Le Chili
Vers minuit tout est arrangé, nous
arrivons enfin à la douane du Chili.
Là, l'accueil est aimable, les visas
seront remplis par le chef de poste. Il
vient me dire bonjour en me souhaitant un
bon séjour au Chili et en me complimentant
sur le bon niveau d'espagnol des Hydrotrotters,
particulièrement de Loïc. Nous
arriverons vers 1h du matin dans une auberge
à Arica, ville côtière
du Pacifique où Geoffroy et Loïc
sont déjà venus il y a plus
de trois semaines. L'aubergiste est couchée,
elle nous accueillera en chemise de nuit.
Pendant que je me couche sans dîner,
Loïc et Geoffroy vont grignoter un
peu et se brancher sur le net. Le matin
en quittant, nous rencontrons le douanier
sympathique de la veille. Il est avec ses
enfants, nous nous souhaitons de loin une
bonne journée. Alors que nous nous
asseyons dans notre voiture, nouvelle rencontre.
C'est un anglais en vacances, à qui
les hydrottrotters avaient offert un pot
lors de leur dernier passage alors qu'on
venait de lui voler sa caméra. Il
part pour l'Inde, nul doute le monde étant
si petit, que Geoffroy et Loïc le rencontreront
là bas. Le Chili est plus riche que
les deux pays que nous venons de traverser,
Le parc automobile est récent, moins
de voitures japonaises ou coréennes
mais beaucoup de pick-up américains,
des voitures françaises, allemandes,
italiennes. Les maisons sont achevées
et coquettes, les rues sont propres, les
jardins publics mieux tenus. L'eau en bouteille
est plus chère, 1 euro la bouteille.
Nous allons prendre la fameuse route panaméricaine.
Là où nous sommes le panneau
indicateur nous donne 2050 km jusqu'à
Santiago, capitale du Chili. Nous quitterons
cette route coincée entre les Andes
et le Pacifique à La Séréna.
La région est complètement
désertique. Pour dépenser
moins de carburant nous ne mettons pas la
climatisation et roulons les fenêtres
ouvertes. Il fait beau et chaud. Un vent
de sable et des tourbillons parcourent ces
plateaux immenses. Les camions que nous
rencontrons sont gigantesques. Nous en croisons
un qui transporte une benne de 100 m3 destinée
au chantier d'une mine. Nous allons en voir
des milliers (de mines). Le Chili possède
la plus grosse mine de cuivre du monde,
elle est à ciel ouvert. Il y a aussi
des cimenteries, des mines d'argent, de
zinc de cobalt, de nitrates. La plus grosse
mine de nitrate emploie 8500 personnes à
Humberston. Pas un endroit où nous
ne voyons des traces de pneus. Tout est
quadrillé, retourné, la région
traversée ressemble à un champ
fraîchement labouré. Lors d'un
arrêt, nous constatons que le sol
n'est que du sel mélangé à
un peu de terre. Plus loin, des arbres ont
été plantés sur des
milliers d'hectares, ils sont bien alignés
mais ils manquent d'eau. A propos d'arbres,
nous avons constaté qu'il y avait
beaucoup d'eucalyptus surtout au Pérou.
Ils poussent vite et quand ils sont coupés,
ils redonnent deux troncs. Par ailleurs,
pour un arbre coupés il y a obligation
d'en replanter deux. Nous traversons maintenant
une région fantôme où
vivaient plus de 20 000 personnes. Un tremblement
de terre a tout dévasté, il
y a plusieurs années. Il ne reste
que des cimetières en bon état.
Nous traversons une nouvelle oasis et encore
une région minière avec une
activité intense, la route est longée
par deux pipelines et une voie de chemin
de fer. Nous passons le tropique du Capricorne
avant d'arriver à Antofagasta, port
minier de la côte du Pacifique où
nous logeons. Nous ne nous baignerons pas,
tant l'eau est polluée par les déchets
des mines rejetés sans traitement,
dans la mer. Le lendemain, nous traversons
à nouveau des plaines et des plateaux
désertiques, le ciel est bleu, sans
un nuage. Notre prochaine étape sera
le port de Chañaral où nous
arrivons en milieu d'après-midi.
Les Hydrotrotters veulent visiter un site
expérimental (Falda verde), de captation
d'eau imaginé par des australiens,
dans cette région aride. Le principe
consiste à tendre des filets à
petites mailles sur les monts proches dans
lesquels la brume la nuit se condense. Nous
serons obligés de demander au poste
de police où se trouvent les filets
piégeurs de nuages. Nous nous rendons
au lieu indiqué, pas de chance, il
est samedi, tout est fermé. Nous
franchissons la chaîne servant de
barrière au site, Geoffroy va faire
des photos des filets qui se trouvent à
une heure de marche. Avec Loïc nous
restons en bas à côté
de la serre où poussent des tomates
qui on l'air bonne et juteuses. De là
où nous sommes nous avons une très
belle vue sur Chañaral, le Pacifique
et les alentours. Peu de monde sur la plage
car là aussi tout est pollué
par une usine de cuivre qui se trouve à
quelques kilomètres. Geoffroy de
retour, nous repartons. Maintenant la route
longe la côte, en cette saison estivale
il y a beaucoup de monde le long du littoral.
Les gens font du camping sauvage et mettent
leur tente un peu partout. Nous nous arrêtons
pour faire des photos de pierres travaillées
par l'érosion de la mer. Plus tard
au moment où le soleil tombe dans
la mer nous dînons dans un camping.
Comme nous avons beaucoup de route à
faire nous repartons pour nous arrêter
vers minuit au bord du chemin. Nous plantons
notre tente dans un endroit plat, sans un
seul caillou car nous n'avons pas de matelas.
Nous passons finalement une très
bonne nuit.
Aujourd'hui nous nous levons de bon matin
et partons en direction de la réserve
von Humboldt pour essayer de voir des éléphants
de mer et autres animaux marins. La route
que nous empruntons n'est pas asphaltée,
il y a beaucoup de poussière, nous
arrivons au petit port très touristique
de Los Choros. Il y a beaucoup de monde,
hélas pour nous la réserve
se trouve à une heure de bateau.
Nous n'irons donc pas. Avant d'arriver à
La Séréna, ville touristique
et balnéaire, il nous faut encore
traverser à perte de vue des plaines
désertiques. Après le rituel
choix de l'auberge nous allons nous baigner.
La plage est immense une quinzaine de kilomètres
environ et large de 300 m. Il y a beaucoup
de baigneurs. Nous ramassons quelques coquillages
en grattant dans le sable et les mangeons.
La sécurité ici est bien organisée,
un garde cote passe régulièrement
au large, des postes de secours sont installés
à intervalles réguliers. Vers
18h nous rentrons puis allons dîner
dans un bon restaurant de la côte.
Le lendemain nous partons en direction de
l'Argentine, après avoir fait le
tour de la ville. La route que nous empruntons
maintenant longe une rivière, le
Rio Elqui, nous la suivrons pendant 200
km, jusqu'au poste de frontière chilien
qui est à 150 km de celui d'Argentine.
La vallée est très riche en
cultures (vigne pour le fameux Pisco, la
grappa chilienne). Un grand barrage alimente
en eaux des bassins de piscicultures. Il
y a beaucoup de touristes. Les habitations
sont soignées avec des fleurs en
abondance, en particulier des bougainvilliers.
Notre route croise celle menant à
l'observatoire américain Cero Tololo.
Cette région du Chili, possède
l'air le plus pur de la planète avec
peu d'humidité, pas de nuage et pas
de pollution lumineuse. La veille nous avions
déjà croisé la route
de l'observatoire européen, il était
trop tard pour y aller. Les Hydrotrotters
veulent faire une fiche technique sur l'eau
dans les étoiles. Nous prenons donc
le chemin de Cerro Tololo mais hélas
la route est privée. Le gardien ne
veut pas nous laisser passer, il nous dit
cependant que des astronomes ont un rendez-vous
à La Séréna et qu'ils
passeront ici dans 45 minutes. Nous profitons
de ce temps pour aller rapidement déjeuner.
Trois quarts d'heure après, Geoffroy
arrête la voiture des astronomes,
ils n'ont pas beaucoup de temps et proposent
de les contacter par e-mail pour répondre
aux questions. Nous repartons un peu dépités.
Au fur et à mesure où nous
nous enfonçons dans le fond de la
vallée, les cultures deviennent de
plus en plus rares, seul le raisin pousse
encore. Il faut dire qu'il est l'objet de
soins attentifs. En ce moment ce sont les
vendanges. La vallée devient de plus
en plus encaissée, peu de circulation,
la route n'est plus asphaltée. Au
détour d'un virage, un immense barrage.
L'eau y est de la couleur du ciel, d'un
bleu azur avec des reflets verts. Les montagnes
alentours nous dominent et culminent vers
5500m, leurs couleurs sont extrêmement
variées, rouge cuivre, jaune, gris,
noir. Nous sommes subjugués par tant
de diversités. Nous traversons la
douane chilienne sans encombre, elle est
perdue au milieu des montagnes. Le douanier
nous dit qu'il nous faudra quatre bonnes
heures pour arriver au poste de douane argentin.
Nous sommes inquiets car encore une fois
nous n'avons pas beaucoup d'essence. Vers
4300 m, contre toute attente car la région
est vraiment désertique, nous croisons
deux gardiens de chèvres et leur
troupeau. Ils répondent à
notre coup de klaxon par un grand bonjour.
La route devient de plus en plus escarpée.
Mieux vaut ne pas faire une embardée
car la pente au dessous de nous est à
pic. En face, une montagne (6000m) recouverte
de neige, alimente la rivière que
nous avons suivie. Sur le bord de la route,
un névé a été
travaillé par le vent et la pluie,
il est plein de picots de glace de un à
deux mètres de haut, c'est curieux.
Nous prenons des photos tant le spectacle
de ces montagnes est fabuleux.
L'Argentine
Nous arrivons enfin au col : Le Passo del
Aqua Négra (4779 m d'altitude). Nous
rions à l'idée que nous sommes
presque à la hauteur du Mont Blanc
tout en roulant en voiture. Le brouillard
se lève de l'autre coté du
col, il commence à neiger. Alors
que nous sommes arrêtés, un
minibus bourré de passagers nous
double à vive allure, d'où
vient-il celui-là ? Nous ne l'avions
pas vu monter. La descente coté argentine
est tout aussi belle que du coté
chilien mais le climat n'est plus le même.
Il fait plus frais et plus nuageux. La descente
est longue, la route s'élargit et
devient goudronnée. Au fond de la
vallée une rivière qui se
jette, elle, sûrement dans l'Atlantique.
La nuit tombe alors que nous arrivons à
un poste de police dont la barrière
est fermée. Un policier nous attend
au milieu de la route. 40 Km plus bas la
frontière est proche d'un village.
Les douaniers sont très aimables
et utilisent les quelques mots de français
qu'ils connaissent. Visiblement ils nous
attendaient aussi. Ils avaient été
avertis par les douaniers chiliens de notre
passage. Nous sommes admiratifs de la bonne
coopération entre ces douanes. Dans
ce village frontière, nous allons
trouver de l'essence et dîner rapidement.
Fatigués, nous allons dormir sous
la tente dans un camping. Le matin nous
reprenons la route vers San Juan et Cordoba.
La région est belle, il fait chaud
et beau, peu de circulation sur la route
qui au demeurant est en excellent état.
Nous nous risquons à rouler vite,
la route est droite sur des dizaines de
kilomètres. Le paysage est peu varié,
de grandes plaines se succèdent.
La végétation qui était
maigre et rabougrie devient luxuriante.
De nombreux troupeaux de vaches sont aux
champs. Notre arrêt à San Juan
est de courte durée juste le temps
de prendre de l'argent. Il fait si chaud
que nous mettons la climatisation, de peur
de nous endormir au volant. Vers 15 h nous
espérons trouver une auberge pour
déjeuner mais ici ce n'est pas le
Pérou ni le Chili. Outre le fait
que la région soit peu peuplée,
c'est l'heure de la sieste. Finalement,
il nous faudra rouler longtemps pour enfin
déjeuner. Avant d'arriver à
Cordoba, nous traversons une chaîne
montagneuse. La route est très touristique,
on ne peut pas doubler, de plus les voitures
roulent lentement. Nous arrivons dans la
soirée à Cordoba chez une
de nos Tante, qui vit là depuis plus
de 50 ans avec sa famille. Nous sommes accueillis
à bras ouverts par nos cousins que
nous ne voyons pas souvent. Le lendemain
de notre arrivée, nous visitons Cordoba,
l'après-midi nous allons voir le
barrage de La Quebrada qui sert de réservoir
d'eau potable pour une partie de la ville.
Nous montons aussi jusqu'à la source
du rio de Salsipuedes alimentant le barrage.
La région est très belle avec
de petits monts semblables à ceux
que l'on trouve en Auvergne. Le rio est
coupé par de grandes chutes d'eaux
où se baignent des gamins.
Nous voilà dimanche. Je quitte en
fin d'après-midi les Hydrotrotters
qui continueront sans moi leur périple.
Je prends l'avion de Cordoba pour Buénos
Aire, puis pour New York. A L'aéroport
JFK où nous atterrissons il fait
-9°, un froid polaire. Il n'y a personne
dans les rues, c'est jour férié
aux Etats Unis. Dans la matinée je
monte en haut de l'Empire State building
il fait un temps splendide, la vue sur New
York est magnifique. A midi je déjeune
avec Eric, un ami de Loïc. Le soir
je prends l'avion pour Paris où je
retrouve enfin Elvire, ma tendre femme,
à l'arrivée.
Journal du 5 février
au 15 février 2004 écrit par
Tanguy de La Tullaye
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