Ville en
Transition (VeT) est une ONG lyonnaise dont
le but est d'améliorer les conditions
de vie en milieu urbain des classes les
plus pauvres.
Entretien avec Charles
Gallavardin responsable de projet. A Hô
chi minh ville notre mission est d'organiser
des plus pauvres en communauté d'action,
afin de leur donner un accès au crédit
mais aussi un accès au logement.
"Au Vietnam
75% de la population vit à la campagne"
Hydrotour :
Qu'est ce que vous entendez par
les classes les plus pauvres ?
Charles Gallavardin : C'est
la frange croissante de la population des
villes (l'exode n'étant qu'a ses
débuts) qui se voit exclu de tout
programme d'aide. Je m'explique quand on
parle du Vietnam, il faut penser un pays
où 75% de la population vit à
la campagne. On assiste depuis quelques
années, à savoir 1986 date
de l'ouverture du pays à l'économie
de marché, à un exode rural
en masse. Il y a actuellement plus de 2
millions de migrants à Saigon Tous
ces gens cherchent à prendre part
d'une manière ou d'une autre à
la croissance, rêvent à des
conditions de vie meilleures offertes par
la société de consommation…
Hydrotour :
pourquoi sont-ils en situation irrégulière
?
Charles Gallavardin : Pour
la bonne et simple raison que le Vietnam
n'est pas la France, ici vous n'avez pas
le droit de déménager sans
autorisation délivrée par
le comité populaire. Il faut avoir
une raison officielle pour venir en ville.
Tous ces gens arrivent par conséquent
en ville de manière illégale
et n'ont aucun droit, car ils ne sont pas
déclarés. C'est eux que nous
appelons les classes les plus pauvres.
Les programmes gouvernementaux touchent
les pauvres, il est vrai, mais légaux,
idem pour les programmes de la Branque mondiale,
qui travail toujours en cheville avec les
autorités du pays.
Hydrotour :
S'il n'ont pas de statut qu'elles sont leur
droits ?
Charles Gallavardin : Aucun
droit si ce n'est de vivre dans la clandestinité
et d'être le jeu des plus riches ?
En effet, de ce niveau de résidence
(délivré par les autorités)
dépend l'accès au service
urbain officiel. Si vous êtes un illégal
vous n'avez bien entendu pas d'accès
à l'eau ni à l'électricité.
Hydrotour :
Mais où s'approvisionnent-ils alors
en eau ?
Charles Gallavardin : Ils
la trouvent auprès de riches propriétaires
à qui ils sous louent leur logis.
Ces derniers refacturent l'eau illégalement
plus cher. Le m³ officiel à
Saigon est de 4000 dongs, le non officiel
varie autour de 50 000 dongs. 1 euro ~ 19
000 dongs
Hydrotour :
Cette eau, elle-même, provient d'où
?
Charles Gallavardin : Elle provient du réseau
officiel, quand il y en a un, mais la plupart
du temps ce sont des forages dans la nappe,
qui peuvent aller jusqu'à 250m de
profondeurs, au delà, c'est la roche
mère... A Saigon, les forages sont
généralement profonds de 40
mètres, mais la nappe est durablement
polluée par du nitrate et des métaux
lourds.
"Ils ne font
pas de contrôle par peur de trouver
quelque chose…"
Hydrotour :
Les points de captage d'eau ne sont absolument
pas contrôlés ? !
Charles Gallavardin :
Non, aucun contrôle de fait ni par
la population ni par les autorités
locales, ce problème ne touche pas
que les pauvres. Ce qui compte avant tout
au Vietnam, c'est que l'eau n'est pas d'odeur,
et ne soit pas trouble, alors ils sont satisfaits.
Dans tous les cas l'eau est bouillie mais
ça ne suffit pas pour éliminer
les nitrates ni les métaux lourd.
Ils ne font pas de contrôle car ils
ont peur de trouver quelque chose et de
ne pas avoir de solution de rechange. C'est
aussi simple que ça.
"Tout ce qui
est gagné dans la journée
est dépensé le jour même"
Hydrotour :
Quels sont les sources de revenu de tous
ces gens qui viennent chercher fortune en
ville ? Quel type de travail effectuent-ils
?
Charles Gallavardin : Ils
proviennent soit de la vente (riz, bombons,
peau de porc, encens) soit de travaux sans
grandes qualifications qui vont de l'égousseur
d'ail en passant par le masseur pour finir
au porteur d'eau. Tout ce qui est gagné
dans la journée est dépensé
le jour même pour subvenir au besoin
vital de la famille. Ils n'ont pas la possibilité
d'amasser un petit pécule et donc
d'envisager des projets même à
court terme. Leur quotidien se résume
à travailler pour survivre au jour
le jour.
Hydrotour :
Quel avenir pour eux ? Leur situation peut-elle
s'améliorer ?
Charles Gallavardin : Oui
elle peut s'améliorer mais les autorités
ne les aide pas dans ce sens puisque leur
but est comme nous l'avons dit tout à
l'heure de freiner, voire d'empêcher
cette migration. Certains s'en sorte en
faisant des emprunts mais pour la majorité
c'est l'échec car les taux d'usure
sont prohibitifs. C'est pour cela que nous
mettons en place des structures de micro-crédit
afin de leur offrir la possibilité
de monter un projet. Le but étant
de leur permettre d'épargner et de
monter par la suite leur business.
Notre programme les organise en communauté
afin que naisse entre eux une entre-aide,
une solidarité. Nous travaillons
à améliorer leur condition
de vie sur des projets à échéance
5 ans. De la sorte, nous leur fournissons
avec leur participation une infrastructure
pour l'adduction d'eau, l'électricité,
la cimentation des ruelles et la construction
d'égout. Ici et comme dans beaucoup
de ville du Vietnam le réseau d'égout
date des français…
Hydrotour :
Tu nous as parlé en début
d'entretien d'un accès au logement,
en quoi sa consiste exactement ?
Charles Gallavardin : Saigon
est une ville très attractive 15%
de croissance par an, les nouveaux migrants
ne manquent donc pas. Ils s'installent bien
souvent là où ils le peuvent
à savoir dans des zones de résidence
précaire tels que les vieux cimetières
ou sur les abords des canaux d'évacuation
des eaux usées…L'idée
que nous développons en collaboration
avec d'autres ONG et le gouvernement vietnamien
est de les aider à se reloger dans
des logements plus décents mais adéquats
à leur niveau de revenu.
Hydrotour :
Il n'y a jamais eu d'initiative du genre
par le passé ?
Charles Gallavardin : Si
bien sur, et nous n'inventons rien. Nous
essayons juste dans notre démarche
de tirer des leçons des erreurs qui
ont pu être commises dans les années
90 par les autorités de la ville.
Par exemple, nous nous sommes rendu compte
qu'il était vain de vouloir reloger
les gens dans des habitations loin de leur
lieu de travail ou trop cher à entretenir
pour eux, encore moins ne répondant
pas à leurs besoins premiers. Aussi
beaucoup des relogés quittaient rapidement
leur appartement pour aller vivre à
nouveau dans des zones insalubres à
la périphérie du centre ville.
Le succès d'une opération
de relogement repose sur la prise en compte
d'une multitude de paramètres autres
que la seule nécessité d'avoir
un toit.
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