Départ de Grenoble:
"Libérez José
Bové ! Libérez José
Bové ! " sont les dernières
paroles que nous emporterons avec nous de
France. Pour couvrir notre départ,
France 3 Isère devait se déplacer,
au lieu de ça, nous héritons
d'enragés obnubilés par une
seule chose huer le Garde des Sceaux venu
inaugurer le palais de justice. Tant pis,
nous ferons sans la télé et
avec les manifestants. Nous avions besoin
de monde pour assister à notre départ,
il est là, pas pour nous certes,
mais là quand même. A nous
d'inventer à partir de cette masse
hurlante, une foule en liesse en train de
nous acclamer. Nous ! Notre imagination
débordante a fait le reste. Aux uns,
elle a distribué un large sourire
pour nous être agréable, aux
autres des battoirs gigantesques en guise
de mains pour nous ovationner. Ainsi, nous
sommes contents, nous avons eu nos groupies
en délire pour notre départ.
C'est, dit-on, un gage de succès
pour une entreprise comme la notre !
Passage du col du Lautaret
2058m sans pépin. La voiture grimpe
ses premières pentes de montagne
sans broncher. Nous sommes aux aguets, le
moindre bruit suspect nous interpelle :
-T'as entendu ? T as entendu ?
- Hein quoi ???
- T'as pas entendu ??? Elle a fait un drôle
de bruit....
-Ah oui !? Non, Non, c'est rien, t'en fait
pas.
En réalité, nous sommes terrorisés
à l'idée de la première
panne. Une intervention dans le moteur signifie
en clair pour nous sortir les outils de
la malle verte, qui est trop bien callée
pour être facilement accessible, mettre
la main dans le moteur, avoir du cambouis
plein les mains, visser et dévisser,
bref tous des gestes nouveaux. Nous ne sommes
pas encore prêt. On ne devient pas
du jour au lendemain ingénieur en
mécanique. Ça ne s'improvise
pas comme dirait l'autre…
Passage du col de Montgenèvre
(1854m) sans aucuns problèmes. Les
bruits que nous croyions suspects au début
deviennent finalement réguliers et
presque mélodieux.
Ce dernier col passé, la frontière
italienne nous tend les bras. C'est pour
nous une vision, l'accomplissement de 7
mois de travail. Nous trépignons
d'impatience à l'idée de quitter
la France. Même si l'Italie c'est
encore l'Europe, ce n'est plus la France
et aujourd'hui, c'est ce qui nous importe.
Drôle de pays que
l'Italie, les gens y roulent comme des fous.
Ca vous insulte dans tous les sens. Le plus
surprenant, ou excitant, c'est lorsque les
bellas italiennes vous en mettent plein
la vue, de vraies lionnes au volant de Roméo…
j'adore !!
Nous sommes contents et satisfaits de notre
première journée de conduite.
Contents car c'est le début d'une
aventure et satisfaits car pour le moment
aucuns problèmes de moteur déclarés.
Nous nous arrêtons pour dormir à
Bergamo, sur une aire d'autoroute. Derrière
nous un français d'origine italienne
qui dort lui aussi dans sa voiture. Nous
sommes littéralement sciés
quand ce bonhomme nous apprend qu'il a 73
ans et que, comme tous les étés,
il se rend au lac de Garde pour faire de
la planche à voile. Je croyais que
nous étions les seuls, nous autres
jeunes, à faire des trucs bizarres,
il faut croire que non.
Première nuit dans
notre voiture… Nous allons enfin tester
les fameuses planches que papa nous a bricolées
à l'arrière de la voiture.
Nous exultons de joie rien que d'y penser.
Avant de nous endormir nous tombons d'accord
sur ceci, "ce soir c'est ton soir frero"
car ce soir c'est notre premier soir et
on sent encore bon !
Petite frustration, depuis notre départ
personne ne s'est encore pâmé
d'admiration devant la voiture. Nous sommes
profondément vexés car elle
est vraiment plus que belle. Elle a une
allure d'athlète et pour couronner
le tout, elle est dotée de deux beaux
jeunes hommes ! Certes, les gens se retournent,
marmonnent deux ou trois mots dans leur
barbe, mais personne ne s'exclame vraiment
à voix haute. Heureusement à
un feu rouge, non loin de Vérone,
un type qui faisait la manche va nous rendre
heureux sans le savoir. Alors qu'il entend
quelque chose de bizarre derrière
lui, le bruit de notre moteur sans doute,
il se retourne machinalement pour nous faire
l'aumône prêt à nous
sortir sa salade habituelle : j'ai quatre
enfants à nourrir ….
Que nenni, rien de tout ça ne sort
de sa bouche, un seul cri gigantesque sortant
du fond du cœur " Maché
bella machina, Maché belllllla ".
Nous sommes fiers comme des Papes, enfin
notre AKdyane se fait remarquer comme il
se doit.
Jeudi Lac de Garde nous
sommes déçus. On nous avait
promis un spectacle grandiose. Nous ne parvenons
pas à le déceler. Les petites
rues de Sirmione ne suffisent plus à
contenir le flot incessant de touristes
venus de l'Europe entière. Nous cherchons
à les fuir tant bien que mal pour
oublier que nous aussi nous sommes des leurs.
Nous finirons par déjeuner sans dire
un mot sur la presqu'île en question,
en regardant bêtement le bleu délavé
de l'eau. Nous nous étions sans doute
imaginés rencontrer un italien pur
jus avec qui parler de la belle époque
et de l'eau surtout.
Notre progression en Italie
ne se fait pas aussi facilement que prévu.
Nous sommes obligés de dormir une
nuit supplémentaire à l'Est
de Venise à Roncade. A la première
nuit dans la voiture succède notre
premier bivouac dans un champ. L'endroit
et les environs sont féeriques, au
premier plan, des champs de blé fraîchement
moissonnés, bordés par des
étendues de vigne, à l'horizon,
les alpes italiennes plus majestueuses que
jamais dans ce grandiose couché de
soleil. Ce sont les ruines d'une ancienne
hacienda qui nous serviront de salle à
manger. Nous dévorons avec appétit
nos spaghettis al pesto. C'est l'heure de
se coucher, Loïc veut impérativement
dormir dans la voiture, en ce qui me concerne
c'est hors de question, la nuit est étoilée
et en plus de ça, je meurs d'envie
d'essayer ces fameux lits de camp offert
par le parrain d'Hydrotour, Jacques Séguéla.
Nuit superbe avec des étoiles filantes
comme s'il en pleuvait.
On petit déjeune rapidement dans
le même décor que la veille,
version levé du jour mais ça
reste superbe. Nombreuses sont les personnes
curieuses qui ont fait des allers-retours
devant notre bivouac, mais pas une seule
ne s'est jamais arrêtée. Serions
nous devenu des bêtes curieuses ?
Nous finissons de ranger notre dernier sac
pour partir, quand un papi italien au volant
de son antique ciao vient nous aborder.
Loïc parvient tant bien que mal à
traduire ses quelques paroles, moi je m'obstine
à vouloir lui parler en allemand
après tout le Südtyrol n'est
pas si loin de Venise. Après quelques
minutes de discussion nous comprenons qu'il
est lui-même né dans une des
chambres en ruine de cette ancienne hacienda.
A l'époque nous dit-il, dans les
années trente, nous ne mangions que
deux fois par jour, une première
fois des fayots, une seconde fois des patates.
Il nous apprend également qu'il a
des cousins missionnaires en Afrique et
en Chine. Nous rêvons un instant à
la simple évocation de ces deux continents.
Afin d'immortaliser l'affaire nous prenons
des photos, lui et nous devant l'hacienda
puis lui tout seul sur sa meule de compète….
Nous reprenons rapidement
la route après avoir salué
Cléanthe et mis consciencieusement
son cadeau de départ dans la malle
bleu, deux bouteilles de vin du pays…Nous
quittons Roncade heureux de notre dotation,
direction Trieste. A chaque indication pour
Venise nous versons une larme. Pas le temps
d'y passer le calendrier est strict. Tant
pis, nous y reviendrons pour notre voyage
de noce !
Nous traversons Trieste
en courant, nous prenons tout juste le temps
de nous baigner dans l'adriatique. Dommage
car c'est une ville portuaire mythique,
charmante comme toutes les italiennes.
Il est 19H00 lorsque nous nous présentons
à la frontière slovène,
un petit quelque chose nous gratte la gorge.
Normal, c'est notre premier poste frontière
du voyage. Nous quittons enfin les territoires
de Schengen pour de nouveaux horizons, les
pays de l'Est.
Impossible de ne pas avoir
en mémoire les combats encore trop
récents qui ont déchirés
la Yougoslavie, au moment où nous
présentons nos papiers au douanier.
Heureusement pour nous la Slovénie
souhaite intégrer l'Europe, le passage
en douane ne sera donc pas long.
"Doberdan, Vos papiers bitte".
"Avez-vous quelque chose à déclarer
Messieurs, de l'alcool, du shit ?"
"Non rien à déclarer
Monsieur."
Après deux minutes d'interrogatoire
un attroupement de douaniers se forme autour
de la voiture. Ayant nos passeports en main
et plus par curiosité que par défiance,
le chef de douane nous demande de nous ranger
sur le côté. Ici, ils parlent
tous au moins quelques mots de français.
Vous n'avez pas d'alcool pas de shit messieurs
? Nous demande-t-il un seconde fois.
Sûr de notre bonne foi, excepté
pour l'alcool, nous avions en effet emporté
avec nous 4 ou 5 malheureuses vieilles bouteilles
dont une vieille poire, nous répondons
par la négative. Et pour appuyer
notre assertion Geoffroy lui tend la carte
grise de la voiture.
L'homme encore rougeaud de son dernier verre
de vin, la prend et la consulte comme s'il
s'apprêtait à lire un discours.
Je me risque à regarder discrètement
par-dessus son épaule, je lui avais
transmis la carte grise à l'envers
pour faire une expérience... Je suis
sur le point d'imploser de rire. Notre ami
s'échine à vouloir lire notre
carte grise à l'envers en s'affublant
pour la pose d'une mine de ministre, en
faisant avec la carte un mouvement pendulaire
entre le haut de sa poitrine et le bas de
sa ceinture pour mieux la considérer.
Après deux minutes de ce petit cinéma,
il nous rend notre carte avec cette formidable
formule :
"C'est bon tout est en ordre vous pouvez
y aller".
La carte grise en main nous démarrons
le plus rapidement possible de peur de ne
pas arriver à contenir plus long
temps mon hilarité. Loïc lui
ne comprend rien, il n'a pas suivi l'embrouille,
le seul truc que lui a paru louche, c'était
mon air pincé face aux gesticulations
du douanier. Après explications ce
fut à lui de rire abondamment.
Sur ces entrefaites, nous nous agitons pour
trouver un lieu de campement pour la nuit.
Les néons de Portoro nous attirent
un temps comme des papillons de nuit. Les
filles ici sont superbes. Elles se dandinent
sans complexe passé 23H00 sur la
promenade des anglais, version slovène.
Cette station balnéaire à
un charme fou, mais pour des aventuriers
comme nous, elle reste une ville chère
réservée à ces messieurs
de l'ex Nomenklatura communiste. Après
un court instant d'hésitations, nous
nous aventurons sur les hauteurs de Portoro.
Petites hésitations, car nous enfreignons
en effet, l'une des règles d'or du
camping sauvage, dormir en pleine campagne
sans avoir précédemment vu
de jour l'emplacement et l'environnement
du lieu de campement. Ce soir au diable
vauvert les règles d'or, nous voulons
dormir. Après une heure de route,
au détour d'un lacet de montagne,
nous tombons sur un petit village, Sveti
Peter, en français Saint Pierre.
Il surplombe la côte et ses lumières,
le spectacle est superbe.
Journal du mois de Juillet
écrit par Geoffroy
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