Lors de notre séjour
en Inde du Sud, nous avons rencontré
deux fermiers utilisant deux méthodes
de captage d'eau différentes. L'un
irrigue son champ à l'aide d'un puits
vertical à poulie, plaine du Tamil
Nadu. L'autre irrigue sa terre à
l'aide d'un puits horizontal (gravité),
montagnes du Kerala.
Vijay notre ami indien, nous a présenté
à deux de ses amis qui se sont proposés
de nous véhiculer à moto selon
nos desiderata dans la campagne entourant
Thanjavur. Ce matin nous nous sommes levés
de bonne heure à 5h30 afin d'aller
interroger ces familles qui vont puiser
chaque matin l'eau soit à la pompe,
soit au robinet installé par le gouvernement.
Pourquoi se lever si tôt ?
- Le matin il fait bon. A 10h00 la plaine
se transforme en fournaise, impossible donc
d'entreprendre quoique soit
- Les couleurs pastelles du lever du soleil
permettent de prendre de magnifiques clichés.
- La corvée d'eau s'effectue essentiellement
le matin aux aurores. Le gouvernement met
l'eau à disposition des villages
entre 8h et 9h00 seulement, ensuite le réseau
est coupé. Mais avant il faut préparer
ses récipients et pourquoi pas la
vaisselle et le linge à faire. A
6 heures du matin, la campagne du Tamil
Nadu est donc déjà en pleine
ébullition.
Le cultivateur du Tamil Nadu :
C'est sur le chemin du retour, vers 9 heures,
après avoir rencontrés ces
familles, que nous croisons Ravichandhayan,
petit exploitant agricole du village de
Karavallanadu Puthuy.
Il cultive un petit lopin de terre de 1
hectare avec dix autres familles. Ils sont
six en moyenne par famille. Notre il
a été attiré par les
puits à poulie, qui servent à
irriguer leur exploitation.
Une poulie, une corde, un contrepoids (pierre)
et la force des bras sont nécessaires
pour actionner le puits. Chacune des 10
parcelles (1000m²) de terre a un puits
attenant. Les produits, qu'ils cultivent,
sont pour leur consommation propre. "S'il
y a un surplus de légumes nous allons
le vendre sur le marché, notre culture
nous permet d'être quasiment autonome
" nous dit-il.
En Inde, il n'y a pas comme en France 4
saisons, mais bien deux, la saison des pluies,
dite Kurvai, et, la saison sèche,
dite Sambha. Karavallanadu nous explique
que pendant la saison des pluies, ils font
du riz (la variété Paddy).
"L'eau qui tombe du ciel est suffisante
pour irriguer notre exploitation. Nous ne
pouvons pas comme les autres fermiers nous
permettre de faire du riz en saison sèche.
Nous n'avons pas d'électricité
pour pomper l'eau nécessaire à
ce type de culture hors saison. Durant les
6 mois de la saison sèche nous cultivons
donc des légumes, que nous irriguons
à la force de nos bras". Les
légumes qu'ils cultivent sont : aubergine,
courgette, concombre, tomate, oignon, piment,
une céréale, le maïs,
et pour finir un peu d'arachide.
L'eau est à trois mètres de
profondeur. Hommes et femmes travaillent
sans différenciation de sexe au champ.
Elles sont comme les hommes, assujetties
au puits pour tirer l'eau nécessaire
à l'irrigation de la culture. Quand
il fait chaud, c'est un travail très
dur
Ravichandhayan nous explique, que l'eau
pour lui est très importante. Elle
lui permet de manger, de boire, mais surtout
d'être autonome. Il y a toujours de
l'eau dans le puits. Il nous affirme d'ailleurs
qu'elle est de super bonne qualité,
mais personne n'est encore jamais venu la
tester !
"Sans l'eau que je puise tous les jours,
je ne pourrai pas vivre avec ma famille"
nous dit-il tout simplement. Il est conscient
qu'il y a de gros problèmes d'eau
dans le Tamil Nadu.
Aujourd'hui, il ne veut pas d'électricité
car la force de ses bras lui suffit amplement
pour satisfaire aux besoins en eau de sa
famille et de son bout de champ. Dans tous
les cas l'idée de gaspillage de l'eau
n'a aucun sens ici, puisque pomper trop
d'eau signifie pour eux suer à grosses
gouttes inutilement
Le cultivateur du Kerala :
Krishnan est sourcier avec
son fils, il vit à Kasaragod au Nord
de Calicut où il travaille (250 km
de son domicile). Son nom nous avait été
renseigné par le Dr Mohanan chef
du département de l'eau du sol de
Calicut.
Il est 13h50, quand Krishnan vient nous
chercher à la gare. Il connaît
des familles qui utilisent des puits horizontaux.
Un de nos amis de l'Institut Français
de Pondichéry nous en avait déjà
parlé. Un puits horizontal est un
trou creusé dans la montagne, qui
draine l'eau ruisselant dans les entrailles
de la montagne jusqu'à l'air libre.
La pierre, qui forme ces montagnes, est
tendre (latérite), ce qui permet
d'y creuser des tunnels de captage d'eau
facilement.
Krishnan nous présente à Narayanan,
qui vit ici avec sa famille (5 personnes).
Il y a 20 ans, Narayanan a creusé
un puits dans la montagne, quinze mètres
en dessous de sa maison pour irriguer son
champ de 2500m², mais aussi s'alimenter
en eau, car l'eau de la ville n'arrive pas
encore jusqu'ici. L'eau qui sort de la montagne
est stockée dans un grand réservoir
de 7000 litres où il vient tous les
jours faire sa toilette et laver son linge.
Cette eau sert aussi pour irriguer son champ.
Sa consommation en eau augmentant, il a
excavé un autre puits (1990) pour
sa consommation domestique, boire et faire
la cuisine, mais cette fois-ci, à
côté de la maison pour ne plus
avoir à monter l'eau avec des seaux.
Ces deux puits font entre 30 et 55 mètres
de profondeur. "Plus les besoins en
eau sont important plus vous devez creuser
profond pour augmenter le débit"
nous explique Narayanan. "Lorsque j'ai
voulu creuser ces tunnels j'ai fait appel
à un expert pour savoir où
je pouvais trouver de l'eau, ce n'est pas
moi qui est creusé, j'ai seulement
aidé au travaux de déblayage".
Sur sa parcelle de terre,
il cultive des palmiers filiformes (aréquier)
qui donnent une noix appelée noix
d'arec (Supari), plus quelques agrumes.
"Cette noix je la vends en ville, elle
est très prisée. Une fois
broyée, les gens la chique saupoudrée
de chaux et enroulée dans une feuille
de bétel (poivrier grimpant). C'est
plein d'énergie !" nous dit-il
en riant. En plus de son champ, il a deux
vaches et deux veaux qu'il faut aussi abreuver.
En saison sèche, le puits du bas
lui donne 5000 litres d'eau par jour, celui
du haut, creusé à la même
hauteur que la maison, 300 litres. "Avec
ces deux puits je n'ai jamais manqué
d'eau !"
Dans une maison à
côté, le cultivateur a pu creuser
son puits au-dessus de sa maison. L'eau,
ainsi drainée, remplit un réservoir
situé sur le toit de la maison. Le
trop plein alimente un autre réservoir
20 mètres plus bas pour irriguer
son champ. Ce procédé lui
permet d'avoir l'eau courante dans sa maison.
Son tunnel fait 65 mètres de profondeur
et donne 10 000 litres d'eau par jour (saison
sèche).
Krishnan nous explique,
que pour forer ce type de puits il faut
compter en moyenne 130 roupies (2,6€)
par mètre creusé, a contrario,
il faut compter 1300 roupies par mètre
(26€) pour un puits traditionnel. "Par
conséquent tous ceux qui ont la chance
de pouvoir forer des tunnels dans la région
le font, il y a en a d'ailleurs beaucoup"
nous fait remarquer Krishnan.
L'un des gros avantages
du cultivateur du Kerala sur celui du Tamil
Nadu, c'est qu'il use de la force de la
gravité pour irriguer son champ alors
que son collègue, lui, doit utiliser
la force de ses bras. Sacré gain
de temps, donc d'argent pour le cultivateur
du Kerala
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