Adieu Khartoum, Adieu
l'Afrique !
L'avion vient de décoller
pour Paris. Il est 5h30. Le soleil du matin
pointe ses tous premiers rayons à
l'horizon. De notre siège, nous distinguons
les derniers minarets de Khartoum. C'est
le cur chargé d'émotions
et de souvenirs, que nous quittons définitivement
le continent africain. La population rencontrée
y est pour beaucoup, même si les paysages
traversés furent souvent d'une beauté
inoubliable.
Aussi bien dans les pays de l'Est, qu'en
Turquie, au Proche-Orient ou en Afrique
notre parcours fut jalonné de gens
hors du commun, vous offrant, bien souvent,
plus que ce qu'ils ne pouvaient s'offrir
à eux-même
Il y a Adrienne,
aussi, que nous laissons au Soudan. Nous
sommes tristes, mais fiers en même
temps. Sur place, elle continuera sa brillante
carrière au service de l'eau auprès
de l'association CARE. Snif ! Nous ne la
reverrons plus jamais, si ce n'est au travers
des nombreuses images qui resteront longtemps
encore gravées dans nos souvenirs.
Un point noir, fut toutefois la population
égyptienne en contact avec les touristes
Mais,
n'y pensons plus, le reste fut tellement
époustouflant.
L'itinéraire emprunté par
l'avion nous fait revivre avec des ailes
le trajet que nous avions si durement tracé
avec Adrienne pour atteindre le Soudan.
Vu d'en haut ça nous paraît
court et déjà lointain, mais
sur le terrain, il nous aura fallu 5 long
mois.
Deux mots me viennent à l'esprit
pour résumer ces 5 mois d'aventure
: Accueil et Partage. C'est un fait indéniable,
toutes ces populations rencontrées
ont un sens de l'hospitalité que
nous ne retrouvons plus chez nous.
L'arrivée à Paris est un vrai
triomphe. Flashs et appareils de photos
nous assaillent de tous côtés.
Par qui commencer ? Déjà la
célébrité ? ! Nous
avons le tournis rien que d'y penser. Un
grand merci à nos parents d'avoir
endossé ce jour là la multiple
casquette de parents, de journalistes/photographes/fans
etc.
Les produits du terroir
nous rappellent qu'en France il fait bon
vivre et qu'on y mange bien. Pendant cette
semaine d'escale, nous comptons bien nous
rattraper et emmagasiner quelques bonnes
graisses pour la suite du projet. Rien de
tel, en effet, qu'un bon fromage ou qu'un
bon waterzouille de poulet (plat belge au
poulet et à la crème) pour
vous requinquer après tant de jours
passés sur les routes.
A Paris nous ne chômons pas. Finalement
les bons restaurants avec les amis attendront
notre vrai retour à la rentrée
2004. Aujourd'hui l'heure est davantage
aux visites des écoles afin de les
encourager dans leur travail sur l'eau et
à la rencontre avec nos partenaires.
Avec les Aéroports de Paris, notre
plus gros partenaire, nous mettons en place
un projet audacieux. Faire venir avec nous
en Asie, par le biais d'un concours, une
dizaine d'enfants riverains des aéroports
de Paris. Objectif, leur faire découvrir
in situ le vécu de l'eau d'autres
enfants, d'autres cultures. Le montage de
ce projet nous prend le plus clair de notre
temps.
Jacques Séguéla, notre parrain,
réussira, en dernière minute,
à nous dégager du temps pour
que nous déjeunions avec lui. Il
a une surprise pour nous, une voiture. Il
nous l'avait promise en juin dernier, c'est
chose faite aujourd'hui, nous sommes aux
anges
La voiture nous attendra à
notre arrivée à São
Paolo pour de nouvelles aventures, mais
cette fois-ci, en terre Inca. Même
si des ennuis d'ordre administratif ou l'accident
du Soudan nous tombe parfois sur le nez,
nous pouvons dire que tout nous sourit.
A qui le devons-nous ? A tous ceux qui nous
soutiennent jour et nuit notre famille,
notre parrain, nos amis et nos partenaires...
Sans tout ce petit monde motivé et
bien décidé à nous
aider notre aventure aurait une moindre
envergure
Le téléphone
sonne pour la énièmes fois,
c'est l'agence de voyage pour étudiant
OTU, un de nos partenaires, qui cherche
désespérément à
nous trouver des billets pour le Brésil.
Cette fois c'est pour de bon, nous partons
demain pour le nouveau monde. Comme d'habitude
nous nous y prenons la veille pour le lendemain,
alors, c'est beaucoup plus dur pour tout
le monde. Mais bon c'est ce qui fait notre
charme!
Départ, donc, sur
les chapeaux de roue pour le Brésil
le mercredi 10 décembre au soir.
Arrivée prévue le lendemain
matin à 6h30.
Un tonnerre d'applaudissement
me tire de mes rêves. Je me tourne
vers Loïc l'aire de dire
"Ils sont fous ces brésiliens
! ?"
"T'en fais pas", me dit-il, "c'est
leur manière à eux de féliciter
le capitaine de l'avion pour l'atterrissage
réussi de l'appareil".
Voilà une mentalité qui me
plaît bien; croire que tout n'est
pas joué d'avance. Le Brésil
va me plaire c'est certain
Nous récupérons nos bagages
sans aucun problème. Après
avoir passé deux trois coups de fil,
l'appétit commence à nous
tenailler le ventre. Ne sachant pas où
aller, et en désespoir de cause,
nous faisons une pause déjeuner au
Mc Do. Hé oui ! Ça peut arriver
à tout le monde, même au meilleur
! Heureusement pour nous, les hôtesses
Mc do au Brésil sont charmantes.
L'une d'elles, plus intrépide que
les autres, va aller jusqu'à nous
glisser une serviette en papier sous notre
coude avec cette formidable phrase inscrite
dessus : "Seja Bem Vindo do Brasil"
signée une jolie brune aux yeux clairs
(Soyez les bienvenus au Brésil).
Comment, comme Christophe Colomb avant nous
(c'est faux mais ça sonne mieux qu'avec
le portugais Pedro Cabral qui fut en réalité
le premier à poser le pied au Brésil
en 1500), ne pas tomber sous le charme de
ce pays prometteur ? La dent creuse une
fois comblée, nous partons à
la recherche d'une auberge de jeunesse à
la hauteur de notre portefeuille. A l'aéroport,
l'office du tourisme nous avait indiqué
une auberge de jeunesse rue des Français.
C'est tout trouvé, nous y crécherons
dans l'attente d'être reçus
chez l'habitant.
Parmi les nombreux coups
de fil passés depuis l'aéroport,
l'un d'eux est d'une importance capitale
pour nous, celui donné à Citroën
Brésil.
Est-ce vrai ?
Aurons-nous réellement une voiture
pour les 2 mois et demi que nous passerons
à sillonner l'Amérique Latine
?
Ca paraît à peine croyable,
une voiture au bout du monde neuve en remplacement
de notre antique Adrienne
La réponse
de Marie-Noëlle, assistante de Monsieur
Habib, ne nous permet plus de douter un
seul instant de la promesse faite par Jaques
Séguéla. Nous devons venir
la chercher le lendemain, le temps pour
eux de nous la préparer. Le seul
petit hic, nous comptions monter en Equateur
en voiture et la laisser sur place, mais
ça ne sera pas possible, il faut
impérativement la ramener soit à
la case départ à São
Paulo, soit dans n'importe quel concessionnaire
Citroën au Brésil. Tout notre
itinéraire est à retracer,
de manière à concilier notre
désir de voir le Pérou et
la Bolivie et l'impératif Citroën
de rendre la voiture au Brésil. C'est
l'occasion à de tumultueuses discussions
où l'un veut descendre en terre de
feu là où l'autre veut monter
vers le Pérou. Afin de satisfaire
au mieux nos desiderata, nous tordons la
carte d'Amérique du Sud dans tous
les sens. Non, non et non, ce n'est définitivement
pas possible au vu de notre timing de faire
tous ces pays. Il va falloir trancher dans
le vif.
Toutes les routes possibles sont envisagées,
même celle de descendre l'Amazone
en mettant la voiture sur une esquif de
fortune depuis Iquitos jusqu'à Manaus
et de la laisser sur place au concessionnaire
Citroën. Celle-ci n'est pas possible
non plus. En ce moment sur tout le continent
d'Amérique du sud; c'est la saison
des pluies, les routes non goudronnées
de la forêt amazonienne nous sont
fermées, car entièrement défoncées
par les camions et sous l'emprises total
de la boue. Il est vrai que notre C3 est
surélevée tout spécialement
pour les chemins en terre du Brésil,
mais pas au point de se frayer un chemin
dans la gadoue sur 1500 Km. Finalement nous
opterons pour une formule raisonnable
Traverser la Bolivie de part en part depuis
Corumbá, rejoindre ensuite le Pérou
en passant par Cusco et Lima, redescendre
vers le Chili pour foncer sur l'Argentine
puis finalement à nouveau le Brésil.
Le tout pour la bagatelle de 20 000 km en
2 mois
soit 300 km/ jours. On aime
se faire du mal !
Le lendemain chez Citroën,
Marie-Noëlle nous présente Xavier
un français à l'accent bien
castillan, mais au mode de vie brésilien
qui nous propose avant même de nous
avoir vu un toit que nous acceptons sans
discuter. Il nous met rapidement au parfum
des coutumes Paulista en nous faisant découvrir
la traditionnelle Caïpirinha (alcool
local), les écoles de Samba (Carnaval)
et les femmes, qui il faut l'avouer sont
très belles au Brésil. Grâce
à lui et à Marcel Nakamura
nous rencontrerons aussi les enfants d'un
orphelinat et visiterons les stations d'épurations
et de traitements des eaux de São
Paulo.
L'équipe Citroën nous accueil
avec de grands yeux. Mais qui sont donc
ces deux énergumènes du vieux
continent venu chercher l'aventure ici au
Brésil ? Nous leurs présentons
notre projet qu'ils découvrent avec
enthousiasme. Tous se plieront en mille
pour nous rendre un service, les uns nous
feront les autocollants pour mettre sur
la voiture, les autres nous aiderons dans
nos démarches administratives, et
Dieu sait, s'il en faut ici. Jérémie
et Sabrina, eux aussi des français
de la famille Citroën, nous proposent
d'utiliser chez eux leur connexion internet.
Tous les ingrédients sont réunis
pour que tout se passe pour le mieux dans
le meilleur des mondes
Le 24 décembre nous sommes enfin
prêts pour le départ. Dans
le salon des maisons la fête de la
nativité bat son plein. Pas de feux
d'artifices extravagants comme en Europe,
mais des milliers d'apprentis artificiers
qui s'en donnent à cur joie
d'illuminer le ciel de São paulo.
A ce moment précis, une chose nous
manque terriblement, la présence
de notre famille à nos côtés.
Mais, le projet oblige, c'est à deux
que nous fêterons Noël. Les batailles
de boule de neige et les basses températures
nous manquent aussi énormément
Heureusement, une de nos tantes a pensé
à nous, en nous envoyant un petit
billet dans une carte accompagnée
d'une photo avec ces quelques mots : "
Joyeux Noël ! Voici une superbe dinde
pour vous consoler", sur la photo on
peut admirer Mr Bush offrant à ses
JI's une énorme Dinde de Noël
sur un gigantesque plateau d'argent, un
brin d'humour qui nous a bien fait rire.
Le 25 décembre nous nous exécutons
donc en faisant un gueuleton mémorable
dans un des restos chicos de la ville.
Au menu
Entrée
Mozzarella de buffle
Salades en tous genres dont une salade de
crème fraîche garnie de fraises,
de mangues, de raisins et de pamplemousses.
Tomates farcies aux crevettes
Curs d'artichaut
succulents champignons, saumons cru ou cuit,
rollmops, anchois
le tout présenté sur un magnifique
buffet à volonté
Plat de résistance
A la broche : Gargantua en aurait été
jaloux
Filet, contre-filet, échine, aloyaux,
onglet, Tournedos, etc. Pour les amateurs,
des curs encore tout chaud de volailles
Entremets
Mousses et gâteaux au chocolat à
se rouler parterre
Charlotte aux fraises à danser le
Carioca
Gelée anglaise de toutes les couleurs
(ça en revanche c'était pas
top)
Oubli important de ma part
entre le plat principal et le dessert, le
fameux trou Normand. Ce fut un excellent
Calvados Bref le tout assorti d'un petit
café brésilien, un vrai délice.
Un petit mot sur le personnel qui fut exemplaire
dans leur livrée "spécial
Noël" à la limite de l'agaçant
tellement ils étaient à nos
petits soins.
Le repas de Noël digéré
et la corvée des ambassades terminées,
nous quittons São Paulo direction
la Bolivie. Première étape
de ce parcours du combattant, ce riche désert
d'eau et de végétation qu'est
le Pantanal. Nous sommes le samedi 27 décembre.
Au compteur d'Adrienne II ou de Bubulle
pour les irréductibles de l'eau,
les kilomètres s'additionnent à
une vitesse ahurissante. Les distances ici
n'ont pas d'égales avec leurs cousines
européennes. Três Lagoas sur
le Rio Paraná puis, Campo Grande
où nous passons la nuit sont les
dernières grandes villes avant la
ville portuaire de Corumbá et du
Rio Paraguay. Dorénavant c'est la
BR 262 que nous devons suivre, unique route
vraiment carrossable jusqu'à destination
de la frontière bolivienne.
Deux magnifiques aras de
couleur bleu roi faisant la course avec
Adrienne nous ouvrent les portes du plus
grand marécage non côtier du
monde. Comme des enfants nous ouvrons grand
la bouche pour laisser sortir un "Ouahh,
que c'est beau". La brutalité
de la saison des pluies permet à
la nature de produire cette alchimie féerique.
Il y a peu de couleurs, mais elles s'entrechoquent
violemment pour le plus grand plaisir de
nos yeux. Impossible de ne pas rester bouche
bée devant ce spectacle grandiose
qui n'en finit pas de recommencer.
A 160 km de Corumbá nous décidons
d'emprunter une route secondaire en boue.
L'idée ici est de revivre l'aventure
comme au bon vieux temps au volant d'Adrienne
I. On ne se refait pas
Comme tout bon
Paradis, le Pantanal à malheureusement
son enfer, l'humidité et les moustiques.
Nous faisons la connaissance de ces derniers
lors d'une sortie topo à la rencontre
des caïmans qui finira dans un bain
de sang. Au moment de franchir un Rio sur
un petit pont en bois, j'entrevois sur notre
gauche de vilaines bêtes en train
de se faire rôtir au soleil. Ca ressemble
méchamment à des alligators.
"Hé hé t'as vu les grosses
bébêtes ?"
"Ouep"
En deux temps trois mouvements, nous sommes
hors de la voiture sans penser un seul instant
être dévoré par autre
chose que par les méchants crocos
qui nous font face. A cet instant précis
nous venons de signer notre arrêt
de mort. Une armée de moustiques
en chaleur s'abat sur nous pour sucer notre
sang jusqu'à plus soif. Il faut battre
en retraite rapidement et se réfugier
dans la voiture. Ce n'est pas encore suffisant.
A l'intérieur, une bataille rangée
s'organise contre un assaillant supérieur
en nombre. Les vilains s'étaient
infiltrés à notre insu. Heureusement,
nous prenons le dessus, mais pas sans séquelles.
Nos jambes et nos bras portent les stigmates
d'une bataille sans pitiés. L'habitacle
de la voiture est, quant à lui, maculé
par une multitude de tâches de sang
Cette fois-là, nous jurâmes
de ne plus jamais sortir sans répulsif.
Après une expédition
en barque digne de "l'oreille cassée"
et avoir déjoués les pièges
de la route, nous arrivons à Corumbá
sain et sauf le 29 décembre au soir.
La ville est superbe, qui laisse deviner
un passé chargé d'histoire.
Corumbá fut, en effet, au XVIII siècle
le premier port non-côtier du monde.
Les façades mêmes décrépies
des maisons laissent, malgré tout,
transparaître de riche couleur chaude.
Mais l'heure n'est pas à la contemplation,
il faut trouver un logement décent
sans trop se faire remarquer avec notre
superbe voiture qui sent encore le neuf.
Un rapide tour d'horizon nous amène
à jeter notre dévolu sur un
hôtel quelconque proche du Rio Paraguay.
Une fois la nuit passée il fallut
bien se rendre à l'évidence
que notre hôtel n'était autre
qu'un vulgaire hôtel de passe. Ces
choses là, on ne le sait malheureusement
qu'après usage
Le lendemain
matin nous faisons tout de même la
rencontre d'un Brésilien et d'un
Américain. Le but de leurs pérégrinations
est de faire des reportages vidéos
sur des gens intéressants. Avec eux
nous visitons une favela de Corumba. La
famille rencontrée habite un logement
plus que simple, c'est une cabane de 15
m² fait d'une pièce. Petit avantage
par rapport à leurs confrères
de São Paolo, ils ont un jardin dans
lequel ils peuvent faire un potager.
Nous décidons après
moult réflexions de rester une nuit
de plus à Corumbá dans notre
hôtel miteux. Nos amis brésilien
et américain ont dégotté
une famille pas comme les autres qui nous
accueille autour d'une bière et d'un
Assado (viande grillée au barbecue)
sur leur bateau le soir du réveillon.
Lui est un ancien de la Navy. Sa femme est
une blanche du Kenya. Ils ont deux enfants
et sillonnent depuis toujours les fleuves
d'Amérique Latine. Leur bateau a
un passé unique puisqu'il fut en
son temps, le bateau d'Eva Peron
Les feux d'artifices pètent dans
tous les sens. Voilà 6 mois exactement
que nous sommes sur les routes du monde
Vive
la nouvelle année !
Journal du 27 novembre au
1 janvier 2004 écrit par Geoffroy
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