharnaüm, il
tangue à tribord, mais flotte. Pourvu
que ça dure !
A l'intérieur comme à l'extérieur,
tout déplacement est un parcours
du combattant, entre les caisses, les fruits,
les valises, les gens allongés par
terre et celles qui préparent le
repas de leur famille. Tiens un frigo !
Oh mais il baigne dans l'eau ! Pas de panique
ce n'est pas un trou dans la coque, c'est
juste une fuite qui inonde toute la coursive.
Après un dîner assez moyen,
nous cherchons une place pour dormir, notre
billet de seconde nous donne accès
à une vaste salle ressemblant à
l'intérieur d'un bus avec des bancs
en bois. Mais il n'y a plus de place, il
y a des affaires partout et des gens allongés
sur tous les bancs. Au pont supérieur,
nous traversons la cabine de pilotage pour
nous rendre à l'extérieur.
Parmi toutes les caisses et les boites de
conserves, dont certaines percées
dégagent déjà une odeur
nauséabonde, nous ménageons
une petite place pour nos lits de camp.
Mardi 30/09/03 - De l'eau, toujours
de l'eau.
Aujourd'hui nous continuons les présentations
avec les anglo-saxons propriétaires
des Land-Rover. Après 300 Km en eau
douce, nous arrivons vers 18h à Wadi
Halfa et nous restons bloqués 1h
dans le bateau pour le passeport.
Ici ils semblent plus expérimentés
que les égyptiens et ils vont tout
de suite chercher des rampes de débarquement.
Comme par hasard, sur le quai juste devant
Adrienne, il y a une rambarde de sécurité.
"No problem", à quatre,
ils la tordent et la plaquent contre le
sol, comme ça elle ne gênera
plus
Après un dîner dans la douane
avec les anglais, nous dormons sur place.
Mercredi 01/10/03 - Le noir est une
couleur et c'est celle de la noblesse.
Les anglo-saxons sont charmants et nous
invitent à faire route avec eux.
Ils sont en Land Rover 109 et 110 Discovery.
Ils ont la tente sur le toit, la douche,
le compresseur, le filtre à eau,
une tonne d'outils et de pièces de
rechange (l'air de rien ça casse
tout le temps ces monstres), bref la totale.
Il y a Emma et Jasper, couple anglais du
Kent de 29 et 32 ans.
Sarah et Peter, anglais sud-africains vivant
à Londres de 32 et 35 ans.
Et enfin Padraig (prononcer porik), l'irlandais
de 32 ans.
Ils descendent tous vers l'Afrique du Sud
en plusieurs mois.
Pour nous alléger Peter et Sarah
proposent de prendre nos sacs à dos
(2x20kg).
Pas de route, juste une piste. Surprise
totale nous découvrons sable, cailloux,
trous
. Tout ce que nous voulions avoir,
un peu pour dire qu'on est des z'héros,
nous aussi. Sauf qu'en plus il y a de la
tôle ondulée, et ça,
c'est l'horreur.
La tôle ondulée c'est tous
les 40 cm, un dos d'âne de 20 cm de
haut.
Heureusement le paysage est grandiose. Tout
ce qu'il y a de plus simple. Et pourtant,
sur le sol, une fine couche de gravillons
noirs donne à ce désert une
allure majestueuse. Pour les portugais le
noir est une couleur, celle de la noblesse.
Ici nous pouvons voir à quel point
ils ont raison.
La Land-Rover que nous suivons soulève
un nuage de poussières qui se transforme
en un voile d'or illuminé par le
crépuscule.
Jeudi 02/10/03 - Du sable, des montagnes
et toujours pas le Nil.
Le lendemain, nous attaquons le rehaussement
de la voiture. C'est facile, il suffit de
visser un axe. Par contre sans les conseils
de mes deux ingénieurs attitrés
(Padraig et Jasper), je l'aurais fait à
l'envers. Nous y passons quand même
trois heures à cause de la rouille,
de l'accès difficile et surtout du
vent qui nous projette du sable dans la
figure. Geoffroy pendant ce temps répare
un pneu avec Padraig.
Nous repartons vers 14h pour 75km. Quel
bonheur, nous n'accrochons plus.
A chaque étape, nous rattrapons les
allemands à bicyclette et nous campons
avec eux. Eux aussi ont mis leurs sacs dans
un Land car la progression à vélo
sur le sable mou et la tôle ondulée
est très difficile.
Ce soir nous campons au milieu d'une plaine
entourée de montagnes ressemblant
à des dames en noir. Plein de courage
nous attaquons l'une d'elles afin d'admirer
le coucher du soleil à 300m d'altitude.
Enièmes couchés de soleil,
énièmes émerveillements,
tout le désert s'embrase. Hélas,
nous ne voyons pas encore le Nil que nous
avons quitté à Wadi. Il commence
à nous manquer le coquin.
Vendredi 03/10/03 - Rencontre des hommes
et des femmes soudanaises.
Encore 75km. Ce jour là, nous rejoignons
le Nil et nous y prenons notre 1er bain.
Nous en rêvions en Egypte mais sans
l'oser. Et nous avons été
bien inspiré, car en Egypte il est
infesté par la bilharziose. Ici,
il n'y a que des crocodiles.
Comme nous sommes sortis du désert,
c'est aussi nos premiers échanges
avec les soudanais. Et ils sont charmants.
Attirés par nos voitures, ils veulent
absolument assister au déballage
quotidien de tout le matériel (ordinateur,
appareil de photo, cantine, réchaud,
tables, chaises, tentes et j'en passe
).
Mais lorsqu'ils voient que nous allons préparer
notre dîner, le plus vieux ordonne
à tout le monde de se retirer. Ce
qu'ils font immédiatement. Quelle
discrétion !
Nous voyons aussi les premières soudanaises
de près. Elles sont superbes, fines,
les dents blanches et le sourire éclatant.
Elles portent des robes fleuries aux couleurs
éclatantes et des voiles transparents
colorés
Mais elles portent aussi leur croix.
98% des musulmanes du Soudan (principalement
dans la moitié nord où nous
sommes) subissent l'excision pharaonique
(appelée aussi la grande excision)
puis l'infibulation. En deux mots, on leur
coupe tout, clitoris et lèvres, et
on recoud pour laisser un petit orifice
pour les besoins vitaux et la reproduction
(je n'oserais parler de rapports sexuels
!). Elles n'ont que 5 ans lorsque, dans
des conditions d'hygiène déplorables,
leur famille les transforme de femme en
pondeuse. Négation totale de la féminité.
C'est un rite tribal abject qui n'est pas
relié à l'Islam. Je ne le
comprends pas et je ressens beaucoup de
compassion pour toutes ces femmes ainsi
traitées, depuis que je sais, je
les considère différemment.
Samedi 04/10/03 - Rencontre avec les
Poussin marcheurs
Avant de partir, nous nous sommes acquittés
de notre lessive. Géniale invention
que ces barils de plastique sur le toit
du Land qui remuent le linge au rythme de
la route, après il n'y a plus qu'à
rincer.
Ça y est ! Nous remontons le Nil,
sa couleur a changé, il n'est plus
translucide comme à Assouan, il est
marron, presque rouge.
Miracle du Nil source de vie, la piste change.
Elle ressuscite et est dès lors jalonnée
de maisons colorées. Elles sont de
couleurs vives, rouges briques, bleues,
parfois grises et souvent encadrées
par un liseré blanc.
Elles sont toutes d'une propreté
impeccable, comme neuves. De plein pied,
elles sont construites en torchis et entourées
de mur et elles s'organisent autour d'une
petite cour où se déroule
toute la vie de la famille.
Vers quatorze heures, nous arrivons dans
le village d'Abri, après quelques
courses, nous sommes dirigés vers
le commissariat de police qui doit nous
enregistrer.
Là, une blonde aux grandes tresses
nous assaille : "tiens voila des français".
Sur ce Geoffroy répond : "tiens
voila les Poussin". Pure coïncidence,
en plein milieu du Soudan, dans le poste
de police d'un petit village, nous nous
retrouvons nez à nez avec Alexandre
et Sonia Poussin.
Nous les connaissons de renommée
depuis longtemps, car Alexandre et son ami
Sylvain Tesson ont déjà fait
un tour du monde en vélo. En plus
nous avons une amie en commun et j'étais
moi-même en 6ème avec Stanislas,
le petit frère d'Alexandre.
Depuis trois ans, ils remontent le rift
africain à pied. Depuis le Cap de
Bonne Espérance jusqu'au lac de Tibériade.
Trois ans de marche, de rencontres, de photos,
d'articles et deux livres. Quel courage
et quelle gentillesse ! Ils ne sont que
sourires. Ce sont des aventuriers, des vrais,
nous rêvions de les rencontrer au
hasard d'une route.
Pour fêter ça ils décident
de passer la soirée avec nous. Et
comme Sonia vient d'avoir 32 ans, nous improvisons
une fête. Padraig nous a préparé
un festin accommodé d'une sauce exquise
à base de feta, de roquette, de curry
et d'un peu de sucre.
L'imprimante couleur miniature du cuisinier
du jour (quand je vous dis qu'ils ont tout
!!) nous permet d'éditer une carte
de vux. Jasper et Emma, eux ont préparé
un pudding. Nous avions les bougies. Tout
était parfait au beau milieu de nulle
part.
Comme dit mon ami Ivy "il ne faut jamais
se laisser emmerder par le terrain"
et nos amis anglo-saxons l'ont bien compris.
Dimanche 05/10/03 - Au Soudan rien de
nouveau.
Ce matin, les allemands partent plus tard,
ils profitent des tuyaux que peuvent leur
donner Alex et Sonia puisqu'ils font le
même trajet mais dans l'autre sens.
Ce jour là, nous ne ferons qu'une
quarantaine de Km. Nous pestons un peu de
nous traîner à leur vitesse
mais si les Land-Rover sont une sécurité
pour eux, ils le sont aussi pour nous.
Lundi 06/10/03 - Ouvrir une boîte
de vitesse au bord d'une piste.
Ce matin, plus moyen de changer de vitesse,
nous sommes bloqués en 1ère
ou marche arrière.
Après 5 Km en première à
10km/h maximum nous sommes lassés
d'entendre le moteur qui gueule et de voir
les Lands se traîner à cause
de nous. Nous essayons de passer la 2nd
et cela fonctionne. A moitié soulagé,
nous roulons toute la journée en
2nd avec quelques épisodes marrants
où Geoffroy est obligé de
sauter hors de la voiture pour que nous
ne restions pas collés dans le sable.
Lors d'un arrêt, nous sommes invités
chez un villageois. Il nous offre de l'eau,
le thé et nous raconte sa vie. Il
a travaillé 25 ans à Dubaï
comme comptable et il "compte bien"
y retourner après avoir trouvé
une femme belle et intelligente (il peut
toujours courir la seule qui existe est
au Vietnam
).
Il nous explique aussi que l'eau que nous
voyons tout le long de la route dans des
jarres en terre est traitée avec
une cuillère de chaux extraites non
loin d'ici. Après une douche, nous
nous régalons avec un repas fait
de crêpes au maïs, de fayots
et de viandes.
Le long du Nil, les habitants ont quasiment
tous l'eau courante grâce à
des châteaux d'eau directement alimentés
par le Nil. Ces Nubiens sont très
propres, dans chaque maison, il y a une
douche et ils partagent les toilettes entre
plusieurs maisons. Les hommes sont souvent
vêtus de blanc immaculé, ce
qui n'est vraiment pas évident avec
l'omniprésence du sable et de la
poussière. Certains s'enveloppent
la tête d'un turban blanc long de
4 m, assez fins et plus ou moins brodés
selon le rang social.
Afin de jeter un coup d'il dans la
boîte de vitesse nous nous arrêtons
plus tôt ce soir. Puisque nous sommes
assistés par Jasper, nous pouvons
donc sortir les outils et ouvrir le capot.
Pour une fois nous faisons autre chose que
regarder le moteur
Avant même d'ouvrir nous remarquons
que la boîte de vitesse fonctionne
de nouveau sans problèmes, mais malgré
tout, nous voulons comprendre. A deux mètre
de nous une dizaine de jeunes se sont regroupés,
accroupis en arc de cercle. Silencieusement,
concentrés, ils nous regardent. Comme
si quelque chose de fantastique allait sortir
du moteur. Pour ne pas les décevoir
je prend un air de professionnel très
étudier. Les pauvres, s'ils savaient
comme leur professeur est neu neu
A la tombée du jour, la boîte
est ouverte, mais impossible de voir ce
qui ne va pas.
Mardi 07/10/03 - Jouer les archéologues.
Dans la boîte de vitesse, nous
remarquons que tout est parfait. En fait
nous n'avons pas de problèmes de
boîte, juste un petit problème
de châssis qui s'aggrave.
Il est tout bonnement en train de se plier
au niveau de l'essieu avant, ce qui fait
que l'avant de la voiture monte avec le
moteur (et la boîte) par rapport au
corps de la voiture sur lequel est fixé
le sélecteur des vitesses ce qui
bloque notre sélecteur.
Le problème est confirmé dans
la journée car notre essieu touche
la carrosserie et notre aile avant gauche
se plie de plus en plus.
C'est la panique. Quand est-ce que tout
ça va lâcher ?
Cette après-midi, nous arrivons dans
un village où nous trouvons une grande
statue égyptienne renversée
sur le sol ainsi que des gravures rupestres
représentant des hiéroglyphes.
Ces trésors d'archéologie
nous intriguent beaucoup car nous avons
l'impression d'être les premiers blancs
à les voir.
Nous arrivons tard ce soir à Karma.
La ville est étendue sur presque
10 Km et nous avons beaucoup de mal à
trouver un lieu de camping. Au bout du village
nous tombons sur une route où il
y a une couche de poussière de 40cm.
C'est incroyable ! Une fois de plus, Geoffroy
doit sauter de la voiture pour me permettre
d'avancer. Il disparaît alors dans
la tornade de poussière que je viens
de créer. Je ne vois plus rien, j'avance
à l'aveuglette dans cette farine,
soudain une éclaircie me permet de
m'arrêter. Comme il fait nuit, nous
décidons de camper là, à
15 ou 20m de cette réserve de poussière.
Ce soir, nous faisons la tambouille. Au
menu, patates, pâtes (il ne reste
que ça). Grands cuisiniers, nous
créons une première sauce
avec de la tomate et des oignons que nous
relevons de dattes, et une deuxième
avec des oignons, du curry et de la feta.
Depuis quelques jours nous utilisons nos
moustiquaires, ce soir elle servent de cache
poussières
enfin on espère.
Mercredi 08/10/03 - Le châssis
se plie de plus en plus.
Ce matin nous nous rendons compte de l'amplitude
des dégâts sur la voiture lorsque
Geoffroy décide de la soulever avec
deux crics. Comme une feuille, elle se déplie
et retrouve sa courbure originale, les ailes
droites, le volant bas (parce que le volant
monte dans l'habitacle), la boîte
de vitesse à la bonne hauteur, etc
Que va-t-il se passer lorsque cela va se
rompre ?
C'est un peu le stress, mais nous sommes
à peine à 20km de Dongola,
cité plus que millénaire et
première grosse agglomération
de notre parcours.
Après ces quelques petites vérifications
techniques (de quoi te saper le moral en
moins de deux), nous nous dirigeons vers
le ferry
enfin l'embarcation qui doit
nous permettre de nous rendre sur la rive
gauche.
En fait de ferry il s'agit d'une simple
barge ne pouvant contenir que 4 voitures.
Or un gugusse nous a déjà
précédé. Seules deux
Lands et Adrienne peuvent monter à
bord avec une quinzaine de personnes et
deux lits (oui vous avez bien lu, deux lits
comme ça
)
La barge est là, accrochée
par un simple câble à la berge.
La rampe d'accès est un chemin creusé
dans la terre. Coût du passage 1000
dinars (4$), mais pour l'instant il y a
un problème mécanique. Le
chauffeur est donc en train de prendre un
thé. Il est à peine plus jeune
que moi. Il a plus l'air d'un gamin en baskets
que d'un acrobate emmenant sa planche en
fer équipée d'un moteur de
l'autre côté d'un fleuve au
cours rendu sombre et furieux par la saison
des pluies. Deux Lands Rover de 3,5T d'un
côté, une petite Mitsubishi
de 1,5T de l'autre et l'Acadyane devant.
Ca c'est de l'équilibrage ! Bien
que nous soyons coutumier de la pratique,
ça nous panique toujours autant.
Une fois à l'eau, mon jeune en baskets
se révèle être un virtuose
de la barre. En 15 minutes, il nous projette
dans un bras du fleuve, longe de très
près une île et se jette dans
le débit géant du Nil. Ouf
! Ce n'était pas le Styx, nous sommes
de l'autre côté sains et saufs.
A Dongola nous changeons quelques dollars
au noir pour acheter de l'essence et nous
prenons un dîner composé de
fayots. Puis nous repartons pour 10 Km sur
une route en tarmac vers Khartoum. C'est
la fin des angoisses la route est belle.
Jeudi 09/10/03 - La fin des angoisses
?
C'est le jour des adieux avec les allemands
qui n'ont plus besoin d'assistance. Il est
10h, nous espérons arriver à
Khartoum ce soir sur cette bonne route en
goudron.
Rêve ma poule ! 500m plus loin c'est
de nouveau de la piste, et une des pires.
Une piste sournoise qui me rappelle avec
horreur mes débuts en ski de fond.
Vous savez ces deux rainures profondes dans
le sol. Pas de problème à
priori, vous êtes guidés par
le terrain. Sauf lorsque le bonhomme précédent
a décidé de tomber dans la
neige en laissant un gros trou ou lorsqu'un
obstacle : pierre, flaque,
gêne
votre progression. En plus, pour Adrienne
qui est courte sur patte (car tordue en
deux), c'est comme si elle avait l'entrejambe
qui frottait la piste.
Afin d'éviter que notre chouchoute
se transforme en moissonneuse de pierre
et de sable, nous devons nous mettre à
cheval sur l'une des rainures, à
droite ou à gauche selon les affinités.
Parfois il n'y a que des traces. Les traces,
c'est cool, c'est plat, on a donc le choix
d'aller où on veut et d'éviter
les pierres bien visibles, même si
c'est du sable mou, Adrienne s'en sort très
bien.
Pire que le sable, la poussière
! Comme si par mégarde le dernier
camion de farine ou de ciment passé
par là avait perdu son chargement
dans un trou.
Sur cette surface, Adrienne est une championne,
elle glisse et disparaît dans un majestueux
nuage qu'elle avale aussi sec au grand plaisir
de ses occupants.
C'est donc à petite allure que nous
avançons vers Abu Dom (où
commence la vraie route de macadam, nous
en sommes sûr
enfin
presque).
Nous croisons une méharée
de dromadaires se rendant en Egypte par
la rive gauche du Nil. Friand de viande
de dromadaires les Egyptiens les importent
massivement du Soudan. C'est cette méharée
ou la précédente que Sonia
et Alexandre ont du prendre pour passer
la frontière.
A 40 bornes d'Abu Dom, nous nous arrêtons
pour camper, après un dîner
tranquille, nous décidons que nous
partirons le lendemain à 7h00.
Dix minutes avant de se coucher une tempête
de sable aussi soudaine que violente nous
laisse augurer une longue nuit à
la belle étoile.
Vendredi 10/10/03 - Et si elle n'arrivait
pas ?
Départ 7h00. Tout les matins c'est
la même chose la voiture nous parait
plus basse. Après 2 heures de route,
les roues frottent tellement la carrosserie
que nous décidons d'abandonner 20kg
de planches en bois qui nous servaient de
sommier lorsque nous dormions dans la voiture.
Pour gagner encore plus de poids, nous nous
séparons et Geoffroy monte dans le
Land de Padraig.
Nous avons vraiment peur, la route est pleine
de tôle ondulée, de trous et
de cailloux.
Il faut qu'elle tienne
Il faut qu'elle
tienne !
Les anglo-saxons se montrent très
patients et ils nous promettent de nous
amener à Khartoum quitte à
couper la voiture en deux et à la
charger sur leurs Lands.
Mais une étrange impression nous
tenaille le ventre, une angoisse, l'angoisse
de ne pas arriver au Gabon et que tout se
complique.
Aller on fonce !
Vers 13h nous arrivons à Abu Dom.
Du goudron, une route, nous n'y croyions
plus. Sur combien de Km ?
360 !!
Vraiment ?
Oui !
Ouf, elle tiendra, j'en suis sûr !
Elle doit tenir !
Plein de courage Geoffroy, qui m'avait déjà
remplacé, décide de tout faire
seul sans s'arrêter.
Arrivés à Khartoum, la première
et la marche arrière ne fonctionnent
plus, le rayon de braquage est de 20 m.
Tout baigne !
Cette journée sera quand même
fantastique car nous sommes arrivés
à Khartoum, car nous avons pu boire
notre premier soda frais depuis longtemps
et que nous avons rencontré d'autres
anges gardiens.
L'un d'eux a été harcelé
par Geoffroy à la vue de sa plaque
CD. Il se trouve que c'est le Vice-Consul
de France. Il va d'abord nous expliquer
comment recevoir de l'argent de France (il
n'y a aucun distributeur ici) et ensuite
nous prêter 200$ de sa poche en attendant
le virement de Paris.
L'autre bonne nouvelle c'est notre visite
chez le Père Blanc Etienne Renaud,
directeur de l'institut catholique de langue
de Khartoum et l'accueil chaleureux que
Gabriel nous réserve en son absence.
Journal du 29 septembre au
10 octobre 2003 par Loïc
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