L'accès à l'eau, source de
développement !
Le Nord Kordofan est l'une des 16 provinces
que compte le Soudan. Il se caractérise
par un climat semi-aride et une végétation
adaptée à ce type de climat:
la steppe arborée ou la savane. Il
y pleut abondamment pendant la saison des
pluies de juillet à septembre. Les
mois sans eau sont, quant à eux,
frappés par la sécheresse
et des températures frôlant
régulièrement les 50°C.
La problématique de l'eau dans cet
état, comme dans tous ceux situés
loin de toute source d'eau continue telle
que le Nil, est donc la suivante : Comment
retenir, gérer et conserver l'eau
tombée pendant la saison des pluies,
afin de tenir jusqu'à l'année
suivante ?
L'ONG CARE Soudan s'est attaquée
au problème de l'eau dans cette région.
Ils sont présents sur place depuis
1985. Lors de notre passage à El-Obeïd
et à Ghubeish nous avons rencontré
les deux responsables des projets "eau
et développement" chez CARE.
Plan :
- L'eau dans les milieux ruraux au Soudan.
- Projet CARE à Ghubeish Ali Ahmed
(1250 Km au Sud-ouest de Khartoum).
- Projet Care à El-Obeïd Ahmed
Abbo (850 Km au Sud-ouest de Khartoum).
I) L'eau dans les milieux ruraux au Soudan
en dehors de la vallée du Nil :
On recense 7 manières de stocker
et de s'approvisionner en eau :
1. Les dépressions naturelles (étangs,
etc.)
2. Les Baobabs (cf. carnet des initiatives
sur le Baobab)
3. Les puits (forage) assistés par
une pompe à moteur thermique
4. Les puits traditionnels creusés
à la main.
5. Les pompes à main (on actionne
un levier pour faire monter l'eau)
6. Les citernes privées
7. Les structures pour les eaux de surface
telles que les haffirs et les barrages
Quelques chiffres concernant l'eau et l'approvisionnement
en eau dans le Nord Kordofan :
" 75% de la population n'ont pas accès
à une eau potable.
" Pour 48% de la population les ressources
en eau potable se trouvent à une
distance supérieure à 10 km
soit 10 fois la distance recommandée
par l'OMS.
" Par conséquent la consommation
par habitant n'est que de 4 à 16
litres par jour, ce qui est moins de 20%
à 80% du minimum recommandé
par l'OMS.
II) CARE Ghubeish, entretien avec Ali
Ahmed : Pour info, nous avons donné
Adrienne à cette antenne CARE, afin
de soutenir leur projet "eau et développement"
à Ghubeish
L'accès à une eau potable
et de qualité est un gros problème
dans le Kordofan même si cet Etat
est très riche en eau souterraine.
Les eaux de surface sont en abondance uniquement
pendant la saison des pluies. L'eau tient
une place importante dans le budget des
ménages : entre 50% et 60%. L'eau
à la sortie de la pompe est vendue
par le gouvernement 50 dinars par donkey-can
(100 litres), puis elle est vendue ensuite
au porte à porte. Les donkey-can,
suivant la saison, la revendent entre 250
dinars et 1000 dinars (en saison sèche)
les 100 litres.
Dans la région, il y a des "Water-Yards"
(stations de pompage), mais en nombre insuffisant
et souvent trop vétustes. Le premier
problème rencontré par la
communauté est la défaillance
régulière des pompes et son
incapacité à résoudre
rapidement la panne par manque de formation
et de moyen. En moyenne, il y a 5 pannes
par mois avec des temps d'arrêt pouvant
aller jusqu'à 20 jours. C'est pourquoi,
le temps annuel passer à s'approvisionner
en eau est si élevé : environ
140 jours par an.( NDLR: On peut se poser
ici, la question du lien entre accès
à l'eau et le développement
dans un sens large)
Résumons :
L'accès à l'eau est rendu
difficile car:
--Manque de Water-Yards, 10 000 habitant
par Water-yards.
--La fiabilité des Water-Yards existants
est faible. En cas de panne, il faut faire
plus de kilomètres pour avoir de
l'eau.
--Gestion de l'eau au jour le jour, pas
de stocks possible, car pas de citernes.
--Le gouvernement apporte une assistance
à l'ensemble des waters yards, mais,
elle est souvent trop l- ongue à
venir surtout quand il s'agit de panne mineure.
Les pannes ont lieu car:
--Manque de maintenance
--Coût élevé des pièces
de rechange
--Sur utilisation du matériel de
pompage 18 à 23h par jour
--Vétusté du matériel
installé (25 ans)
Nous travaillons (CARE) par le biais de
notre projet à diviser le travail
entre d'un côté celui qui revient
au Gouvernement (gestion des problèmes
graves) et de l'autre celui qui est du domaine
de la communauté (gestion des petits
problèmes et de la maintenance) afin
de diminuer les délais d'assistance.
Deux parties dans le projet :
1. Accroître la capacité de
la population à gérer son
puits (management communautaire).
2. Renouveler l'ensemble des Water-Yards
(pompes, citernes et tuyauteries).
Ce projet de rénovation et de formation
est financé par l'Europe à
hauteur de € 600 000 + € 100 000
versés par les habitants des villages
et des environs. Cette cotisation de la
communauté est nécessaire
afin de les responsabiliser. C'est la condition
sine qua non pour que le projet réussisse.
Pour mener à bien ce projet, nous
déléguons un staff de 15 personnes
pendant 2 ans qui travaillera en cheville
avec un groupe de 15 volontaires dont au
moins 2 femmes. Ce comité de villageois
sera en charge de la gestion du Water-Yard.
Seul l'exécutif sera payé
(3 à 4 personnes).
La place de la femme est un challenge pour
nous dans ce projet. C'est notre priorité
de les faire participer pleinement à
l'initiative. C'est pourquoi nous prévoyons
de mettre en place un "groupe de femme".
Chaque femme sera ainsi, en charge d'un
groupe de 25 foyers afin de faire passer
un message et de communiquer sur le projet.
Le succès de ce projet repose sur
la femme car elles sont les traditionnels
"gestionnaires" de l'eau.
Notre interlocuteur n'a pas
entendu parler de l'année internationale
de l'eau douce.
Merci à Ali Ahmed de nous avoir parler
de l'eau dans le Nord Kordofan et plus particulièrement
du projet de CARE dans cette région.
CARE El-Obeïd, entretien avec Ahmed
Abbo:
Qu'est ce qu'un Haffir ?
Le haffir est une excavation artificielle
vers laquelle sont drainées et stockées
les eaux de surface tombées pendant
la saison des pluies, ce qui permet d'avoir
un approvisionnement constant en eau durant
la saison sèche. La profondeur d'un
haffir varie entre 3 et 8 mètres,
il est le plus souvent d'une capacité
de stockage compris entre 5000m3 et 30 000m3.
La technologie d'un haffir (développée
par Care) est très simple. Un système
de filtre par gravitation permet de purifier
l'eau, tandis qu'un enclos empêche
le bétail de venir boire directement
dans le bassin. Dans les anciens haffirs,
la pollution de l'eau par le bétail
(urines et autres bactéries) était
le problème le plus sérieux.
Les gens venait souvent nettoyer leur camion
ou leur voiture au bord du bassin La capacité
de stockage dépend du type de sol
(le plus souvent argileux) et du taux d'évaporation
de l'endroit où il a été
creusé. Les pertes en eau sont essentiellement
attribuées à l'évaporation
(30 à 40 %) et à l'infiltration
dans le sol (10-20%).
Certaines familles, ici, n'ont que 4 Litres
d'eau par jour. Quand CARE est arrivé
dans la région début des années
90 c'était pour faire face à
un besoin de nourriture, mais très
rapidement la population a demandé
de l'eau. Alors nous avons fait creuser
des haffirs qui se sont avérés
trop simples et qui apportaient une eau
de mauvaise qualité. Nous avons donc
amélioré le système
par la mise en place de barrière
de protection contre le bétail, et
l'installation d'un système de purification
de l'eau via un filtre par gravitation.
Entre 1993 et 2003 avec le soutien de la
FAO dans le cadre d'un programme de "Travail
contre nourriture" nous avons creusé
200 haffirs. Les fonds venaient essentiellement
de Union Européenne.
Pour vous donner un ordre de grandeur un
haffir de 15 000 à 20 000 m3 équivaut
à 200 tonnes de nourriture plus les
coûts de structure (14 000$) tels
que la pose de barrières de protection,
l'achat de pompes à main, etc.
La construction d'un haffir apporte de l'argent
à la communauté, ce qui leur
permet de construire des écoles,
des dispensaires, et grâce à
la proximité de l'eau faire des briques
pour les maisons (construire du dur plutôt
que des gourbis en paille).
La gestion du haffir est assurée
par un comité chargé de la
maintenance, de l'hygiène et de la
santé. Nous sommes favorables à
ce que les femmes s'impliquent dans ce comité.
Aujourd'hui l'équipe construction
est formée par 70% de femmes.
La preuve que notre politique porte ses
fruits c'est que le meilleur haffir de la
province est dirigé par une femme.
Alternative à l'eau :
Dans la région la population consomme
énormément de melon d'eau
qui constitue un apport en eau journalier
non négligeable. Cependant, cette
année, un insecte a détruit
l'ensemble de la récolte. On constate
de ce fait une augmentation de la consommation
d'eau. Le melon d'eau est cultivé
ici pendant la saison des pluies. Il est
résistant à la sécheresse
car ses racines sont profondes. Le melon
d'eau fait partie intégrante de la
culture. Par exemple, les gens ne voyagent
pas avec des gourdes car ils savent que
sur la route ils trouveront des petites
échoppes vendant des melons d'eau
Merci à Ahmed Abbo
de nous avoir reçu pendant une nuit
dans leur Guest-House
et de nous avoir fait visiter les haffirs.
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