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Journal de bord

L'Inde dans tous ses Etats...

17 avril 04
Après de longues hésitations sur l'itinéraire à emprunter, nous décidons de reprendre la route demain matin pour Madurai, Inde du Sud. Monsieur Ramalingam insiste une dernière fois pour que nous allions visiter le temple Brihadishwara avant notre départ. "C’est la fierté de notre ville" nous dit-il l'œil pétillant. Ce temple fut en effet construit par le Raja Raja Chola héritier de la prestigieuse dynastie du même nom, qui avait établi sa résidence ici même à Thanjavur. Cette fois-ci, impossible de nous soustraire à la visite du temple, ne pas le visiter serait considéré comme une offense par notre hôte. Nous avons toute l'après-midi pour nous exécuter.
Dehors il fait torride. Le soleil darde ses rayons impitoyables sur la foule qui grouille sur le macadam. Contrairement à nous, elle ne semble pas incommodée par la chaleur. Les deux kilomètres que nous faisons à pied pour nous rendre au temple nous déshydratent complètement. Deux grosses noix de coco vertes feront l'affaire pour étancher notre soif. C’est la boisson locale, du made in India.
A l'aide d'un coupe-coupe, notre vendeur fend la noix d'un geste habile. Il nous la tend en ayant pris soin d’y introduire une paille. Son bras est meurtri par une vilaine cicatrice, sans doute la trace d’un vieux coup de machette reçu lors d'une rixe avec un autre vendeur…Qu’importe, nous buvons goulûment notre breuvage sans poser de plus amples questions à notre fendeur de noix.
Derrière nous les remparts imposants du temple, le flot des pèlerins qui entre et qui sort est impressionnant. Comme de vrais fidèles, nous retirons nos chaussures sous un grand porche qui fait office d'entrée, juste derrière l'enceinte de pierre. Ce spectacle vaut le détour, le sol est jonché par un amas hallucinant de tongues. Laquelle est à qui ? Personne ne s'en soucie. Les familles arrivent les unes derrières les autres et prennent une chaussure au hasard, de toutes manières une slasch pourrie reste une slasch pourrie…
Nous tentons de dissimuler les nôtres tant bien que mal sous un gros paquet afin qu'elles n'attirent pas l'œil d'un connaisseur d'Havaianas brésiliennes. Nos chaussures retirées, nous sommes rapidement engloutis par une masse humaine qui nous charrie vers l'intérieur du temple. Au bout de l'allée une énorme vache de pierre (Nandi) nous tourne le dos. Une assemblée gigantesque assise sur le sol fait face au dieu. La vache représente la monture de Shiva. Autour d'elle s'affaire une kyrielle de moines. Ils la polissent avec dévotion et recueillent les offrandes des fidèles venus aujourd'hui la célébrer. Fleurs, nourriture et lait sont entreposés dans de grandes bassines avant d'être déversés sur le dieu en signe d'adoration. Nous ne comprenons pas grand-chose à cette mascarade. Toutes les têtes sont tendues vers ce spectacle du dieu aspergé par leurs offrandes. Certains croyants se pressent autour des grilles qui le protègent pour essayer de recueillir le lait qui a coulé sur ses flancs. Les uns s'en aspergent le visage, les autres se contentent d'en avoir sur les mains, comme si pour eux cette mixture à base de lait avait des vertus curatives inconnues du profane. Cette fête que nous voyons à l'intérieur nous permet de mieux comprendre, ce qui se passait sur le parvis du temple quelques minutes auparavant où une multitude de petits vendeurs se précipitait sur nous pour nous proposer du lait dans une poche plastique et de la nourriture. Nous sortons du temple l'esprit mitigé. L'ensemble architectural était superbe, mais la gabegie de ces offrandes nous laisse encore songeur. N'y a-t-il pas une importante part de la population en Inde qui ne mange pas à sa faim ?
A l'heure du dîner, monsieur Ramalingam nous questionne sur notre visite, nous ne savons trop quoi lui répondre. Nous lui parlons de la fête et de ce que nous en avons pensé. Nous lui posons des questions sur sa religion. Il est content de nous répondre.
Monsieur Ramalingam a été plus que généreux avec nous, il nous a laissé son lit pendant une semaine alors que lui dormait sur une chaise longue et sa femme avec l'une de ses belles filles…Nous avons été nourris logés et blanchis pendant 8 jours chez lui. Nous nous souviendrons longtemps de l'accueil chaleureux qu'il nous a réservé avec sa famille.

18 avril 04
Nos sacs sont prêts pour le départ. Monsieur Ramalingam a commandé un rickshaw pour nous emmener jusqu'à la gare de bus. Il part à 14h00, il est 13h50, le chauffeur sait qu'il va devoir carburer autrement nous ratons notre bus et devons remettre au lendemain notre départ. Le bus est sur le départ quand nous arrivons. Je paye le rickshaw tandis que Loïc monte dans le bus les gros sacs. Nous avons tout juste le temps de sauter dedans qu'il démarre à toute blinde.
35 roupies pour Madurai (250 kilomètres), soit moins de un euro…
La température extérieure frôle les 45 C°. Nous ruisselons de chaud. Dans le bus rien n'est laissé au hasard, chaque place est millimétrée. Il n'y a pas d'air qui circule entre vous et votre voisin de gauche ou de droite. Pour ne rien arranger, les banquettes sont en formica, ce qui fait de nous un bloc de beurre sur une poile… Comme nous sommes grands, nous avons aussi l'insigne privilège de voyager avec les genoux dans nos gencives ! Ca change du Japon, où au contraire tout était ajusté pour les grands.
Sur la route qui mène à Madurai, les fermiers ont eu la folle idée d'étendre à même l'asphalte leur récolte pour la mettre à sécher. Le bus les évite souvent de justesse. Ces tapis de céréales donnent à la route un aspect surréaliste. Nous allons tantôt à droite, tantôt à gauche au gré des récoltes étendues sur le sol.
Dans les bourgades, le chauffeur ralentit mais ne s'arrête pas, des passagers en profitent pour descendre, d'autres pour monter. Tout est bien réglé au rythme des coups de sifflet du contrôleur. Ailleurs, dans les grosses villes, le bus fait une courte halte de 5 minutes. Le temps pour le chauffeur de se griller une sèche et pour les vendeurs à la sauvette de marchander, samoussa, le fruit du jaquier et autres pitances avec les passagers du bus. Certains tentent aussi de faire la manche en restant devant vous sans bouger dans l'espoir d'obtenir une petite pièce. Avec nous ils sont souvent déçus. Nous n'avons bien souvent que notre sourire à leur donner et parfois quand nous sommes fatigués, il ressemble plus à une grimace qu'autre chose…
Arrivés à Madurai, nous courons visiter le temple hindou. Le dernier nous a plu, il ne faut pas changer les formules qui marchent !

19 avril 04
Nous rencontrons le matin la Dahn Fundation qui nous parle de ses projets de rénovations des tanks (étangs réservoirs d’eau). Ils nous proposent d'aller visiter demain l'un de leur projet à la campagne. Nous acceptons avec plaisir. Nous partons le jour même à 18h00 pour Paramakkudi au Sud-ouest de Madurai. Le bus nous dépose sur les coups de 22h20. La ville n'a pas dû recevoir de touristes depuis Mathusalem car dans les restaurants nous sommes de véritables bêtes de cirque. Après nous avoir servi notre commande, les garçons restent autour de nous pour examiner tous nos faits et gestes, voir comment nous mangeons avec les doigts, comprendre comment nous rotons… Bref nous sommes apparemment intrigants.

20 avril 04
Nous sommes sur le pied de guerre à 8h00 du matin pour la visite des associations de tanks. Les villageois sont fiers de nous montrer leur réalisation. Un village nous fait visiter son église. Dans le Sud de l'Inde les catholiques sont nombreux.
Notre train pour le Kerala est l'après-midi. Sur le quai de la gare, deux gros cochons bien gras et une chèvre se délectent frugalement des résidus jetés par les voyageurs. Les vibrations du train sur les rails les font fuir, il est 18h35. Pour annoncer le départ le train déchire l'air de son cri strident. Tout le monde embarque précipitamment. Nous avons pu avoir un ticket en première classe uniquement, il n'y avait plus de place en seconde. Dans notre compartiment, il y a un Indien. Il est joufflu comme peuvent l'être tous les Indiens appartenant à la caste supérieure avec une grosse tignasse bien noire. Un détail nous surprend cependant, il a attaché avec une chaîne sa valise à une poignée du train. Nous sommes un peu inquiets. Nous allons dormir comme lui dans ce train sans chaînes pour attacher nos sacs à nos jambes ou à nos bras. Tant pis, on verra bien. Il y a quatre puissants ventilateurs qui nous envoient de l'air frais au visage plus les fenêtres grandes ouvertes. Ces trains sont géniaux. Seul petit souci, les fauteuils sont recouverts d'une fine pellicule de poussière. Nos T-shirts propres de ce matin sont déjà tout barbouillés de noir. En nous voyant ainsi sortir du train le lendemain matin, on aurait pu croire que nous avions passé la nuit dans la salle des machines, à mettre du charbon…

21 avril 04
De Malappuram (Kerala) où nous arrivons à 5H00 du matin, nous prenons un bus dans la foulée à quelques enjambées de la gare pour Calicut. Paraît-il que Vasco de Gama y échoua 500 ans avant nous, ouvrant ainsi la route des Indes à l'Europe. Nous on s'y rend parce qu'un ami de l'Institut français de Pondichéry, nous a parlé des puits horizontaux dans les environs. Nous voulons à tout prix les voir avant notre départ vers Calcutta. Le bus freine brutalement, dehors, il fait encore noir. Des cris nous tirent de notre somnolence, des lampes de poche s'agitent dans le crépuscule. Un camion transportant des grumes de bois s'est renversé devant nous. Dans sa course effrénée, il a emporté des lignes électriques, personne ne sait si elles sont encore électrifiées. L'un des gars présents se décide finalement à toucher les fils. Voyant qu'il n'en meurt pas, ses collègues se décident à venir l'aider. Ils soulèvent les fils, le bus passe, nous continuons notre route. Afin de rattraper le retard pris, le chauffeur en profite pour mettre les bouchées doubles en allant à toute allure. La route est montueuse, nous tremblons de peur, "Et si cet imbécile…"
Nous arrivons à Calicut à 7h00 du mat'. Après un milk-shake banane nous partons à la recherche d'un hôtel. Nous devons aussi organiser notre voyage pour la Réunion. Au moment de rejoindre les huit gagnants du Jeu-concours, nous serons au Myanmar. Après maintes agences nous trouvons finalement un ticket qui relie Rangoon à la Réunion en passant par Bangkok, Calcutta, Bombay, l'île Maurice et qui correspond à notre mini-budget. Pour 5 jours passés sur place, nous aurons 5 jours de voyage en tout, soit assis dans l'avion soit couchés sur les banquettes de l'aéroport. Le chef de l'agence nous parle fortuitement d'un de ses amis qui est chef du département de l'eau du Kerala. Il nous organise un RDV pour le lendemain matin.

22 avril 04
Pendant la nuit une grosse pluie s'abat sur Calicut. Une odeur pestilentielle me réveille. J'ai la gorge serrée, l'odeur ne passe pas. La pluie, en hydratant les rues de la ville, a réactivé le long processus de décomposition et libérée les miasmes morbides. La veille nous avions vu sur un chantier que les ouvriers étaient obligés de creuser 2 m de déchets avant de toucher la terre ferme et de construire les fondations d'un immeuble…
Monsieur Mohanan nous reçoit chez lui, il nous parle de son métier. Il veut nous aider dans notre projet et nous recevoir. Ce soir son beau-frère, un grand magicien qui a gagné le prix de Monaco, est en tournée à Calicut, il veut nous inviter à sa représentation. Nous acceptons sans rechigner. Il nous présente aussi à l'un de ses amis qui est journaliste. Il fera d'ailleurs un article sur nous dans le plus important des journaux indiens. Il nous introduit également chez l'un de ses subalternes qui est sourcier et qui peut nous faire rencontrer des fermiers qui ont creusé des puits horizontaux. Voilà ce qu'une rencontre inopinée dans une agence peut offrir comme débouché. Depuis que nous avons quitté Paris, notre projet avance grâce à ces rencontres miracles… Nous prenons donc le train le surlendemain pour Kasaragod afin de visiter ces fameux puits horizontaux.

24avril 04
Nous arrivons à Kasaragod à 12H30. Nous visitons les puits verticaux. Le fils de Krishnan (subalterne de Mohanan) nous parle de son don de sourcier. Nous reprenons un bus à 19h10 pour rejoindre Bangalore à 400 kilomètres de là, plus ou moins 11h de bus.

25 avril 04 – 26 avril 04
Nous restons à Bangalore le temps de rencontrer une autre ONG (Fedina) faisant un travail remarquable auprès des dalits, la caste des intouchables.

27 avril 04
Départ de Bangalore en train pour Chennai (Madras). Retour à la case départ. Nous y passons une nuit. Derrière notre hôtel, il y a une colonie de dalits, nous les interrogeons sur leur vécu de l'eau.

28 avril 04
Nous partons pour Calcutta avec le train du soir. La chance était encore de notre côté car nous avons pu acheter un billet de train in extremis. Les vacances viennent de commencer en Inde, les trains sont donc pris d'assaut par les vacanciers.
Au programme 32h de train non-stop. Notre compartiment est A/C. Les fenêtres sont hermétiquement closes. Nous n'entendons donc plus le ronflement de la motrice. Nous n'avons plus non plus de contact avec les vendeurs en gare.

30 avril 04 – 3 mai 04
Nous arrivons à Calcutta à 5h00 du matin. Même si les deux nuits passées dans le train furent bonnes, nous sortons sur le quai l'air hébété. Personne ne vient pour nous faire la manche. Sans doute, sommes-nous terrifiants à voir. Non tout va bien, les taxis drivers nous harcèlent comme à l'habitude pour que nous montions dans leur cab. Nous décidons de nous rendre à "Suder street" à pied. Il est tôt, les couleurs sont belles, profitons-en. Nous traversons à pied le vieux pont en acier à poutres en treillis de Howarah.
Alors que nous prenons des photos du Gange depuis le pont, des policiers nous interpellent "no photo misters, look it is written here". "Ne vous en faites pas monsieur l'agent je faisais semblant de prendre une photo" Je crois qu'ils étaient impressionnés par nos touffes de cheveux respectives. Ils ne nous ont pas embêté très longtemps.
A 6h00 du matin les rues sont déjà bien animées. La vie bat son plein. Les hommes prennent leur douche sur la chaussée sur une canalisation ouverte, les femmes se peignent assises sur la devanture d'une boutique, les enfants pataugent les pieds dans l'eau... Chacun s'organise et fait de son mieux pour survivre. Nous n'avons personne à rencontrer à Calcutta si ce n'est notre cousine qui est entrée chez les sœurs de la charité. Elle nous parle de sa vie fascinante au service des plus pauvres. Quelle foi de Titan !
La vie cahoteuse des rues de Calcutta réussit à nous surprendre. Le tramway de la ville est un spectacle à lui tout seul. Il est vieux, beaucoup trop vieux et pourtant il roule encore. Un jour, il s'est bloqué devant nous. Il a patiné, tellement les rails sont défoncés. Il a surchauffé à force d'essayer de se sortir seul de l'ornière. Le tram suivant est arrivé derrière lui, l'a poussé, le voilà à nouveau sur les rails.
Ici tout se répare, même la slash la plus pourrie peut refaire peau neuve. Nous sommes atterrés de voir que pour repeindre une barrière, un jeune utilise ses mains en guise de pinceau… Où va t'on ?

Roland est déjà en Birmanie depuis 2 jours. Les trois frères ensemble…le mélange promet d'être explosif.

Journal du 17 Avril au 03 mai 2004 écrit par Geoffroy

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