Teuf ! Teuf ! Teuf ! Pouet ! Pouet !Geoffroy
se fait dépasser par une grosse Enfield
(moto indienne) sans âge, chevauchée
par un blanc. Nous sommes à moto
dans la ville de Pondichéry, en partance
pour Auroville où nous espérons
rencontrer WaterTom le fondateur de l'ONG
Harvest.
"Vous êtes français ?"
lui demande-t-il ?
"Euh ! Oui, on fait un tour du monde
sur le thème de l'eau".
"Ah ! Et vous aller voir Water Tom
?"
Mais il est devin ce mec !!
"Oui mais on ne sait pas trop où
c'est."
En deux minutes il nous explique le chemin
et nous propose de dîner ensemble
le soir même, nous acceptons avec
joie.
Lors du repas, nous expliquons exactement
ce que nous faisons, les enfants, les 14
mois de voyages... Après, il nous
raconte son histoire, il est pilote d'avion
et est un enfant d'Auroville, la fameuse
ville crée par "Mère"
qui partagea la vie d'Aurobindo. C'est pour
cela qu'il s'appelle FiliAuro. Il nous apprend
aussi que l'année dernière,
il a travaillé pour l'état
du Karnataka, où il était
co-pilote dans pour une société
américaine qui faisait du Cloud Seeding.
Du quoi ? Et nous sortons nos calepins et
commençons une interview. C'est ça
la chance des Hydrotrotters. Et c'est toujours
comme ça !
Hydrotour : Alors ça
veut dire quoi Cloud Seeding ?
Filiauro Lemaire : Littéralement
c'est le semis des nuages. Dans les faits
il s'agit de traiter les nuages de manières
individuelles pour leur produire certains
effets désirés à un
endroit donné. Cela peut être
de déclencher la grêle imminente
avant un champs sensible (vigne ou autre
culture), la production de neige pour une
station de sport d'hiver, ou l'augmentation
des précipitations. Je ne vous parlerai
que de ce dernier cas, car c'est ce que
nous faisions dans le Karnataka.
L'atmosphère terrestre contient de
l'azote, de l'oxygène, des traces
de certains gaz (CO2 par exemple) et de
l'eau sous forme de vapeur. La quantité
de vapeur que peut contenir l'air augmente
avec la température.
H : Que se passe-t-il lorsque
de l'air chaud, qui contient de la vapeur
d'eau, monte dans l'atmosphère ?
FL : A une température donnée
l'air peut contenir une quantité
de vapeur d'eau maximum. Si la température
d'un volume d'air diminue, la quantité
de vapeur que ce volume d'air peut contenir
va diminuer et la vapeur en excès
doit se transformer en eau. Donc l'air chaud
et humide qui monte refroidit et doit se
débarrasser de la vapeur d'eau qu'il
a en excès. La transformation en
eau se fait autour d'un nucléus qui
est une micro-particule aérosol (=suspension
de particule solide ou liquide très
fine dans un gaz) toujours présente
dans l'atmosphère. Les particules
qui sont larges et hygroscopiques (qui absorbent
l'humidité) sont plus aptes à
former une goutte.
H : Cela veut dire que l'air
chaud et humide qui monte dans l'atmosphère
grâce à un courant ascendant
va se transformer en un nuage qui est fait
de plein de petites gouttes en suspension
dans l'air ?
FL : Oui. Et ces micro-gouttes (elles
sont si petites qu'il en faut 1 million
pour faire une goutte de pluie) vont s'agglomérer
pour former les gouttes de pluie qui arrivent
sur le sol. Mais, il peut aussi se former
une micro-particule de glace qui s'agglomère
de la même manière. Lors de
leur descente dans une atmosphère
plus chaude la glace fond et se transforme
en goutte d'eau. Si l'atmosphère
est froide elle tombe sous forme de neige
ou de grêlon. Mais un nuage qui va
pleuvoir ne libère pas toujours son
eau car il n'a pas assez de nucléus.
H : Bon d'accord mais
où intervient ton avion dans tout
ça ?
FL : En restant simple, il y a trois
méthodes :
- Le chlorure de sodium que l'ont brûle
sous un nuage chaud (>0°C), c'est
le courant ascendant sous le nuage emportant
les nucleus de chlorure de sodium contenu
dans la fumée. Ceci peut-être
fait depuis le sol.
- Les cristaux d'iode d'argent, c'est un
sel qui a la forme d'un flocon de neige.
Ils sont mis au-dessus ou dans le nuage
(froid <0°C) par l'avion et créent
des flocons de neiges ou de la glace qui
fond en tombant et donne des gouttes d'eau.
- L'iode d'argent, que l'on balance au-dessus
du nuage. Ce sont de petits baton de 5g
(on en met jusqu'à 300 dans des soutes
spéciales en dessous de l'avion).
Allumées au moment du lâché,
elles se consument en tombant et libèrent
cinq millions de milliards (5.1015) de particules
!
Toutes ces méthodes permettent d'aider
le nuage et l'orage à se créer
mais cela ne va pas transformer un petit
nuage non pluvieux en un gros nuage d'orage.
H : qu'est ce que ca veut
dire pour un pilote comme toi ?
FL : C'est un travail qui m'a beaucoup
plu
. (rire). C'était d'abord
une bonne expérience technique puisqu'il
faut une réelle expertise météorologique
pour semer des nuages. Mais il faut aussi
de très grandes qualités de
pilote, car voler dans un nuage réserve
plein de surprises. Généralement
ce sont les vieux de la vieille qui sont
aux commandes et les jeunes comme moi qui
co-pilote. Le spectacle est aussi impressionnant,
quelques minutes après le semis du
nuage on voit une énorme flaque d'eau
au-dessous.
Sur le plan personnel j'ai eu l'impression
de faire plus que mon métier de pilote.
Cette technologie est dite non polluante
et ne retire normalement l'eau à
personne. Je participais donc à l'avancement
du problème de l'eau dans cet Etat
du Karnataka. Il est juste regrettable qu'on
nous envoie de temps en temps pour tourner
au-dessus d'un village où il n'y
a pas de nuage, afin de permettre à
un homme politique de montrer à son
électorat ce qu'il faisait pour eux
!!!
H : Et au niveau coût
?
FL : C'est très cher, l'année
dernière le contrat était
de un million de dollars pour trois mois.
Il faut compter 1500$ par heure de vol.
H : Quelque chose à
ajouter ?
FL : Un autre jeu de mot
.On
vous l'a peut être déjà
dit, mais je trouve que vous vous ressemblez
comme deux gouttes d'eau...
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