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Journal de bord

Trois semaines avec mes deux Hydrotrotters de fils (1)

De Paris à La Paz

C'est décidé, le billet d'avion est pris, je pars ce 23 janvier pour La Paz en Bolivie. j'y rejoins mes deux Hydrotrotters de fils. Ils m'avaient proposé de les accompagner pendant une partie de leur périple autour du monde. Aujourd'hui je suis dans l'avion qui vient de quitter Paris. Une grève intempestive du personnel de piste a retardé le départ mais qu'importe, l'escale de Miami sera plus courte. C'est la première fois que je traverse l'océan, pour me rendre " aux Amériques " comme cela se disait autrefois. Le survol de la banquise en cette période hivernale est fabuleux. Je suis émerveillé par toute cette immensité immaculée. Quelle réserve d'eau potable quasi inépuisable, et dire qu'il y a tant d'endroits désertiques dans le monde où des hommes en auraient besoin. La problématique de l'eau douce trouvera-t-elle un jour une solution, grâce aux réserves de la calotte glacière des deux pôles ?
Nous passons à présent près des côtes du Canada. J'aperçois très bien l'embouchure béante du Saint-Laurent, un peu plus tard nous survolons New York sous la neige. L'activité maritime y est intense malgré la dérive des glaces qui flottent à la surface des eaux. Il faudra presque attendre d'arriver à Miami pour ne plus en apercevoir. Nous atterrissons alors que le soleil se couche, ce qui donne au paysage des reflets roses orangés de toute beauté. Le temps de passer la douane et il fait nuit. C'est fou ce que la nuit tombe vite sous cette latitude. Depuis les incidents du 11 septembre, les formalités douanières sont longues, les contrôles sévères, donc pas le temps de visiter la ville. La nuit passée dans l'avion sera d'autant plus longue que je dors mal. Le jour se lève enfin, il fait nuageux. L'arrivée sur La Paz est majestueuse, le spectacle est grandiose. Les Andes enneigées toutes proches sont presque à bout d'ailes. Il a beaucoup plu et neigé, le sol au-dessous de nous est détrempé. Il y a des inondations, des routes sont coupées. Des immenses étendues d'eau donnent à la terre des reflets métalliques. Une fois la porte de l'avion ouverte, je ressens immédiatement le manque d'oxygène, mon cœur s'emballe, ma respiration s'accélère, je ne suis pas le seul passager à ressentir ce dérangement. La douane passée et en possession de mes bagages, j'aperçois Geoffroy. Il tient en main un grand verre de coca, qu'il me présente en me disant : " Tiens, c'est bon pour toi ", avant même de me dire bonjour. Je bois de façon maladroite, j'en renverse un peu à côté. C'est vrai ça me fait du bien, je me sens mieux. Pendant notre séjour en altitude, j'en ferai une grande consommation, ce qui est inhabituel pour moi. Loïc, lui, nous attend près de la voiture qu'il gardait. Nous nous embrassons, nous sommes contents de nous retrouver tous les trois.
L'aéroport se trouve sur un plateau à 4000 m d'altitude. Depuis plusieurs années, aux alentours, se développe El Alto, une banlieue misérable habitée par toute une population de plus de 800000 personnes venues des campagnes. La Paz se trouve au-dessous, vers 3800m d'altitude, et les quartiers aisés, eux, sont à 3300m. A cette heure matinale le quartier de l'aéroport est bondé de monde, la circulation y est aussi intense qu'à Paris aux heures de pointe. Nous croisons des centaines de minibus, de marques japonaises ou coréennes, dans lesquels s'entassent jusqu'à quinze personnes. Dans ces transports en commun, il y a un chauffeur et son aide qui par la fenêtre crie la destination, à qui veut l'entendre. La police omniprésente est débordée. Nous nous faufilons à grands coups de klaxon dans tout ce fatras, pour prendre le bout d'autoroute payante qui descend vers notre hôtel. Tout le monde klaxonne, heureusement car piétons et chiens grouillent dans tous les sens sans se soucier le moins du monde du flot ininterrompu des cars, camions et voitures. La différence d'altitude me permet enfin de mieux respirer.
Des 7h du matin, les marchandes s'installent sur les trottoirs pour vendre leur production de vêtements en laine de lamas, d'alpacas ou laine polaire. La qualité est moyenne, mais tout est bon marché. La vie en Bolivie est une des moins chères d'Amérique du Sud. D'autres s'installent carrément sur la rue, pour vendre de la nourriture, gâteaux, boissons, soupes. Les chalands sont attroupés autour d'elles et mangent à toute heure du jour, assis sur le trottoir. Comme nous sommes en saison des pluies, leurs charrettes sont munies d'un auvent en plastique bleu le plus souvent, vendu au mètre par un gamin qui passe d'une échoppe à l'autre. La plupart des femmes sont habillées avec leurs costumes traditionnels, elles ont de beaux cheveux noirs, tout lisses avec de longues nattes qui leurs descendent au milieu du dos, rassemblées par un ruban noir. Elles portent un chapeau rond, de type chapeau melon de couleurs diverses, un chemisier, un chandail. Leurs jupes sont à larges volants successifs, toutes conçues sur le même modèle. L'ensemble paraît très bouffant, elles doivent sans doute porter de nombreux jupons, à moins qu'il n'y ait un truc, mais je ne suis pas allé voir... Ces robes sont d'une grande variété de couleurs et descendent jusqu'au-dessous du genou. Les jambes sont gainées de bas ou de jambières en laine telles qu'en portent les danseuses à l'entraînement en hiver chez nous. Elles ont des souliers plats en mauvais état, ce qui prouve que leur principal moyen de locomotion reste la marche à pieds et que les chemins empruntés ne sont pas toujours des meilleurs. Le traditionnel poncho des peuples andins aux couleurs vives et variées de leurs villages est noué sur leurs épaules. Ces ponchos les aident aussi à porter toutes sortes de choses y compris leurs enfants en bas âge.
Nous rencontrons beaucoup de porte-faix, parfois des hommes âgés, courbés sous des poids bien supérieurs aux leurs. Ce travail pénible est payé moins que rien, juste de quoi assurer leurs soupes. Dans les rues de pauvres gosses (cireurs de chaussures) ont le visage recouvert d'une cagoule noire. Ils quémandent une cigarette auprès des touristes qui ne sont pas toujours très agréables avec eux.
La première matinée, je récupère un peu du voyage, l'hôtel est modeste. La chambre n'est pas chère, les douches sont communes. Il y a si peu d'eau que lorsque l'un se lave les mains l'autre sous sa douche n'a pas d'eau. L'eau chaude est produite par une résistance qui est fixée juste avant la pomme de douche. Je suis effaré par ce circuit électrique d'une sécurité incertaine. Je pense à ce pauvre Cloclo, en me disant que je ne souhaiterais pas avoir le même sort.
Pendant que je dors, Loïc et Geoffroy mettent à jour leur site Hydrotour. Avant de les voir à l'œuvre je ne m'étais pas rendu compte de l'énorme travail que cela leur demandait. Ils passent énormément de temps à écrire, mettre en page, choisir les meilleures photos, les commenter, pour que les élèves des écoles et les lecteurs qui suivent leur projet soient intéressés et contents.
Notre, enfin, mon premier déjeuner en Bolivie sera frugal, une soupe clairette pour ne pas être malade (toujours l'altitude), me disent les Hydrotrotters. A la table d'à coté, un groupe de personnes veut absolument nous offrir une bouteille de bière. Les gens boivent beaucoup, hommes et femmes, jusqu'à en vomir partout, c'est dégoûtant.
Aujourd'hui samedi il y a marché. Les rues sont coupées dans notre quartier. Chez un marchand de souvenirs mon regard est attiré par de petits lamas séchés. Ce sont en fait des lamas avortés que les Boliviens achètent pour les enterrer sous les fondations de toutes leurs constructions, pour conjurer le mauvais sort. Le samedi c'est aussi le jour des mariages tout comme le dimanche. Nous en verrons plusieurs car notre hôtel est en face d'une église. Les mariées sont en robe blanche, les mariés sont en costume noir. Quand ils sortent de l'église, leurs amis leur jettent des kilos de confettis qu'ils doivent garder sur la tête le plus longtemps possible; c'est un signe de longévité du bonheur. Pour l'un d'eux, il y eut même un orchestre andin. Les musiciens, habillés en costume local noir bordé de fils d'argent avaient des couvre-chefs d'un mètre de diamètre, pas très commodes à porter quand il y a tant de monde, l'ensemble avait belle allure.
Le dimanche nous sommes allés à la messe. Il y en a à toutes les heures le matin. La notre était accompagnée d'une chorale, je me suis laissé aller à chanter. A la fin de la cérémonie, bénédiction individuelle, tout le monde passe devant le prêtre qui vous asperge généreusement d'eau bénite. L'après-midi nous avons fait une promenade dans la Paz, histoire de la connaître un peu avant de continuer notre route vers le Pérou. La ville est située dans une immense cuvette aux bords abrupts. Nous montons sur le coté Est de la ville. Nous empruntons un des milliers d'escaliers de cette ville immense, où vivent 1 300 000 personnes environ. Soit dit en passant la capital de la Bolivie n'est pas La Paz, mais Sucre. Les habitations sont construites sans ensemble architectural cohérent. Les structures des maisons sont en béton armé et briques rouges. Les toits en tôles ondulées sont chapeautés d'un réservoir d'eau. Peu d'entre elles sont achevées. Elles sont accrochées sur des pentes pouvant atteindre 45%. La ville de loin paraît toute rouge. L'ensemble est insolite, hallucinant. On aperçoit quelques beaux monuments. Ce sont pour la plupart des églises ou autres édifices de style espagnol. La ville est dominée par des pics enneigés de plus de 5000 m dont la montagne Illimani qui culmine à 6480 m. C'est une des plus haute d'Amérique latine, après l'Aconcagua 6959 m située en Argentine à la frontière avec le Chili.
Nous partons lundi après- midi en direction de l'ouest. La route pour Tiwanaku notre prochaine étape passe par El Alto. Une route fréquentée par de nombreux camions et cars (peu de voitures) roulent à tombeaux ouverts de jour comme de nuit. Je ne compte plus le nombre de chiens écrasés tant il y en a. Cet ami de l'homme paie un lourd tribut à la circulation routière. Les hommes ne sont pas épargnés non plus. Le long de la route se trouvent d'innombrables petits sanctuaires avec des croix et des fleurs. Il y en a autant que de morts. Ici une chapelle là trois parfois quarante, c'est un car qui est tombé dans le ravin avec tous ses passagers. C'est impressionnant !
Nous essuyons sur la route un véritable déluge, elle est inondée, les voitures hésitent à passer tellement le courant est fort. Nous nous risquons, ouf, nous sommes passés. Nous en profitons pour faire quelques clichés (dont un tourbillon de plus de 1 mètre de diamètre). Dans l'hémisphère sud les tourbillons tournent à l'inverse de chez nous. Arrivés à Tiwanaku 3900m (Tiahuanaco) le site de la fameuse porte du soleil (qui a inspiré Hergé dans Tintin et le temple du soleil). En cette période de l'année Il y a peu de touristes. Nous trouvons une auberge ou nous dînons et couchons, nous sommes les seuls. Dans la chambre occupée par les Hydrotrotters il n'y a pas d'interrupteur. Pour allumer il faut mettre en contact les deux bouts de fils électriques qui sont à nus. Dans le même genre, à la Paz un agent de circulation n'ayant pas de bouton pour changer les feux de croisement mettait en contact le fil rouge avec le fils bleu ou le fil rouge avec le fil noir suivant le sens du trafic voulu. Le lendemain nous visitons le fameux temple du soleil qui s'étale sur plusieurs hectares. La région est marécageuse, cette cité précolombienne était alimentée en eau par une source se trouvant sur les montagnes avoisinantes à une dizaine de kilomètres. Le site a non seulement été bouleversé par de nombreux tremblements de terre qui secouent régulièrement la région mais aussi par l'occupation des conquistadors espagnols. On a peine, à imaginer aujourd'hui que plus de 60 000 personnes vivaient dans ce lieu. Les peuples précolombiens ne connaissaient pas le théodolite, ce qui ne les empêchaient pas d'avoir des connaissances poussées en astronomie, mathématiques, ingénierie hydraulique, architecture et traitement des métaux. Au solstice d'été à midi, plusieurs éléments architecturaux sont alignés sur le rayon du soleil. On retrouve ce phénomène à Gisors près de Paris. Nous découvrons aussi, une pierre percée faisant office de haut-parleur. Plus loin, le soubassement d'un temple est composé d'une pierre de plus de 120 tonnes. L'origine et le mode de transport de cette pierre restent encore inconnus. Dans un des enclos du temple, un lama blanc, fétiche des indiens, broute tranquillement. Dans le musée que nous visitons aussi, nous replongeons dans la lecture de Tintin en voyant la statue monolithe de 30 tonnes qui inspira L'Oreille Cassée. Dans d'autres salles nous découvrons des sculptures, des poteries, des céramiques, des outils, des instruments de musique, des squelettes et des crânes dont certains sont en forme de cigare. Cette forme était obtenue en mettant autour de la tête des bébés, un cercle en argent qui leur déformait la boite crânienne. Que de souffrances, pour avoir la Connaissance !
L'après- midi, nous prenons la route du Pérou en passant sur les bords du lac Titicaca.

Le Pérou

A Désaguadero ville frontière, notre voiture sera désinfectée par un enfant à grands coups de pulvérisateur, contre quoi ? Mystère. On rencontre beaucoup de tricycles (moyen de transport courant). Ils encombrent la chaussée ce qui rend la circulation difficile. Nous longerons encore le lac Titicaca qui est bordée de nombreuses fermes en torchis avec des toits de tôles ondulées ou recouvertes de tuiles rondes. Le lac est de toute beauté ainsi que le ciel. Les couleurs sont magnifiques, nous nous arrêtons pour prendre des photos. L'arrivée à Puno sera tardive, la route est longue fatigante et dangereuse à cause des nombreux cars roulant plein phare, un vrai cauchemar. Le port de Puno (3800m d'altitude) domine le lac Titicaca (8340 km2 et une profondeur maximale de plus de 467 m). Ce lac est aussi grand que le tiers de la Belgique. C'est le plus haut lac navigable du monde, une véritable mer intérieure sillonnée par de gros bateaux, avec de nombreuses îles flottantes où jusqu'au milieu du XXème siècle se sont réfugiés les indiens Urus. Pas de promenade sur le lac par manque de temps, par contre nous montons sur un promontoire dominant la ville et le lac, d'où nous avons un très beau point de vue. La ville est coincée entre lac et montagne avec à nouveau beaucoup d'escaliers. Il est dit que le peuple andin est le peuple des nuages, on pourrait aussi dire que c'est le peuple des escaliers. Maintenant direction Cuzco. Nous rencontrons de nombreux troupeaux de lamas, de cochons, d'ânes, de vaches gardées par des enfants et leur maman. Les bords de la route sont répugnants, tout le monde jette, bouteilles et sacs plastiques, qui volent à tout vent. Au sortir d'un virage nous avons à nouveau une vue du lac Titicaca bordé par une voie ferrée que l'on croirait posée sur les eaux, tant il y a d'inondations. Plus tard dans l'après-midi nous traversons des plaines plus riches en herbes où pâturent des milliers de vaches et de lamas. Il y a même des exploitations agricoles de plusieurs milliers d'hectares bordées au loin de montagnes enneigées. A Sicuani, nous nous arrêtons pour téléphoner et donner des nouvelles à notre famille restée en France. Nous traversons un col situé à plus de 4500 m. Nous rencontrons alors, un impressionnant troupeau de lamas blancs de toute beauté. En descendant le col sur le flanc de la montagne un immense géoglyphe moderne (Réseau de lignes tracées avec des pierres sur le sol), nous informe qu'il y à des sources thermales. Un peu plus loin nous apercevons des piscines fumantes. Nous nous baignons, quasiment seuls, avec quelques séminaristes venus du village voisin, pendant une bonne heure. L'eau étant à plus de cinquante degrés au sortir de la terre, plusieurs canaux d'une centaine de mètres sont nécessaires, avant de la faire arriver dans la piscine, à bonne température. La température extérieure est voisine de zéro degré, nous sommes à près de 4300 d'altitude. Nous arrivons tard dans la nuit à Cuzco. L'auberge Campécina où nous logeons est agréable propre et bien tenue, nous y resterons cinq nuits. En sortant un soir alors que nous allons dîner, le responsable de l'auberge nous entendant parler français, nous aborde. C'est un dominicain natif de la région de Lille. Il est ici depuis plusieurs années consacrant sa vie aux plus démunis. L'auberge a été financée grâce aux dons du CCFD. L'ensemble est composé de trois patios autour desquels s'articulent, chambres, bâtiments administratifs et centre social. Des cours y sont dispensés (entre autre cours de langue quechua). Des bâtiments destinés à la vente de produits régionaux pour les touristes sont en construction. En plus de ce centre, ce prêtre s'occupe de jeunes délinquants emprisonnés. Nous le reverrons tous les soirs pour parler avec lui de divers sujets : Problème de la grande pauvreté en Amérique latine, théologie de la libération, apparitions récentes des sectes, la renaissance du sentier lumineux, omniprésence des églises baptistes américaines, méfait de l'alcool et de la drogue sur les populations andines, régulation des naissances, (500 000 femmes ont été stérilisées à leur insu sous la précédente présidence).
La ville de Cuzco (270 000 hab.), est perchée à 3400 m d'altitude, après La Paz cela nous semble bien bas, je respire mieux. La ville inca a été rasée par les espagnols, il ne reste que quelques soubassements de maisons en pierres de grosses tailles (dont une à treize cotés) ajustées sans ciment. En 1951 la ville fut entièrement détruite par un tremblement de terre et reconstruite à l'identique par ses habitants avec l'aide d'ingénieurs et de prêts espagnols. Elle s'étend sur un site magnifique jugé comme étant l'un des plus beaux d'Amérique du Sud. La place d'Armes est harmonieusement construite avec sa cathédrale, l'église de la compagnie de Jésus et ses galeries marchandes à colonnades lui donnant l'aspect d'un cloître. De nombreuses rues dans la vieille ville sont encore pavées avec des pierres rondes. Un soir nous goûtons la cuisine locale, pour Loïc c'est une dure expérience car son cochon d'inde n'a pas été vidé (Pour lui donner plus de goût paraît-il)…, avec Geoffroy, prudents nous mangeons du lama. Le dernier après-midi à Cuzco nous faisons des emplettes, chapeau en cuir pour Geoffroy, veste taillée dans un ancien poncho pour Loïc. Pour moi, bijoux trouvés chez un artiste travaillant avec beaucoup de talent, l'or et l'argent. Le dernier matin, après un pantagruélique petit-déjeuner pris dans un ancien couvent transformé en hôtel (Monestario), nous prenons la route pour Arequipa.
Une fois arrivés, nous trouvons une auberge sympathique et pas chère mais sans parking. Aïe, la fourrière péruvienne nous coûtera 40 dollars. La ville (620 000 h) construite en pierres de lave blanche crée par Pizarro en 1540 est située à 2300 m d'altitude, elle est belle propre et très touristique. Le climat y est particulièrement clément 300 jours de soleil par année.


L'ascension du Volcan Misti Altitude 5842 M

Comme nous n'étions pas allés au Machu Picchu prés de Cuzco, nous décidons d'escalader le volcan Misti. Rendez-vous est donc pris avec un guide pour le lendemain à 8 h à notre hôtel.
En montant vers le point de départ nous passons dans les faubourgs d'Arequipa qui, en 2001, ont été en partie dévastés par un tremblement de terre. Depuis cette date le Misti que nous allons escalader n'a plus sa calotte de neige, le volcan s'est remis en activité. A 3300 m le chauffeur du taxi 4x4 nous dépose. Pendant les trois premières heures de montée tout va bien. Arrêt toutes les demi-heures, pour boire de l'eau, croquer un bonbon. A midi arrêt pour le casse-croûte, le guide n'en revient pas, ses clients d'habitude ne mangent pas, nous dévorons les sandwichs que nous avions emporté. Je suis très fatigué, j'ai les jambes en compote. Geoffroy prend mon sac car je marche comme un zombi tout en mâchant mes feuilles de coca. Le guide ouvre la marche il fait de très petites enjambées en traînant les pieds quasiment. Je le suis, Geoffroy est derrière moi. Plusieurs fois il me retiendra pour ne pas tomber dans le vide. Loïc ferme la marche, je l'entends qui respire comme une locomotive, "Respires bien papa me dit-il sinon tu vas t'asphyxier". Je dois maintenant m'arrêter plus souvent car je suis exténué. Lors d'un arrêt, le guide me dit être monté avec un homme de 80 ans, cela me donne du courage. Vers 15h30 nous arrivons dans le nuage au camp de base à 4800m. Deux canadiens ont déjà installé leur tente et se reposent. Loïc et Geoffroy montent la tente où je dormirai avec Loïc, je suis tellement fatigué qu'il m'est impossible de les aider. Une fois la tente montée je déroule matelas et sac de couchage et m'allonge pour me reposer. A côté le guide et Geoffroy montent la leur. Il commence à pleuvoir, notre tente prend l'eau, nos duvets sont mouillés. Nous nous endormons quelques temps. Vers 16h le guide nous apporte une soupe chaude de pâtes chinoises. Comme il pleut toujours, Loïc sort de la tente pour mieux la disposer et pour ne plus être trempés. Nous échangeons peu de mots tant je suis fatigué. A coté nous entendons le guide et Geoffroy palabrer comme si de rien n'était. Vers 18h après le dîner de spaghettis, le silence se fait, aucun bruit si ce n'est la pluie et le souffle du vent. Je me glisse tout habillé dans mon duvet, en ayant tout de même pris soin d'ôter mes chaussures. Loïc lui se change pour la nuit. Nous essayons de dormir, ce n'est pas facile à cette altitude. Vers 22h la pluie cesse, le vent vient de changer de sens. Il fait plus froid. Vers 1 heure du matin, les Canadiens commencent à se mettre en branle, notre guide lui se lève et prépare le maté de coca et les sandwiches, pour le petit déjeuner. A 2h les canadiens sont partis, nous les suivrons de peu en laissant au camp de base, tentes et matériel inutiles. Loïc et Geoffroy prennent chacun un sac, avec boissons, aliments sucrés, appareils de photos et caméra. Je ne porte rien. Il fait beau, nous apercevons au loin Arequipa toute illuminée dans le fond de la vallée. La pleine lune donne une lueur suffisante pour avancer, mais le guide me conseille de prendre la lampe frontale. "Ce sera plus commode pour vous me dit-il". Nous voilà partis, nos muscles, bien que pas tout à fait refroidis, sont malgré tout un peu durs. J'avance péniblement. Derrière moi Geoffroy s'est mis à compter "une deux, une deux ….." pour m'aider, J'avance comme un automate. Loïc m'incite à respirer comme une locomotive, la pente devient plus escarpée. A plusieurs reprises mes jambes se dérobent, Geoffroy me retient. Nous montons à présent dans le brouillard, xième arrêt. J'ai l'impression de reculer au lieu d'avancer. "Un deux, un deux… allez papa nous sommes à 5200 m encore deux tours Eiffel à monter et nous y sommes". Je reprends courage, le jour se lève le plafond de nuages est plus haut, la vue est splendide. Au loin nous voyons la montagne Picchu Picchu drapée dans son manteau blanc de neige. Au moment du lever du soleil il fait plus froid, Loïc est congelé, je lui donne le chandail que j'ai retiré tant j'avais chaud. Loïc et Geoffroy ont les mains gelées. Les gants prêtés par le guide ne sont pas de bonne qualité. Nous montons toujours, encore une tour Eiffel, nous avançons lentement. Pour m'encourager Geoffroy me dit apercevoir la Croix qui est au sommet, mais elle me paraît encore loin. Nous voilà bientôt sur le bord le plus bas du volcan, les Canadiens reviennent déjà du sommet. Ils nous souhaitent bon courage, le guide leurs indique le chemin du retour le plus rapide. Nous voyons à présent le fond du cratère, des fumeroles sulfureuses s'en échappent. Notre respiration n'en devient que plus difficile. Malgré l'altitude il y a peu de neige. La pente est abrupte 70 à 80 %. Mes pas mal assurés provoquent des chutes de pierres, elles dévalent à grande allure et nous ne les voyons pas s'arrêter. Pourvu qu'il n'y ait personne au-dessous. Le guide et Loic sont déjà au sommet. Le volcan est de toute beauté bien que dans les nuages, les pierres sont de différentes couleurs. Encore quelques pas et nous sommes en haut. Le sommet du volcan est très découpé, il y a des fenêtres de rochers de plusieurs mètres, on dirait de la dentelle tant il y en a. Le vent pousse les nuages au travers de ces trous béants, de temps à autre un rayon de soleil apparaît. La fantasmagorie des couleurs est telle que l'on se croirait dans un rêve. Nous y sommes enfin, le guide nous sert la main en nous félicitant. Avec Loïc et Geoffroy nous nous embrassons tout les trois longuement tant nous sommes émus et contents. Que d'efforts, mais quelle récompense après 2542m de dénivelé. Nous nous affalons sur le sol pour nous reposer un peu. La croix est faite en rails de chemins de fer. A ses pieds se trouve une vierge à l'enfant en habits d'apparats enchâssée dans son écrin de verre devant lequel se trouve une chaise d'enfant. Des tags sur les pierres alentours et des détritus gâchent cet endroit magnifique. A 5842 m nous nous attendions à mieux. Quand comprendrons-nous que la planète terre n'est pas une poubelle ?
Nous ne restons pas longtemps au sommet, il fait très froid. Geoffroy nous dit avoir été obligé tout à l'heure de s'uriner sur les mains tant elles étaient gelées.
Pour notre retour, nous empruntons un couloir de cendres volcaniques avec une pente de 70%. Nous courrons littéralement, Loïc, Geoffroy et le guide font des bons de cabris. Ils sont maintenant loin devant moi. C'est vrai que cette descente est amusante, mais je suis fatigué et ne peux aller à leur rythme, je m'arrête souvent. Ils auront presque terminé de plier la tente et le matériel quand j'arriverai au camp de base.
Nous avons quitté le sommet il y a 1h30. Nous repartons assez vite après avoir mangé le reste de nos provisions, il est 10h30, il fait toujours froid. En repartant je constate encore la saleté du lieu. Nous avons fait une poubelle de nos détritus, mais n'avons pu ramasser tous ceux des autres, il y en avait de trop. Dès que nous sommes partis, une souris ou un rat pointe son nez de derrière une pierre pour manger quelques reliefs de nourriture. Je me demande comment elle est arrivée si haut. C'est le seul animal que nous ayons rencontré dans toute notre ascension. Encore une 1h30 est nous retrouvons notre chauffeur. Vers la fin de notre descente notre guide nous montre les empreintes d'un animal dont il nous dit être celles d'un puma (frissons). A 12h 30 nous sommes de retour à hôtel, nous y croisons deux jeunes qui viennent de faire l'ascension du Mont Chachani (6075m), ils sont épuisés, ils n'ont pas dormi de la nuit, ils ont l'impression que leur tête va éclater tant ils ont mal. Nous sommes dans un sale état, mais sans le mal de crâne, et finalement nous sommes bien contents ne pas avoir fait celui-là. Notre aubergiste nous offre un verre de maté de coca et nous explique que les agences ne sont pas toujours très sérieuses, car pour toucher leur commissions sur les courses en montagnes elles indiquent aux clients qu'elles sont faciles. Mais en fait, bien peu de personnes vont jusqu'au bout. Quant au matériel, à les écouter, il suffit d'être en baskets et vêtements de ville. Nous avons payé pour voir comme le dit la maxime. Loïc et Geoffroy n'avaient pas de bons gants, et pas de pantalons chauds. Conclusion, en haute altitude, même en été sous les tropiques, il peut faire très froid, nous le saurons la prochaine fois. Demain nous prendrons la route du Chili. Après tant de fatigues et un bon dîner (viande d'alpaca) la nuit a été très bonne.
Nous quittons Arequipa. Lors de notre ascension j'avais vu en direction de l'Ouest, des montagnes blanches qui ne me paraissaient pas très hautes 1500 à 2000m environ, je croyais que c'était de la neige, en fait de neige c'est du sable blanc. Il fait de plus en plus chaud et le paysage devient complètement désertique. Le long de la route, il y a toujours autant de tags, de détritus de toutes sortes, de petites croix sur leur sanctuaire. Nous croisons peu de voitures et quelques gros camions sur la route. Le vent souffle soulevant le sable en tourbillons inquiétants. Depuis l'Egypte et le Chili, les Hydrotrotters n'ont pas eu un climat aussi aride et sec. Au sortir d'un village, nous voyons un énorme pénitencier appelé ici "maison de remise en condition sociale". On n'ose pas penser à la température qu'il doit faire dans les cellules car le thermomètre indique 40°. Nous ne voyons personne, sauf des gardes dans leurs miradors. Le paysage alentour est lunaire. Notre route sera longue, nous avons peu d'eau, nous aurons soif longtemps. Demain nous essayerons d'être plus prévoyants. Nous entamons une rampe de 25 kilomètre qui nous mènera sur un plateau toujours aussi désertique, nous y ferons une quarantaine de kilomètres puis descente, de 25 kilomètres pour arriver dans une vallée étroite où coule une maigre rivière. Eau égale vie. Nous trouvons un village entouré de champs verts, où paissent des animaux, on y trouve aussi des cultures de maïs, d'arbres fruitiers et de vigne. A l'entrée de certains villages des contrôles sanitaires sont effectués. "Pour préserver les cultures de la contamination d' une mouche" nous dit-on. Dans ce désert, tous les cents kilomètres environ, nous rencontrons des auberges. Pour le déjeuner, nous en profitons pour nous régaler de crevettes grillées et de calamars. Au milieu de l'après midi, nous traversons Neblina une petite ville en plein désert où se trouve une énorme caserne de blindés et de missiles. Le camp est entouré d'un haut mur avec des miradors inoccupés. A la sortie de la petite ville, d'un côté de la route le désert, de l'autre d'immenses champs verts avec une activité agricole intense, du monde dans les champs et même des tracteurs. Nous sommes dans une zone qui a été irriguée il y a une vingtaine d'années. Partout des tourniquets et des rampes d'arrosage. Le contraste entre les deux cotés de la route est saisissant. En fin d'après-midi alors que le soleil décline, nous avons la surprise de voir tomber une petite averse avec un début d'arc-en-ciel. L'événement dans cette région aride et désertique est rare. Nous traversons à nouveau des vallées vertes et habitées puis à nouveau des déserts. Nous arrivons à Tacna vers 21h, il y a encore beaucoup de monde dans les rues. Le marché est encore en activité avec de nombreux chalands. Nous arrivons enfin près de la frontière chilienne, mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Car avant de sortir du Pérou la douane péruvienne fait un contrôle anti-drogue. Nous sommes d'autant plus fouillés que nous avons voulu doubler la file de voitures qui étaient devant nous et qui attendait sagement leur tour. A ne plus faire ! En plus du contrôle un douanier nous dit que nous n'avons pas rempli les papiers ad hoc à la précédente frontière, Geoffroy et Loïc expliquent que si. Finalement il faudra attendre le retour du chef qui vient de partir dîner.


Journal du 23 janvier au 5 février 2004 écrit par Tanguy de La Tullaye

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La goutte d'or de la quinzaine

Nous la remettons à Papa à qui nous avions donné la mission de se débarasser des taxis qui nous klaxonnaient intempestivement dans la rue et ne voulaient jamais nous laisser marcher.

Avec son plus bel accent anglais il s'approchait du taxi comme pour lui commander une course et disait "Oh yes please, just a question !" et le taxi de répondre "Si mister, what can I do ?".
Papa répondait alors avec un grand sourire "What time is it ?" ou parfois il se risquait au "que hora es ?"

En général le taxi en riait plus que nous et partait dans un long monologue sur l'importance de l'humour dans la vie.....

 

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