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Journal de bord

Le Jeu-Concours suivi de la rencontre avec la chaleur indienne

Arrivée en France
Il est 20h00 et des brouettes lorsque notre avion de l'Aeroflot atterrit sur la piste de l'aéroport de Paris Charles de Gaulle.
Pour garder les bonnes vieilles traditions, notre Fan-Club (ou plutôt family club) favori nous a organisé un comité d'accueil avec flashs et voiture de luxe.
Le séjour que nous entamons en France n'est, cette fois-ci, pas un transit obligé entre le Japon et l'Inde. Nous avons décidé de passer dans les écoles qui participent au Jeu-Concours que nous organisons avec les Aéroports de Paris. L'idée étant de les motiver et de leur raconter de manière plus vivante notre aventure et notre projet.
En arrivant, nous ne savons pas trop où en est l'organisation car notre seul contact avec la personne chargée de l'organisation est via e-mail ou rapidement par téléphone, et nous nous apercevons qu'il y a beaucoup de retard. Nous allons donc passer nos journées à Paris à téléphoner. Principales cibles, les médias qui doivent sûrement prévoir quelque chose pour la journée internationale de l'eau douce le lundi 22 mars. Notre père et notre sœur l'ayant déjà fait pendant les semaines qui ont précédées notre retour. Nous espérons par là faire participer un maximum de jeunes à notre expérience et au Jeu-Concours.
Ce que nous ne savions pas, c'est qu'une fois encore, un événement va venir éclipser cette importante journée de communication : les élections régionales françaises.
Le jour ou ni la guerre en Irak (mars 2003), ni les élections régionales françaises n'affecteront la médiatisation de la Journée Internationale de l'Eau Douce, ce jour là, les mentalités auront bien changé et tous les Hommes se seront enfin rendu compte de l'importance de l'eau. J'entends par Hommes, toutes les personnes qui ont l'eau courante dans leur maison et qui regardent la télé…. Les autres Hommes, eux, connaissent déjà l'importance de l'eau….
Nous avons au programme, une interview téléphonique avec RFI en présence de trois élèves d'un lycée du 93, une interview dans les locaux de Radio-classique, une entrevue avec deux journalistes du Figaro et une entrevue avec un journaliste d'une revue automobile.
Nous devons aussi passer dans trois gros établissements scolaires de la banlieue Nord de Paris pour leur présenter le Jeu-Concours.
On nous a prévenu, certaines écoles ont des problèmes car situées dans les Zones d'Education Prioritaire (les fameuses ZEP). Notre étonnement est grand lorsque nous tombons devant 50 à 100 élèves de 5ème à la 2nd qui ne bronchent pas durant notre heure de présentation. Pour l'une des écoles, c'était facile, nous avions un projecteur vidéo prêté par l'école et nos photos les tenaient en haleine. Mais pour les deux autres, nous n'avons qu'une malheureuse carte du monde datant de 1980. Et pourtant les élèves sont attentifs, alertes et vont nous poser des questions. A la fin pendant le quart d'heure réservé à cet effet, tous les enfants d'origines étrangères nous interrogent sur leur pays, ce que nous en pensons, sur nos moyens de communication avec les gens. Ils se tordent de rire lorsque nous nous essayons à quelques mots d'arabe. Mais le silence revient vite et tous sont conscients de la chance que nous avons d'avoir de l'eau pure qui sort de notre robinet 24h/24. Et surtout, beaucoup rêve de partir un jour rencontrer le monde.

Le départ catastrophique
Bientôt ce sont les adieux, une catastrophe de dernière minute modifie encore notre programme. Nous avons fait nos visas pour le Myanmar (Birmanie) puis ceux pour l'Inde. En allant chercher nos passeports au consulat d'Inde la veille du départ, nous recevons deux passeports. Celui de Loïc et celui de Monsieur X habitant dans l'Aine.
Génial ! L'avion part à 10h30 demain matin, nous venons de perdre les 500 Euro que coûte le billet de Geoffroy.
Loïc est ravi parce que Sophie l'attend à Chennai (Madras) samedi 27 avril à 4 heures du matin.
Et si cela avait été son passeport qui avait été bloqué….

Gentiment papa me conduit à l'aéroport vendredi matin. Dans le doute nous demandons à Kuwait Airlines si le billet de Geoffroy, que nous avons acheté sur Internet, est échangeable. A notre grande surprise, le représentant de la compagnie nous accueille chaleureusement et nous explique que Geoffroy doit se rendre dans les bureaux parisiens pour tout simplement faire reprogrammer son billet pour une autre date, et ceci sans frais ! Qu'ils sont biens ces Koweïtiens ! !

Les retrouvailles avec Sophie
J'arrive donc seul à Chennai où Sophie m'attend comme une courageuse. Les retrouvailles sont surprenantes, après 7 mois de séparation physique. L'heureuse invention du courrier électronique et de l'Internet nous a permis de rester en contact constant ? Heureusement, car vu la fréquence de nos déplacements une correspondance par lettres eut été impossible. Après une nuit assez courte, nous partons vers le sud pour Mahabalipuram où nous avons repéré un hôtel dans lequel nous attendrons Geoffroy. Enfin "attendrons", j'ai d'autres projets. Voilà bien longtemps que je connais Sophie rencontrée aux camps pour handicapés auxquels nous participons durant les grandes vacances. Depuis le début de notre voyage, j'essaye de lui écrire régulièrement dans un cahier. Et à la deuxième page de ce cahier, je la demande en mariage. Il ne me reste donc plus qu'à trouver un cadre pour la remise précieux cahier ! Et l'ombre bienveillante d'un cocotier d'une plage du Golfe de Bengale me parait idéale. Et si vous voulez plus de détails, vous pouvez toujours aller en demander au cocotier, c'est le troisième en partant de la droite ! !

La découverte de l'Inde
Bref, toutes ces émotions passées, Geoffroy, qui m'avait gentiment laissé deux jours d'intimités (en plus du retard causé par le passeport), nous rejoint le 31 mars et nous partons tous les trois directement pour Pondichéry en bus.
Au début, nous y logeons dans un hôtel simple ayant un élevage de fourmis et des lits meurtriers. Nous changerons le lendemain pour un hôtel tout aussi simple, ayant un élevage de cafard mais des chambres spacieuses et surtout Internet au rez-de-chaussée.
Nous décidons rapidement de prendre contact avec le consulat français auquel nous nous rendons à pied. Mais, au gré de nos pérégrinations dans la ville nous tombons sur les bâtiments de l'Institut Français de Pondichéry (IFP). Intéressé, nous rentrons pour poser quelques questions.
Il faut peut être préciser que Pondichéry est un ancien comptoir de la Compagnie des Indes. La représentation et surtout l'influence française y sont donc encore importante.
A l'IFP, nous sommes directement mis en contact avec Monsieur Grard et Monsieur Mony. Le premier est le directeur développement de l'Institut et le deuxième thésard du Muséum d'Histoires Naturelles à Paris. Ce dernier s'attaque à l'étude de l'histoire des tanks (réservoirs d'eau) dans le sud de l'Inde au 20ème siècle. On ne pouvait trouver mieux.
Aider par l'étude d'un bouquin de la bibliothèque de l'IFP, nous allons commencer notre découverte des fameux tanks indiens, de leur utilité, et surtout de leur rénovation progressive dans une période de sécheresse que connaît tout le sud de l'Inde depuis près de 5 ans.

Et pourquoi pas en moto ?
Pour faire le tour du Sud de l'Inde, nous avons derrière la tête de trouver des motos pour garder la liberté de mouvements et de rencontres que nous donnaient nos voitures. En bus nous nous sentons prisonniers, nous avons envie d'arrêter le chauffeur cinquante fois pour discuter avec les gens, leur poser des questions et prendre des photos. Nous nous résignerons pour finir à ne prendre des motos que pour le temps de notre séjour à Pondichéry et, chevauchant nos montures d'acier, nous partons à la découverte de la campagne indienne.
Bon OK ! Ça ne s'est pas fait aussi facilement. Nous n'avions, Geoffroy comme moi, jamais roulé avec une moto équipée d'un embrayage. Mais je dois dire que nous nous en sommes bien sortis, surtout si l'on prend en compte la fourmilière désorganisée qui caractérise le trafic en Inde. Il y en a de partout.
Commençons par les plus gros et donc les véhicules prioritaires :
- Ce sont les bus et les camions, ils occupent le milieu de la route et ont la main constamment appuyée sur le klaxon ou disons plutôt la corne de brume vue le bruit dégagé. L'usage du frein étant interdit par la compagnie de bus ou de camion, la population sur pattes ou à vélo a vite compris l'intérêt de prêter attention à ces coups de semonces intempestifs.
- Viennent ensuite les voitures qui, selon mes calculs, doivent toutes appartenir à la même compagnie, celle qui interdit l'usage du frein, car elles appliquent le même principe que les camions, en prêtant tout de même attention à ne jamais se trouver sur le chemin de ces derniers.
- Les derniers à avoir une quelconque influence sur les piétons sont donc les motards. Qui usent et abusent de leurs avertisseurs sonores pour intimider les piétons et les nombreux animaux (surtout les vaches, les chèvres et les chiens) qui se baladent partout.

Qu'on ne me dise jamais que les Indiens sont des gens patients, ce n'est pas vrai ! Ils sont même bigrement pressés.
Nous avons donc trouvé notre place au milieu de cette fourmilière en roulant plus vite que les camions pour ne jamais être sur leur route, et le doigt sur la gâchette pour être entendu et vu de la population sur pattes. Pas de pot pour Geoffroy qui avait un klaxon à bout de souffle ! Et ça s'est pire que de ne pas avoir de roues. Hélas, il a du faire avec, le loueur n'ayant pas d'autres motos et voulant garder la moto une journée entière pour changer un malheureux klaxon.

Dans la campagne autour de Pondichéry, nous avons trouvé Auroville.
Auroville est une création de "Mère", une française ayant partagé la vie de Sri Aurobindo, figure emblématique de toute une philosophie que je ne connais pas. Voici l'idée qui se trouve derrière la création de cette ville : "Une expérimentation de vie internationale ou les Hommes de bonnes volontés pourraient vivre en paix et en harmonie progressive au-delà de toute race, de toute politique et de toute croyance".
Sur place, nous avons entendu parler de Water Tom fondateur de l'ONG de Auroville : Harvest. Au beau milieu d'un samedi après-midi, nous débarquons donc chez lui à moto pour l'interviewer. Nous avons de la chance (comme d'hab. !) car il revient d'un séjour de deux ans en Italie et surtout il accepte de nous donner dans la minute deux heures de son temps.
A la fin, il nous donne RDV deux jours après pour que nous puissions voir sur le terrain les projets de l'ONG.

Parcourir la campagne
Enfourchant notre Yamaha 135cm3 et la Suzuki 100cm3 nous continuons donc à parcourir la campagne.
Les Indiens sont charmants, ils nous accueillent toujours à bras ouverts et connaissent tous au moins 10 mots d'anglais. Mais en général c'est beaucoup plus (200 en moyenne) ce qui nous facilite beaucoup les échanges. Nous sommes en pleine découverte de cette culture fabuleuse, seuls quelques points nous demandent encore une petite adaptation :

- La nourriture, délicieuse mais abominablement épicée. Je milite d'ailleurs pour la création de l'Organisation Internationale Contre la Bouffe Pimentée (OICBP). J'ai peu de succès dans cette partie du monde, mais je n'ai pas dit mon dernier mot !

- Le dodelinement de la tête, qui veut dire parfois "oui", parfois "peut-être" ou encore "bonjour".
Les premières fois cela rendait les scènes assez comiques. Au restaurant par exemple :
"Vous avez du riz ?"
En réponse nous obtenons un dodelinement de la tête.
"Non ? Bon et du poulet alors ?"
Même dodelinement de la tête.
"Non ? Ah !"
Après avoir énuméré tout le menu et essuyé dix dodelinements de la tête de la part du serveur, nous lui demandons : "mais vous avez quoi alors ?"
Et il nous annonce en souriant "Et bien du riz, du poulet, du…..".
Aujourd'hui nous sommes des professionnels du dodelinement de la tête que nous pratiquons d'ailleurs nous même avec beaucoup de classe. Et au restaurant cela donne :
"Vous avez du mouton ?"
Dodelinement de la tête.
"Oui ! Bon et bien je prendrai un mouton alors !"
Nouveau dodelinement de la tête du serveur l'air embêté, "mais nous n'avons pas de mouton Monsieur !"
Comme quoi, ce n'est pas gagné !

- Le dernier point c'est l'hygiène. Si les Indiens sont généralement propres sur eux, toujours droits, l'allure fière, les dents blanches, il n'en est pas de même de leur environnement direct. Aucune gestion des déchets (ou du moins pas cohérente), aucunes poubelles (récipients) dans les rues, mais plutôt des rues poubelles. Bref, le même topo que dans les pays arabes ou dans certains pays sud-américains mais puissance dix et avec en plus des excréments humains ça et là. Aux abords et en dehors des villes, c'est la même chose, la majorité des rivières, des étangs et autres surfaces d'eaux sont immanquablement pollués à outrance. Nous avons envie de leur criez : "Vite ! Réagissez, il s'agit là d'un petit effort qui vous rendra la vie bien plus facile…" Cela n'a rien à voir avec la surpopulation, c'est vraiment une éducation et des infrastructures à mettre en place (donc une décision politique… mais ça non plus ce n'est pas gagné…)

Le formidable accueil de nos amis indiens et l'accident de moto
Jeudi, après avoir rendu nos deux roues, nous partons pour Thanjavur où Ramany, un ami Indien de notre famille, nous a mis en contact avec ses amis. Nous y sommes donc accueillis par Vijay, un jeune de 28 ans qui nous réserve beaucoup de temps et d'énergie. N'ayant pu trouver de moto à louer, il nous prête ses amis sur leur moto, qui nous emmènent à travers la campagne de grand matin pour visiter un barrage de plus de 1000 ans. Au retour, mon pilote à tendance à coller de trop près la moto sur laquelle se trouve Geffroy et son pilote. Je commence à avoir réellement peur et je me fais mille scénarii catastrophes. Comment va-t-on mourir ? Qui va-t-on percuter ? Vais-je m'empaler sur cette vache en liberté que nous allons frôler ?
Bref, ce qui devait arriver arriva, et, avec beaucoup de chance, mon chauffard ne voit que trop tard le dos d'âne qui se trouve sur la route. Il freine, bloque la roue avant, dérape, manque de percuter l'autre moto et nous fait tomber tous les deux. Je dis beaucoup de chance car j'ai pu me relever, et me rendre compte que j'étais vivant, éraflé ça et là et avec un mal au cul qui dure maintenant depuis un mois. Mais vivant et entier ! Mon chauffeur lui a le genou sérieusement en sang, mais ne veut pas que je reprenne le guidon. Dès lors, il conduit beaucoup plus prudemment. Après quelques minutes, il s'arrête doucement, éteint la moto et met la béquille. Je descends de la moto et me rends compte qu'il est tomber dans les pommes le nez dans le guidon. Quelle chance et quelle présence d'esprit de s'être arrêté dès qu'il a senti ses forces le quitter ! Pour l'allonger, je le transporte de la moto jusqu'à l'ombre d'un arbre où il reprend connaissance. La peur (plus pour moi que pour lui d'ailleurs), le choc, le mal au genou, toutes ces émotions ont été un peu brutales. Après une bonne pause et le retour de Geoffroy parti devant, nous repartons pour Thanjavur mais cette fois, je conduis.
Le lendemain nous assistons à une messe de Pâques et nous avons l'heureuse surprise d'être invités par le beau-père du fils de notre ami Ramany, qui nous reçoit chez lui et nous invite à dormir dans sa maison au milieu de sa famille.
Nous rêvions de rencontrer et de vivre avec une famille indienne, voilà qui est fait.
La rencontre est enrichissante, nous sommes dans une famille éduquée où quasiment tous les enfants ont un doctorat et travaillent à l'étranger. Les femmes, elles, restent à la maison avec les grands-parents. Chouchoutés, nous avons droit aux traditionnels repas du sud avec une feuille de bananier en guise d'assiette et quinze petits plats délicieux (toujours un peu trop pimentés…. ils sont fous ces indiens !).
Tristes de quitter de nouveau amis, nous partons vers Madurai où nous devons rencontrer la Dhan Fundation, la plus grosse ONG indienne du Sud du pays, qui a de nombreux projet dans le domaine de l'eau. C'est parti mon kiki, encore des heures et des heures de bus…

Journal du 17 mars au 15 avril 2004 écrit par Loïc

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