De Paris à La
Paz
C'est décidé, le billet d'avion
est pris, je pars ce 23 janvier pour La
Paz en Bolivie. j'y rejoins mes deux Hydrotrotters
de fils. Ils m'avaient proposé de
les accompagner pendant une partie de leur
périple autour du monde. Aujourd'hui
je suis dans l'avion qui vient de quitter
Paris. Une grève intempestive du
personnel de piste a retardé le départ
mais qu'importe, l'escale de Miami sera
plus courte. C'est la première fois
que je traverse l'océan, pour me
rendre " aux Amériques "
comme cela se disait autrefois. Le survol
de la banquise en cette période hivernale
est fabuleux. Je suis émerveillé
par toute cette immensité immaculée.
Quelle réserve d'eau potable quasi
inépuisable, et dire qu'il y a tant
d'endroits désertiques dans le monde
où des hommes en auraient besoin.
La problématique de l'eau douce trouvera-t-elle
un jour une solution, grâce aux réserves
de la calotte glacière des deux pôles
?
Nous passons à présent près
des côtes du Canada. J'aperçois
très bien l'embouchure béante
du Saint-Laurent, un peu plus tard nous
survolons New York sous la neige. L'activité
maritime y est intense malgré la
dérive des glaces qui flottent à
la surface des eaux. Il faudra presque attendre
d'arriver à Miami pour ne plus en
apercevoir. Nous atterrissons alors que
le soleil se couche, ce qui donne au paysage
des reflets roses orangés de toute
beauté. Le temps de passer la douane
et il fait nuit. C'est fou ce que la nuit
tombe vite sous cette latitude. Depuis les
incidents du 11 septembre, les formalités
douanières sont longues, les contrôles
sévères, donc pas le temps
de visiter la ville. La nuit passée
dans l'avion sera d'autant plus longue que
je dors mal. Le jour se lève enfin,
il fait nuageux. L'arrivée sur La
Paz est majestueuse, le spectacle est grandiose.
Les Andes enneigées toutes proches
sont presque à bout d'ailes. Il a
beaucoup plu et neigé, le sol au-dessous
de nous est détrempé. Il y
a des inondations, des routes sont coupées.
Des immenses étendues d'eau donnent
à la terre des reflets métalliques.
Une fois la porte de l'avion ouverte, je
ressens immédiatement le manque d'oxygène,
mon cur s'emballe, ma respiration
s'accélère, je ne suis pas
le seul passager à ressentir ce dérangement.
La douane passée et en possession
de mes bagages, j'aperçois Geoffroy.
Il tient en main un grand verre de coca,
qu'il me présente en me disant :
" Tiens, c'est bon pour toi ",
avant même de me dire bonjour. Je
bois de façon maladroite, j'en renverse
un peu à côté. C'est
vrai ça me fait du bien, je me sens
mieux. Pendant notre séjour en altitude,
j'en ferai une grande consommation, ce qui
est inhabituel pour moi. Loïc, lui,
nous attend près de la voiture qu'il
gardait. Nous nous embrassons, nous sommes
contents de nous retrouver tous les trois.
L'aéroport se trouve sur un plateau
à 4000 m d'altitude. Depuis plusieurs
années, aux alentours, se développe
El Alto, une banlieue misérable habitée
par toute une population de plus de 800000
personnes venues des campagnes. La Paz se
trouve au-dessous, vers 3800m d'altitude,
et les quartiers aisés, eux, sont
à 3300m. A cette heure matinale le
quartier de l'aéroport est bondé
de monde, la circulation y est aussi intense
qu'à Paris aux heures de pointe.
Nous croisons des centaines de minibus,
de marques japonaises ou coréennes,
dans lesquels s'entassent jusqu'à
quinze personnes. Dans ces transports en
commun, il y a un chauffeur et son aide
qui par la fenêtre crie la destination,
à qui veut l'entendre. La police
omniprésente est débordée.
Nous nous faufilons à grands coups
de klaxon dans tout ce fatras, pour prendre
le bout d'autoroute payante qui descend
vers notre hôtel. Tout le monde klaxonne,
heureusement car piétons et chiens
grouillent dans tous les sens sans se soucier
le moins du monde du flot ininterrompu des
cars, camions et voitures. La différence
d'altitude me permet enfin de mieux respirer.
Des 7h du matin, les marchandes s'installent
sur les trottoirs pour vendre leur production
de vêtements en laine de lamas, d'alpacas
ou laine polaire. La qualité est
moyenne, mais tout est bon marché.
La vie en Bolivie est une des moins chères
d'Amérique du Sud. D'autres s'installent
carrément sur la rue, pour vendre
de la nourriture, gâteaux, boissons,
soupes. Les chalands sont attroupés
autour d'elles et mangent à toute
heure du jour, assis sur le trottoir. Comme
nous sommes en saison des pluies, leurs
charrettes sont munies d'un auvent en plastique
bleu le plus souvent, vendu au mètre
par un gamin qui passe d'une échoppe
à l'autre. La plupart des femmes
sont habillées avec leurs costumes
traditionnels, elles ont de beaux cheveux
noirs, tout lisses avec de longues nattes
qui leurs descendent au milieu du dos, rassemblées
par un ruban noir. Elles portent un chapeau
rond, de type chapeau melon de couleurs
diverses, un chemisier, un chandail. Leurs
jupes sont à larges volants successifs,
toutes conçues sur le même
modèle. L'ensemble paraît très
bouffant, elles doivent sans doute porter
de nombreux jupons, à moins qu'il
n'y ait un truc, mais je ne suis pas allé
voir... Ces robes sont d'une grande variété
de couleurs et descendent jusqu'au-dessous
du genou. Les jambes sont gainées
de bas ou de jambières en laine telles
qu'en portent les danseuses à l'entraînement
en hiver chez nous. Elles ont des souliers
plats en mauvais état, ce qui prouve
que leur principal moyen de locomotion reste
la marche à pieds et que les chemins
empruntés ne sont pas toujours des
meilleurs. Le traditionnel poncho des peuples
andins aux couleurs vives et variées
de leurs villages est noué sur leurs
épaules. Ces ponchos les aident aussi
à porter toutes sortes de choses
y compris leurs enfants en bas âge.
Nous rencontrons beaucoup de porte-faix,
parfois des hommes âgés, courbés
sous des poids bien supérieurs aux
leurs. Ce travail pénible est payé
moins que rien, juste de quoi assurer leurs
soupes. Dans les rues de pauvres gosses
(cireurs de chaussures) ont le visage recouvert
d'une cagoule noire. Ils quémandent
une cigarette auprès des touristes
qui ne sont pas toujours très agréables
avec eux.
La première matinée, je récupère
un peu du voyage, l'hôtel est modeste.
La chambre n'est pas chère, les douches
sont communes. Il y a si peu d'eau que lorsque
l'un se lave les mains l'autre sous sa douche
n'a pas d'eau. L'eau chaude est produite
par une résistance qui est fixée
juste avant la pomme de douche. Je suis
effaré par ce circuit électrique
d'une sécurité incertaine.
Je pense à ce pauvre Cloclo, en me
disant que je ne souhaiterais pas avoir
le même sort.
Pendant que je dors, Loïc et Geoffroy
mettent à jour leur site Hydrotour.
Avant de les voir à l'uvre
je ne m'étais pas rendu compte de
l'énorme travail que cela leur demandait.
Ils passent énormément de
temps à écrire, mettre en
page, choisir les meilleures photos, les
commenter, pour que les élèves
des écoles et les lecteurs qui suivent
leur projet soient intéressés
et contents.
Notre, enfin, mon premier déjeuner
en Bolivie sera frugal, une soupe clairette
pour ne pas être malade (toujours
l'altitude), me disent les Hydrotrotters.
A la table d'à coté, un groupe
de personnes veut absolument nous offrir
une bouteille de bière. Les gens
boivent beaucoup, hommes et femmes, jusqu'à
en vomir partout, c'est dégoûtant.
Aujourd'hui samedi il y a marché.
Les rues sont coupées dans notre
quartier. Chez un marchand de souvenirs
mon regard est attiré par de petits
lamas séchés. Ce sont en fait
des lamas avortés que les Boliviens
achètent pour les enterrer sous les
fondations de toutes leurs constructions,
pour conjurer le mauvais sort. Le samedi
c'est aussi le jour des mariages tout comme
le dimanche. Nous en verrons plusieurs car
notre hôtel est en face d'une église.
Les mariées sont en robe blanche,
les mariés sont en costume noir.
Quand ils sortent de l'église, leurs
amis leur jettent des kilos de confettis
qu'ils doivent garder sur la tête
le plus longtemps possible; c'est un signe
de longévité du bonheur. Pour
l'un d'eux, il y eut même un orchestre
andin. Les musiciens, habillés en
costume local noir bordé de fils
d'argent avaient des couvre-chefs d'un mètre
de diamètre, pas très commodes
à porter quand il y a tant de monde,
l'ensemble avait belle allure.
Le dimanche nous sommes allés à
la messe. Il y en a à toutes les
heures le matin. La notre était accompagnée
d'une chorale, je me suis laissé
aller à chanter. A la fin de la cérémonie,
bénédiction individuelle,
tout le monde passe devant le prêtre
qui vous asperge généreusement
d'eau bénite. L'après-midi
nous avons fait une promenade dans la Paz,
histoire de la connaître un peu avant
de continuer notre route vers le Pérou.
La ville est située dans une immense
cuvette aux bords abrupts. Nous montons
sur le coté Est de la ville. Nous
empruntons un des milliers d'escaliers de
cette ville immense, où vivent 1
300 000 personnes environ. Soit dit en passant
la capital de la Bolivie n'est pas La Paz,
mais Sucre. Les habitations sont construites
sans ensemble architectural cohérent.
Les structures des maisons sont en béton
armé et briques rouges. Les toits
en tôles ondulées sont chapeautés
d'un réservoir d'eau. Peu d'entre
elles sont achevées. Elles sont accrochées
sur des pentes pouvant atteindre 45%. La
ville de loin paraît toute rouge.
L'ensemble est insolite, hallucinant. On
aperçoit quelques beaux monuments.
Ce sont pour la plupart des églises
ou autres édifices de style espagnol.
La ville est dominée par des pics
enneigés de plus de 5000 m dont la
montagne Illimani qui culmine à 6480
m. C'est une des plus haute d'Amérique
latine, après l'Aconcagua 6959 m
située en Argentine à la frontière
avec le Chili.
Nous partons lundi après- midi en
direction de l'ouest. La route pour Tiwanaku
notre prochaine étape passe par El
Alto. Une route fréquentée
par de nombreux camions et cars (peu de
voitures) roulent à tombeaux ouverts
de jour comme de nuit. Je ne compte plus
le nombre de chiens écrasés
tant il y en a. Cet ami de l'homme paie
un lourd tribut à la circulation
routière. Les hommes ne sont pas
épargnés non plus. Le long
de la route se trouvent d'innombrables petits
sanctuaires avec des croix et des fleurs.
Il y en a autant que de morts. Ici une chapelle
là trois parfois quarante, c'est
un car qui est tombé dans le ravin
avec tous ses passagers. C'est impressionnant
!
Nous essuyons sur la route un véritable
déluge, elle est inondée,
les voitures hésitent à passer
tellement le courant est fort. Nous nous
risquons, ouf, nous sommes passés.
Nous en profitons pour faire quelques clichés
(dont un tourbillon de plus de 1 mètre
de diamètre). Dans l'hémisphère
sud les tourbillons tournent à l'inverse
de chez nous. Arrivés à Tiwanaku
3900m (Tiahuanaco) le site de la fameuse
porte du soleil (qui a inspiré Hergé
dans Tintin et le temple du soleil). En
cette période de l'année Il
y a peu de touristes. Nous trouvons une
auberge ou nous dînons et couchons,
nous sommes les seuls. Dans la chambre occupée
par les Hydrotrotters il n'y a pas d'interrupteur.
Pour allumer il faut mettre en contact les
deux bouts de fils électriques qui
sont à nus. Dans le même genre,
à la Paz un agent de circulation
n'ayant pas de bouton pour changer les feux
de croisement mettait en contact le fil
rouge avec le fils bleu ou le fil rouge
avec le fil noir suivant le sens du trafic
voulu. Le lendemain nous visitons le fameux
temple du soleil qui s'étale sur
plusieurs hectares. La région est
marécageuse, cette cité précolombienne
était alimentée en eau par
une source se trouvant sur les montagnes
avoisinantes à une dizaine de kilomètres.
Le site a non seulement été
bouleversé par de nombreux tremblements
de terre qui secouent régulièrement
la région mais aussi par l'occupation
des conquistadors espagnols. On a peine,
à imaginer aujourd'hui que plus de
60 000 personnes vivaient dans ce lieu.
Les peuples précolombiens ne connaissaient
pas le théodolite, ce qui ne les
empêchaient pas d'avoir des connaissances
poussées en astronomie, mathématiques,
ingénierie hydraulique, architecture
et traitement des métaux. Au solstice
d'été à midi, plusieurs
éléments architecturaux sont
alignés sur le rayon du soleil. On
retrouve ce phénomène à
Gisors près de Paris. Nous découvrons
aussi, une pierre percée faisant
office de haut-parleur. Plus loin, le soubassement
d'un temple est composé d'une pierre
de plus de 120 tonnes. L'origine et le mode
de transport de cette pierre restent encore
inconnus. Dans un des enclos du temple,
un lama blanc, fétiche des indiens,
broute tranquillement. Dans le musée
que nous visitons aussi, nous replongeons
dans la lecture de Tintin en voyant la statue
monolithe de 30 tonnes qui inspira L'Oreille
Cassée. Dans d'autres salles nous
découvrons des sculptures, des poteries,
des céramiques, des outils, des instruments
de musique, des squelettes et des crânes
dont certains sont en forme de cigare. Cette
forme était obtenue en mettant autour
de la tête des bébés,
un cercle en argent qui leur déformait
la boite crânienne. Que de souffrances,
pour avoir la Connaissance !
L'après- midi, nous prenons la route
du Pérou en passant sur les bords
du lac Titicaca.
Le Pérou
A Désaguadero ville frontière,
notre voiture sera désinfectée
par un enfant à grands coups de pulvérisateur,
contre quoi ? Mystère. On rencontre
beaucoup de tricycles (moyen de transport
courant). Ils encombrent la chaussée
ce qui rend la circulation difficile. Nous
longerons encore le lac Titicaca qui est
bordée de nombreuses fermes en torchis
avec des toits de tôles ondulées
ou recouvertes de tuiles rondes. Le lac
est de toute beauté ainsi que le
ciel. Les couleurs sont magnifiques, nous
nous arrêtons pour prendre des photos.
L'arrivée à Puno sera tardive,
la route est longue fatigante et dangereuse
à cause des nombreux cars roulant
plein phare, un vrai cauchemar. Le port
de Puno (3800m d'altitude) domine le lac
Titicaca (8340 km2 et une profondeur maximale
de plus de 467 m). Ce lac est aussi grand
que le tiers de la Belgique. C'est le plus
haut lac navigable du monde, une véritable
mer intérieure sillonnée par
de gros bateaux, avec de nombreuses îles
flottantes où jusqu'au milieu du
XXème siècle se sont réfugiés
les indiens Urus. Pas de promenade sur le
lac par manque de temps, par contre nous
montons sur un promontoire dominant la ville
et le lac, d'où nous avons un très
beau point de vue. La ville est coincée
entre lac et montagne avec à nouveau
beaucoup d'escaliers. Il est dit que le
peuple andin est le peuple des nuages, on
pourrait aussi dire que c'est le peuple
des escaliers. Maintenant direction Cuzco.
Nous rencontrons de nombreux troupeaux de
lamas, de cochons, d'ânes, de vaches
gardées par des enfants et leur maman.
Les bords de la route sont répugnants,
tout le monde jette, bouteilles et sacs
plastiques, qui volent à tout vent.
Au sortir d'un virage nous avons à
nouveau une vue du lac Titicaca bordé
par une voie ferrée que l'on croirait
posée sur les eaux, tant il y a d'inondations.
Plus tard dans l'après-midi nous
traversons des plaines plus riches en herbes
où pâturent des milliers de
vaches et de lamas. Il y a même des
exploitations agricoles de plusieurs milliers
d'hectares bordées au loin de montagnes
enneigées. A Sicuani, nous nous arrêtons
pour téléphoner et donner
des nouvelles à notre famille restée
en France. Nous traversons un col situé
à plus de 4500 m. Nous rencontrons
alors, un impressionnant troupeau de lamas
blancs de toute beauté. En descendant
le col sur le flanc de la montagne un immense
géoglyphe moderne (Réseau
de lignes tracées avec des pierres
sur le sol), nous informe qu'il y à
des sources thermales. Un peu plus loin
nous apercevons des piscines fumantes. Nous
nous baignons, quasiment seuls, avec quelques
séminaristes venus du village voisin,
pendant une bonne heure. L'eau étant
à plus de cinquante degrés
au sortir de la terre, plusieurs canaux
d'une centaine de mètres sont nécessaires,
avant de la faire arriver dans la piscine,
à bonne température. La température
extérieure est voisine de zéro
degré, nous sommes à près
de 4300 d'altitude. Nous arrivons tard dans
la nuit à Cuzco. L'auberge Campécina
où nous logeons est agréable
propre et bien tenue, nous y resterons cinq
nuits. En sortant un soir alors que nous
allons dîner, le responsable de l'auberge
nous entendant parler français, nous
aborde. C'est un dominicain natif de la
région de Lille. Il est ici depuis
plusieurs années consacrant sa vie
aux plus démunis. L'auberge a été
financée grâce aux dons du
CCFD. L'ensemble est composé de trois
patios autour desquels s'articulent, chambres,
bâtiments administratifs et centre
social. Des cours y sont dispensés
(entre autre cours de langue quechua). Des
bâtiments destinés à
la vente de produits régionaux pour
les touristes sont en construction. En plus
de ce centre, ce prêtre s'occupe de
jeunes délinquants emprisonnés.
Nous le reverrons tous les soirs pour parler
avec lui de divers sujets : Problème
de la grande pauvreté en Amérique
latine, théologie de la libération,
apparitions récentes des sectes,
la renaissance du sentier lumineux, omniprésence
des églises baptistes américaines,
méfait de l'alcool et de la drogue
sur les populations andines, régulation
des naissances, (500 000 femmes ont été
stérilisées à leur
insu sous la précédente présidence).
La ville de Cuzco (270 000 hab.), est perchée
à 3400 m d'altitude, après
La Paz cela nous semble bien bas, je respire
mieux. La ville inca a été
rasée par les espagnols, il ne reste
que quelques soubassements de maisons en
pierres de grosses tailles (dont une à
treize cotés) ajustées sans
ciment. En 1951 la ville fut entièrement
détruite par un tremblement de terre
et reconstruite à l'identique par
ses habitants avec l'aide d'ingénieurs
et de prêts espagnols. Elle s'étend
sur un site magnifique jugé comme
étant l'un des plus beaux d'Amérique
du Sud. La place d'Armes est harmonieusement
construite avec sa cathédrale, l'église
de la compagnie de Jésus et ses galeries
marchandes à colonnades lui donnant
l'aspect d'un cloître. De nombreuses
rues dans la vieille ville sont encore pavées
avec des pierres rondes. Un soir nous goûtons
la cuisine locale, pour Loïc c'est
une dure expérience car son cochon
d'inde n'a pas été vidé
(Pour lui donner plus de goût paraît-il)
,
avec Geoffroy, prudents nous mangeons du
lama. Le dernier après-midi à
Cuzco nous faisons des emplettes, chapeau
en cuir pour Geoffroy, veste taillée
dans un ancien poncho pour Loïc. Pour
moi, bijoux trouvés chez un artiste
travaillant avec beaucoup de talent, l'or
et l'argent. Le dernier matin, après
un pantagruélique petit-déjeuner
pris dans un ancien couvent transformé
en hôtel (Monestario), nous prenons
la route pour Arequipa.
Une fois arrivés, nous trouvons une
auberge sympathique et pas chère
mais sans parking. Aïe, la fourrière
péruvienne nous coûtera 40
dollars. La ville (620 000 h) construite
en pierres de lave blanche crée par
Pizarro en 1540 est située à
2300 m d'altitude, elle est belle propre
et très touristique. Le climat y
est particulièrement clément
300 jours de soleil par année.
L'ascension du Volcan Misti Altitude
5842 M
Comme nous n'étions pas allés
au Machu Picchu prés de Cuzco, nous
décidons d'escalader le volcan Misti.
Rendez-vous est donc pris avec un guide
pour le lendemain à 8 h à
notre hôtel.
En montant vers le point de départ
nous passons dans les faubourgs d'Arequipa
qui, en 2001, ont été en partie
dévastés par un tremblement
de terre. Depuis cette date le Misti que
nous allons escalader n'a plus sa calotte
de neige, le volcan s'est remis en activité.
A 3300 m le chauffeur du taxi 4x4 nous dépose.
Pendant les trois premières heures
de montée tout va bien. Arrêt
toutes les demi-heures, pour boire de l'eau,
croquer un bonbon. A midi arrêt pour
le casse-croûte, le guide n'en revient
pas, ses clients d'habitude ne mangent pas,
nous dévorons les sandwichs que nous
avions emporté. Je suis très
fatigué, j'ai les jambes en compote.
Geoffroy prend mon sac car je marche comme
un zombi tout en mâchant mes feuilles
de coca. Le guide ouvre la marche il fait
de très petites enjambées
en traînant les pieds quasiment. Je
le suis, Geoffroy est derrière moi.
Plusieurs fois il me retiendra pour ne pas
tomber dans le vide. Loïc ferme la
marche, je l'entends qui respire comme une
locomotive, "Respires bien papa me
dit-il sinon tu vas t'asphyxier". Je
dois maintenant m'arrêter plus souvent
car je suis exténué. Lors
d'un arrêt, le guide me dit être
monté avec un homme de 80 ans, cela
me donne du courage. Vers 15h30 nous arrivons
dans le nuage au camp de base à 4800m.
Deux canadiens ont déjà installé
leur tente et se reposent. Loïc et
Geoffroy montent la tente où je dormirai
avec Loïc, je suis tellement fatigué
qu'il m'est impossible de les aider. Une
fois la tente montée je déroule
matelas et sac de couchage et m'allonge
pour me reposer. A côté le
guide et Geoffroy montent la leur. Il commence
à pleuvoir, notre tente prend l'eau,
nos duvets sont mouillés. Nous nous
endormons quelques temps. Vers 16h le guide
nous apporte une soupe chaude de pâtes
chinoises. Comme il pleut toujours, Loïc
sort de la tente pour mieux la disposer
et pour ne plus être trempés.
Nous échangeons peu de mots tant
je suis fatigué. A coté nous
entendons le guide et Geoffroy palabrer
comme si de rien n'était. Vers 18h
après le dîner de spaghettis,
le silence se fait, aucun bruit si ce n'est
la pluie et le souffle du vent. Je me glisse
tout habillé dans mon duvet, en ayant
tout de même pris soin d'ôter
mes chaussures. Loïc lui se change
pour la nuit. Nous essayons de dormir, ce
n'est pas facile à cette altitude.
Vers 22h la pluie cesse, le vent vient de
changer de sens. Il fait plus froid. Vers
1 heure du matin, les Canadiens commencent
à se mettre en branle, notre guide
lui se lève et prépare le
maté de coca et les sandwiches, pour
le petit déjeuner. A 2h les canadiens
sont partis, nous les suivrons de peu en
laissant au camp de base, tentes et matériel
inutiles. Loïc et Geoffroy prennent
chacun un sac, avec boissons, aliments sucrés,
appareils de photos et caméra. Je
ne porte rien. Il fait beau, nous apercevons
au loin Arequipa toute illuminée
dans le fond de la vallée. La pleine
lune donne une lueur suffisante pour avancer,
mais le guide me conseille de prendre la
lampe frontale. "Ce sera plus commode
pour vous me dit-il". Nous voilà
partis, nos muscles, bien que pas tout à
fait refroidis, sont malgré tout
un peu durs. J'avance péniblement.
Derrière moi Geoffroy s'est mis à
compter "une deux, une deux
.."
pour m'aider, J'avance comme un automate.
Loïc m'incite à respirer comme
une locomotive, la pente devient plus escarpée.
A plusieurs reprises mes jambes se dérobent,
Geoffroy me retient. Nous montons à
présent dans le brouillard, xième
arrêt. J'ai l'impression de reculer
au lieu d'avancer. "Un deux, un deux
allez papa nous sommes à 5200 m encore
deux tours Eiffel à monter et nous
y sommes". Je reprends courage, le
jour se lève le plafond de nuages
est plus haut, la vue est splendide. Au
loin nous voyons la montagne Picchu Picchu
drapée dans son manteau blanc de
neige. Au moment du lever du soleil il fait
plus froid, Loïc est congelé,
je lui donne le chandail que j'ai retiré
tant j'avais chaud. Loïc et Geoffroy
ont les mains gelées. Les gants prêtés
par le guide ne sont pas de bonne qualité.
Nous montons toujours, encore une tour Eiffel,
nous avançons lentement. Pour m'encourager
Geoffroy me dit apercevoir la Croix qui
est au sommet, mais elle me paraît
encore loin. Nous voilà bientôt
sur le bord le plus bas du volcan, les Canadiens
reviennent déjà du sommet.
Ils nous souhaitent bon courage, le guide
leurs indique le chemin du retour le plus
rapide. Nous voyons à présent
le fond du cratère, des fumeroles
sulfureuses s'en échappent. Notre
respiration n'en devient que plus difficile.
Malgré l'altitude il y a peu de neige.
La pente est abrupte 70 à 80 %. Mes
pas mal assurés provoquent des chutes
de pierres, elles dévalent à
grande allure et nous ne les voyons pas
s'arrêter. Pourvu qu'il n'y ait personne
au-dessous. Le guide et Loic sont déjà
au sommet. Le volcan est de toute beauté
bien que dans les nuages, les pierres sont
de différentes couleurs. Encore quelques
pas et nous sommes en haut. Le sommet du
volcan est très découpé,
il y a des fenêtres de rochers de
plusieurs mètres, on dirait de la
dentelle tant il y en a. Le vent pousse
les nuages au travers de ces trous béants,
de temps à autre un rayon de soleil
apparaît. La fantasmagorie des couleurs
est telle que l'on se croirait dans un rêve.
Nous y sommes enfin, le guide nous sert
la main en nous félicitant. Avec
Loïc et Geoffroy nous nous embrassons
tout les trois longuement tant nous sommes
émus et contents. Que d'efforts,
mais quelle récompense après
2542m de dénivelé. Nous nous
affalons sur le sol pour nous reposer un
peu. La croix est faite en rails de chemins
de fer. A ses pieds se trouve une vierge
à l'enfant en habits d'apparats enchâssée
dans son écrin de verre devant lequel
se trouve une chaise d'enfant. Des tags
sur les pierres alentours et des détritus
gâchent cet endroit magnifique. A
5842 m nous nous attendions à mieux.
Quand comprendrons-nous que la planète
terre n'est pas une poubelle ?
Nous ne restons pas longtemps au sommet,
il fait très froid. Geoffroy nous
dit avoir été obligé
tout à l'heure de s'uriner sur les
mains tant elles étaient gelées.
Pour notre retour, nous empruntons un couloir
de cendres volcaniques avec une pente de
70%. Nous courrons littéralement,
Loïc, Geoffroy et le guide font des
bons de cabris. Ils sont maintenant loin
devant moi. C'est vrai que cette descente
est amusante, mais je suis fatigué
et ne peux aller à leur rythme, je
m'arrête souvent. Ils auront presque
terminé de plier la tente et le matériel
quand j'arriverai au camp de base.
Nous avons quitté le sommet il y
a 1h30. Nous repartons assez vite après
avoir mangé le reste de nos provisions,
il est 10h30, il fait toujours froid. En
repartant je constate encore la saleté
du lieu. Nous avons fait une poubelle de
nos détritus, mais n'avons pu ramasser
tous ceux des autres, il y en avait de trop.
Dès que nous sommes partis, une souris
ou un rat pointe son nez de derrière
une pierre pour manger quelques reliefs
de nourriture. Je me demande comment elle
est arrivée si haut. C'est le seul
animal que nous ayons rencontré dans
toute notre ascension. Encore une 1h30 est
nous retrouvons notre chauffeur. Vers la
fin de notre descente notre guide nous montre
les empreintes d'un animal dont il nous
dit être celles d'un puma (frissons).
A 12h 30 nous sommes de retour à
hôtel, nous y croisons deux jeunes
qui viennent de faire l'ascension du Mont
Chachani (6075m), ils sont épuisés,
ils n'ont pas dormi de la nuit, ils ont
l'impression que leur tête va éclater
tant ils ont mal. Nous sommes dans un sale
état, mais sans le mal de crâne,
et finalement nous sommes bien contents
ne pas avoir fait celui-là. Notre
aubergiste nous offre un verre de maté
de coca et nous explique que les agences
ne sont pas toujours très sérieuses,
car pour toucher leur commissions sur les
courses en montagnes elles indiquent aux
clients qu'elles sont faciles. Mais en fait,
bien peu de personnes vont jusqu'au bout.
Quant au matériel, à les écouter,
il suffit d'être en baskets et vêtements
de ville. Nous avons payé pour voir
comme le dit la maxime. Loïc et Geoffroy
n'avaient pas de bons gants, et pas de pantalons
chauds. Conclusion, en haute altitude, même
en été sous les tropiques,
il peut faire très froid, nous le
saurons la prochaine fois. Demain nous prendrons
la route du Chili. Après tant de
fatigues et un bon dîner (viande d'alpaca)
la nuit a été très
bonne.
Nous quittons Arequipa. Lors de notre ascension
j'avais vu en direction de l'Ouest, des
montagnes blanches qui ne me paraissaient
pas très hautes 1500 à 2000m
environ, je croyais que c'était de
la neige, en fait de neige c'est du sable
blanc. Il fait de plus en plus chaud et
le paysage devient complètement désertique.
Le long de la route, il y a toujours autant
de tags, de détritus de toutes sortes,
de petites croix sur leur sanctuaire. Nous
croisons peu de voitures et quelques gros
camions sur la route. Le vent souffle soulevant
le sable en tourbillons inquiétants.
Depuis l'Egypte et le Chili, les Hydrotrotters
n'ont pas eu un climat aussi aride et sec.
Au sortir d'un village, nous voyons un énorme
pénitencier appelé ici "maison
de remise en condition sociale". On
n'ose pas penser à la température
qu'il doit faire dans les cellules car le
thermomètre indique 40°. Nous
ne voyons personne, sauf des gardes dans
leurs miradors. Le paysage alentour est
lunaire. Notre route sera longue, nous avons
peu d'eau, nous aurons soif longtemps. Demain
nous essayerons d'être plus prévoyants.
Nous entamons une rampe de 25 kilomètre
qui nous mènera sur un plateau toujours
aussi désertique, nous y ferons une
quarantaine de kilomètres puis descente,
de 25 kilomètres pour arriver dans
une vallée étroite où
coule une maigre rivière. Eau égale
vie. Nous trouvons un village entouré
de champs verts, où paissent des
animaux, on y trouve aussi des cultures
de maïs, d'arbres fruitiers et de vigne.
A l'entrée de certains villages des
contrôles sanitaires sont effectués.
"Pour préserver les cultures
de la contamination d' une mouche"
nous dit-on. Dans ce désert, tous
les cents kilomètres environ, nous
rencontrons des auberges. Pour le déjeuner,
nous en profitons pour nous régaler
de crevettes grillées et de calamars.
Au milieu de l'après midi, nous traversons
Neblina une petite ville en plein désert
où se trouve une énorme caserne
de blindés et de missiles. Le camp
est entouré d'un haut mur avec des
miradors inoccupés. A la sortie de
la petite ville, d'un côté
de la route le désert, de l'autre
d'immenses champs verts avec une activité
agricole intense, du monde dans les champs
et même des tracteurs. Nous sommes
dans une zone qui a été irriguée
il y a une vingtaine d'années. Partout
des tourniquets et des rampes d'arrosage.
Le contraste entre les deux cotés
de la route est saisissant. En fin d'après-midi
alors que le soleil décline, nous
avons la surprise de voir tomber une petite
averse avec un début d'arc-en-ciel.
L'événement dans cette région
aride et désertique est rare. Nous
traversons à nouveau des vallées
vertes et habitées puis à
nouveau des déserts. Nous arrivons
à Tacna vers 21h, il y a encore beaucoup
de monde dans les rues. Le marché
est encore en activité avec de nombreux
chalands. Nous arrivons enfin près
de la frontière chilienne, mais nous
ne sommes pas au bout de nos peines. Car
avant de sortir du Pérou la douane
péruvienne fait un contrôle
anti-drogue. Nous sommes d'autant plus fouillés
que nous avons voulu doubler la file de
voitures qui étaient devant nous
et qui attendait sagement leur tour. A ne
plus faire ! En plus du contrôle un
douanier nous dit que nous n'avons pas rempli
les papiers ad hoc à la précédente
frontière, Geoffroy et Loïc
expliquent que si. Finalement il faudra
attendre le retour du chef qui vient de
partir dîner.
Journal du 23 janvier au
5 février 2004 écrit par Tanguy
de La Tullaye
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