20 jours à Khartoum
: Réparer, travailler et faire le
tour des administrations
Réparer Adrienne
"Il faut enlever le moteur. Je
ne travaille pas avec un poste à
souder sur cette voiture avec le moteur
dessus, cela peut exploser et tout et tout
".
Le garagiste du père Etienne est
formel, et sur cette déclaration,
il nous fait un devis de minimum cent dollars.
Le temps pour nous de réfléchir,
d'imaginer des mécanos ne connaissant
pas la voiture la démonter puis la
remonter, et il est trop tard. Le garagiste
a trouvé un autre client, il ne pourra
plus prendre notre voiture dans un délai
convenable.
Heureusement, le père Etienne chez
qui nous logeons est plein de ressources.
A Khartoum, il y a une école technique
tenue par les Salésiens (Don Bosco).
Leur réputation a un peu baissé
l'année dernière, mais le
directeur vient de changer. Il faut essayer
! Plein d'espoirs nous demandons au père
d'activer ses contacts. Arrive alors Reiko,
l'Allemand aux mains d'or. Il ne veut pas
démonter le moteur (ouf !). Pour
la réparer, il espère pouvoir
ouvrir le châssis par dessous et le
renforcer de l'intérieur. Mais après
analyse, il voit que c'est impossible. Il
décide alors de souder deux plaques
d'acier sur les côtés à
l'emplacement de la pliure et deux énormes
rails sous les longerons. Cela va alourdir
considérablement la voiture et le
résultat n'est pas garanti. Mais,
nous n'avons guère le choix et la
perspective d'avoir du "Made by German"
au Soudan nous amuse beaucoup.
Une fois les travaux terminés nous
comprenons que le choix était bon.
L'équipe de Reiko, composée
de Soudanais du sud (plus noir que ceux
du nord et en majorité chrétiens
catholiques), a fait un travail fabuleux.
Ils ont même réparé
de façon exceptionnelle notre colonne
de direction en lui redonnant une souplesse
que la soudure des Egyptiens lui avait ôtée.
Travailler et rencontrer des associations
Khartoum est une agglomération de
6 millions d'habitants (enfin en gros).
Mis à part les hôtels de luxe
(Hilton, Plaza et quelques autres), les
bâtiments des administrations et les
maisons des quartiers riches, la plupart
des maisons sont de pleins pieds.
La ville est composée de plusieurs
quartiers ayant souvent pour centre névralgique
un énorme souk où les étals
regorgent de produits importés de
Chine ou de Corée, de fruits, de
viandes ou de graines. Il y a hélas
peu de diversité dans l'alimentation
qui est principalement saisonnière.
Les grands axes et les rues du centre sont
tous en goudron. Les axes secondaires et
la majorité des autres rues sont
en terre. Une terre jaune et parfois rouge
brique comme on peut la trouver sur le cours
central de Roland Garros. Le moindre coup
de vent, le moindre passage de voiture provoque
un nuage de poussière qui va se déposer
dans toutes les maisons au grand dam des
ménagères et des propriétaires
de matériel électronique.
Capitale d'un pays en guerre civile depuis
20 ans, frappé par plusieurs années
consécutives de sécheresse
et de famine, points de convergence des
populations déplacées fuyant
les zone de combat (le sud principalement),
Khartoum est devenue la ville aux cents
ONG et associations en tout genre. Il y
est difficile de faire un pas sans croiser
un gros 4x4 frappé de l'immatriculation
"NGO". L'ONU est aussi très
présente via de nombreuses institutions
telle que la FAO, l'UNICEF, l'UNDP, etc
Il nous était donc aisé de
prendre contacts avec des ONG pour les entendre
sur leurs réalisations pour l'eau.
Nous avons commencé avec Action Contre
la Faim (ACF) et la Cooperative Association
For Health and Water dont nous avons parlé
dans le carnet des initiatives. Une autre
entrevue intéressante fut celle avec
le directeur du Ministère de l'Eau
et de l'Irrigation qui nous a parlé
des accords entre le Soudan et l'Egypte
pour le partage des eaux du Nil.
Toujours en toile de fond de notre vie citadine,
nous avons notre travail pour le site Internet,
dont nous avons de plus en plus de compliments,
d'amis, mais aussi de personnes que nous
ne connaissons pas, ce qui nous encourage
beaucoup.
Faire le tour des administrations
"Partir vers le Tchad ! Mais vous
êtes fous ? Avez-vous entendu parler
du Darfour ? C'est une région qui
est en plein soulèvement. Il y a
d'un côté des rebelles et de
l'autre des bandits de grands chemins."
En effet nous voulons partir vers l'ouest
du Soudan, traverser le Darfour et passer
la frontière avec le Tchad à
Geneina.
D'autres sources nous diront : "En
plus, il y a des bandes armées qui
traversent la frontière de part et
part et qui attaquent tout ce qui bouge".
Un anglais en 4x4 croisé dans Khartoum
nous affirmera être passé sans
encombre quelques mois plus tôt, mais,
pressé par le temps nous n'avons
pu l'interroger plus avant sur ce point.
Nous savons aussi que deux 2CV sont arrivées
par là il y a quelques mois.
Mais quelle route est réellement
dangereuse ?
Où peut-on avoir des renseignements
fiables ?
Dans toutes nos sources alarmistes, qui
a déjà fait la route ?
On sent parfois que certaines personnes
donnent des conseils pour le plaisir de
les donner sans se rendre compte que pour
nous, il est essentiel d'arriver au Tchad
puis au Cameroun.
C'est vrai la route n'est pas sûr,
le Darfour est en soulèvement contre
le pouvoir central, mais il nous faut plus
que des renseignements évasifs et
l'idéal serait aussi de trouver quelqu'un
qui a fait la route et qui nous informerait
sur sa praticabilité.
A l'ambassade de France nous finissons par
avoir des renseignements un peu plus clairs
sur la route à prendre et celle à
éviter. Mais, nous dit-on, au Soudan
les renseignements ne sont pas facile à
obtenir, sachant que le président
est militaire, avec tout ce que ça
recouvre comme information et désinformation.
De toutes façons pour partir il nous
faut un "Travel permit", (seule
information utile que nous n'avons eue que
très tard). Pour avoir ce papier
il faut passer par toute une série
de bureaux dont le ministère du tourisme,
puis celui de l'intérieur pour terminer
enfin au bureau de la sécurité.
Ces derniers nous refusent l'accès
à Geneina (frontière avec
le Tchad), nous n'avons le permis que jusqu'à
Nyala, trois ou quatre cents kilomètres
avant la frontière. Au-delà
c'est trop dangereux. Nous décidons
donc de nous rendre jusque là sans
vraiment savoir si nous passerons. En cas
de refus des autorités à nous
laisser passer, nous ferons demi-tour.
Le Départ
Le jour du départ nous saluons le
père Etienne qui nous a tellement
bien accueilli. Véritable encyclopédie
sur pattes, il a passé 38 ans en
Afrique et dans les pays arabes qu'il parle
couramment. Nous avons eu tous les trois
de longues discussions qui nous ont éclairées
sur la religion musulmane et sur l'Afrique.
Le jour du départ, en me serrant
la main il me lance "C'est bon, vous
avez tout. Votre visa est en ordre au moins
?".
"Oui, oui bien sur ! Enfin euh maintenant
que vous le dites ! Qu'est-ce qui est marqué
en arabe là ?"
"Validité un mois, et là
il est marqué que vous êtes
rentrés au Soudan le 30 sept. Ne
sommes nous pas le 29 octobre ?"
"Merde, merde, merde ! On est vraiment
trop nul, on s'est encore fait avoir par
des problèmes administratifs."
Ce n'est pas très grave, nous devions
déjà partir hier ou avant
hier, je ne me souviens plus (en fait je
crois que c'était les deux, mais
il y avait toujours quelque chose qui manquait).
Et re-belote nous partons pour le ministère
de l'immigration pour remplir une série
de papiers, passer par 5 guichets différents,
s'entendre demander trois photos d'identités
(ils en ont déjà quatre de
nous dans un autre service, je crois qu'ils
les collectionnent). Traverser la ville
pour faire les photos. Payer quelques taxes
et quelques timbres officiels. Harceler
le pauvre fonctionnaire pour qu'il revienne
sur sa décision de nous rendre nos
passeports le lendemain, ce qu'il fait de
manière charmante (si nos fonctionnaires
veulent suivre des formations d'amabilité,
ils peuvent aller là-bas).
Nous y aurons passé plus de quatre
heures et à la fermeture du bureau
à 14h nous sortons, fiers comme Artaban,
avec une prolongation de notre visa de un
mois.
Nous retournons ensuite chez le père
qui nous offre un repas et nous re-prête
de l'argent (la vie est peu chère
au Soudan mais les visas sont exorbitants,
les frais administratifs officiels d'entrée
au Soudan pour la voiture et pour nous s'élèvent
à 300$ pour deux mois).
Il est 15h30 lorsque nous sommes sur la
route pour le Tchad. Tout va bien, nous
avons tout ce qu'il faut. Enfin presque!
Nous avons cherché pendant quelques
temps des chambres à air pour réparer
en cas de crevaison, des durites en cas
de fuites, des filtres à essence
qu'il faudra changer toutes les semaines
au Tchad. Et nous ne trouverons rien de
ce que nous cherchions. Vaille que vaille,
partons ce n'est pas grave, vive l'aventure
!
Journal du 11 au 29 octobre
2003 par Loïc
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